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Citations sur Un chant dans l'épaisseur du temps (60)

BOTANIQUE

ll n’y a pas de différence entre la texture des mots
( je dis bien des mots, et non du tissu ou du cristal )
et l’impression que la surface de certaines feuilles
laisse sur les doigts : je me réfère à des feuilles comme celles des
platanes, des peupliers, et aussi des
cyprès. L’impression se transmet à l’âme,
ou à ceci, qui, en nous porte ce nom, et nous mène
vers un décor étrange d’idées et d’ombres où,
comme dans la caverne du philosophe, on ne voit pas la lumière
entrer : comme en songe, tout vibre dans le cœur
de l’obscurité. Alors, d’un geste brusque, j’arrache
ces feuilles. Pourtant, sur le sol, séparées de leur branche,
elles ne me disent rien, sinon que, dans le dictionnaire,
il est écrit : organe souvent en lame mince de couleur verte des plantes
à fleurs ou phanérogames...

MÉDITATIONS SUR DES RUINES ( 1994 )
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Un chat à la maison, seul, monte
sur le rebord de la fenêtre pour, de la rue,
être vu.

Le soleil frappe les vitres et
réchauffe le chat qui, immobile,
semble un objet.

Il reste ainsi pour susciter
l'envie-indifférent
même si on l'appelle.

Par je ne sais quel privilège,
les chats connaissent
l'éternité.
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RECETTE POUR FAIRE LE BLEU

Si tu veux faire du bleu,
prends un morceau de ciel et mets-le dans une grande marmite,
que tu puisses porter au feu de l'horizon ;
puis mélange-le avec un reste de rouge
de l'aube, jusqu'à ce qu'il ait fondu ;
verse le tout dans une bassine bien propre,
pour qu'il ne reste rien des impuretés de l'après-midi.
Pour finir, tamise un reste d'or du sable
de midi, jusqu'à ce que la couleur attache au fond métallique.
Si tu veux, pour que les couleurs ne passent pas
avec le temps, jette dans le liquide un noyau de pêche brulé.
Tu le verras fondre, sans laisser la moindre trace comme si
tu ne l'y avais pas mis ; et le noir de cendre ne laissera
pas même un reste d'ocre sur la surface dorée.
Tu pourras alors porter la couleur à hauteur
des yeux, et la comparer au bleu authentique.
Les deux couleurs te paraîtront semblables, sans qu'il
te soit possible de les distinguer l'une de l'autre.
Voilà comment j'ai procédé - moi, Abraham ben Judas Ibn Haïm,
enlumineur de Loulé - et comment j'ai laissé la recette à qui voudrait,
un jour, imiter le ciel.

MÉDITATIONS SUR DES RUINES ( 1994 )
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CLEARLY CAMPOS
(citation)


Une seule fois
l’amour a suspendu sa phrase ;
une seule fois
le fleuve a débordé sur la berge ;
une seule fois
les astres se sont éteints ;
une seule fois
j’ai entendu le silence des vents.

Le hasard
ne conjugue pas les coïncidences :
il les résout
dans un échange de regards
que les amants avaient cru
éternel

Et je descend cette page
jusqu’au bout de la rue
— en vain.

Le bureau de tabac
a fermé ce soir,
seulement une fois

— la dernière fois.

p.152-153
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Viatique -

La nuit, on se connaît par la voix, par la
respiration, par une noire tendresse des bras ;
on se connaît lentement comme si on ne s'était
jamais rencontré, ni échangé les mots
étranges d'un adieu.
On se connaît par le désespoir de l'ignorance, qui
aux uns at aux autres dérobe le sentiment, les laissant
livrés à la sécheresse d'un reflet.

Venez : de ce quai que l'hiver a dévasté
que les bateaux ne recherchent plus, ni les oiseaux, ni
la plus folle des prostituées d'autrefois ; et
apportez un refuge d'ombres sur
vos lèvres, une contagion de l'âme à la fatigue
des corps, le poids d'une lueur dans l'obscurité,
des yeux.

Communiez avec moi dans le désordre de la vie,
dans l'indécision des chemins,
dans la blessure d'un silence où s'écoulent,
comme les images d'un rêve,
un rire aimé, jadis, et
ton visage sans âge.

p.46
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A l'aube, à tes côtés, la mer
s'est ouverte comme la fleur d'un regard
que septembre fait pâlir. La mer:
quand encore le brouillard l'étreint et l'obscurcit,
elle rêve de tant de lumière, déjà...(...)
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CONFESSION



De l’un et l’autre côté que je suis,
de la lumière et de l’obscurité,
de l’or et de la poussière,
j’entends que l’on me demande de choisir;
d’abandonner l’inquiétude,
la douleur,
le poids de je ne sais quelle anxiété.
Mais je porte en moi tout
ce que je récuse. Je sens
se coller à mon dos
un lambeau de nuit;
et je ne sais comment me tourner
vers l’avant, où le matin
se lève.
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L'ordre du monde -

Le matin, je cueille les herbes du jardin. La terre,
encore fraîche, sort avec les racines, et se mélange
au brouillard de l'aube. Alors le monde
s'inverse : le ciel, que je ne vois pas, est
sous la terre ; et les racines montent
en suivant une direction invisible. De
la maison, pourtant, m'appelle une odeur
de café : comme si quelqu'un me disait
de me réveiller, une seconde fois,
pour que les racines croissent dans
la terre et que le brouillard, se dissipant, laisse voir le bleu.

(extrait de "Méditation sur des ruines") - p. 224
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ZOOLOGIE : LE MERLE

Dans la cage, le merle n'a pas le bec plus jaune
que dehors. Il se tasse dans un coin,
le pauvre, et semble honteux ;
— bien qu'il soit ici par la faute de celui qui l'y a mis,
sachant qu'un merle ne tombe pas du ciel.

Il y a de tels oiseaux, que tout un chacun
met en cage, quoique le bec soit jaune.
Ils ne chantent pas. Ne volent pas. Ne parlent pas.
Ce sont des oiseaux aveugles
avec le mutisme des oracles et des muets
avec la lucidité des prophètes.

Tout à fait par hasard, j'ai ouvert
sa cage. Et il est resté là, sans sortir
ni entrer.

p.84
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HAMLET



Il y a un moment, avant le réveil, où
rêve et réalité se confondent. Certaines fois,
le sommeil empêche de faire cette distinction ;
d’autres, nous nous jugeons engagés
dans la vie sans savoir que nous ne sortons pas encore
des limbes nocturnes. Dans tous les cas,
émotions et sentiments saisissent
le corps ; nous nous déplaçons d’un bord à l’autre
avec l’angoisse de cette double existence ; en rien,
nous ne dominons les actions que, cependant,
nous subissons comme si quelque chose nous avait
arrachés à notre lit. Pendant le petit déjeuner, en y
pensant, il reste déjà peu de chose de la nuit. Ni les
personnes, ni les mots, ni les images ne nous tour-
mentent avec l’intensité de naguère. Pourtant, c’est
comme s’il manquait une partie de nous-mêmes. Et,
le jour, nous répétons des gestes dont nous ignorons
les destinataires ; nous entendons des phrases dont
nous ne comprenons le sens. Et nous ne savons pas,
de fait,

/Traduction Michel Chandeigne
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