AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Dandine


C'est elle. Elle a commence par me flairer, incredule, sans rien dire. Puis est apparue l'inquietude, articulee en mots: "Fais semblant de vivre, et bientot tu vivras". Enfin une certaine colere, en cris: "Leve-toi et marche!".

Pour elle, j'ai reajuste mes lunettes sur mon nez. J'ai laisse de cote toutes les lectures que j'avais commence et pris en mains l'Ulysse de Joyce. Si deja, autant entreprendre une odyssee, ou au moins un long voyage, une longue marche dans les rues de Dublin. Avec elle aussi j'ai fait une longue marche, un long periple. Quelques passages eprouvants, en fait une bien belle balade. Une balade de vie. Je me souviens, comme Jeremie, de la grace de sa jeunesse, de l'amour de ses fiancailles. Je lui saurai toujours gre de m'avoir suivi au desert, dans une terre inculte. Pour elle, j'ai lu. Pour elle, j'ecris. Elle ne sait pas ce que j'ecris, mais elle respire: "ouf!"

Pourquoi Ulysse? Pour me mesurer a ma jeunesse? Imberbe, je me pavanais, aureole d'intellectualisme, devant mes amis: "C'est sublime!" Comment vais-je le trouver aujourd'hui?

C'est tres long. Et je me fatigue vite. Je me suis entete, mais ca m'a pris du temps. Beaucoup plus que prevu. Et je ne sais quoi ecrire. Que pour moi aussi c'est un grand chef d'oeuvre? OK. C'est dit. MAIS. Il est completement destructure. Il est chaotique. Il est bouffi de citations dont deux doctorats ne viendraient pas a bout et qui survolent la tete du lecteur normal sans presque jamais s'y poser. Il est deroutant, changeant de style a chaque chapitre. Et le plus recurrent: le flux de conscience, un monologue interieur qui peut paraitre sans queue ni tete, ou les mots apparaissent sans etre coordonnes en phrases, par unites, par paires, par petits groupes. Et ce flux s'entremele souvent de descriptions, de dialogues faits pour devoyer le lecteur, pour le fourvoyer. Ah! Il faut s'accrocher! MAIS. Il s'en degage un magnifique portrait de Dublin. Tout en amour. de quai en ruelle, de pub en estaminet. Et un brossage pointilleux d'une multitude de personnages, d'une multitude de caracteres. Un zoo humain. L'arche de Noe. Et un heros antiheros. Leopold Bloom. Un juif errant a Dublin! L'homme qui renait de ses cendres chaque fois qu'il est tue par le ridicule! Les epousailles reussies d'Orient et d'Occident! Et un deuxieme heros. Stephen Dedalus. La jeunesse, reveuse, desorientee, incomprise, incomprehensible. Et c'est quand meme l'espoir. Et une heroine. Molly Bloom. Molly, la diva. Bon ce n'est qu'une petite diva, une diva provinciale, mais ses seins ont de quoi rendre affame Bloom, ce juif mangeur de cochon, et de quoi monopoliser les pensees du lecteur.

Je suis fatigue. Ce livre est une prouesse. le lire a aussi ete une prouesse. J'en suis sorti avec la joie d'avoir reussi a atteindre un sommet. Ereinte mais heureux. Fourbu. Beat. Rompu. Exauce.

Et me voila en donneur de conseils: Tous, tous ceux qui ont appris l'alphabet, tous les debutants en lecture, devraient lire deux chapitres, le premier et le dernier. le premier est tout en dialogues d'un humour percutant. le dernier est une romantique declaration d'amour a faire chavirer les coeurs les plus endurcis. Les autres chapitres pourront faire le bonheur de lecteurs aguerris.

Et moi? Moi je suis fatigue. La lecture m'a fatigue. L'ecriture de ce billet aussi. J 'y ai mis beaucoup de temps. Je fatigue vite. Je me dandine. Mais c'est pour elle. Non, pour moi. Elle a raison, ca me fera du bien. Et c'est aussi une sorte de bouteille a la mer... quelqu'un la ramassera... un jour... un ami peut-etre...


Commenter  J’apprécie          7719



Ont apprécié cette critique (62)voir plus




{* *}