VII
J’attends qu’en mon âme se lève le chant.
J’attends que la mort m’entame son chant d’appel et d’amour,
qu’elle glisse sa voix d’au-delà de l’horizon et me la coule tout au fond
de l’être.
Je voudrais en moi l’ingurgiter en moi la sentir remonter de la gorge,
palper la langue, flatter la salive, séduire la bouche.
Et la déchirer, la déchiqueter avec mes dents, la réduire en bouillie,
la cracher agonisante sur le sable.
Mon cœur bat.
Depuis longtemps, il battait la mesure de ma vie.
Comme un son de tam-tam qui résonne dans les savanes et qui trahit
la présence d’une vie.
Au loin
répond le chant de la mort.
Je l’attends.
Il viendra infailliblement. Le battement du cœur est un appel à la mort.
Silence.
Je remets au vent son souffle puis l’attrape de nouveau.
J’attends que lassé, le vent me passe le souffle de la mort. J’ai rattrapé
le silence et m’en suis couvert comme d’un linceul exquis.
L’aube s’égoutte lentement, nous imbibe d’ombres et de fades couleurs.
//Jean-Luc Raharimanana (26/06/1967 -)
L’escapade des saisons
Je t’aimais
Dans l’orage des sèves
Je t’aime
Sous l’ombrage des ans
Je t’aimais
Aux jardins de l’aube
Je t’aime
Au déclin des jours
Je t’aimais
Dans l’impatience solaire
Je t’aime
Dans la clémence du soir
Je t’aimais
Dans l’éclair du rêve
Je t’aime
Dans l’estuaire des mots
Je t’aimais
Dans les foucades du printemps
Je t’aime
Dans l’escapade des saisons
Je t’aimais
Aux entrailles de la vie
Je t’aime
Au portail de la mort.
//Andrée Chedid (1920 -2011)
Farewell to hell
Nous
nous, filles de lot, fuyons
les deux villes en flammes, fuyons ces
flammes dans notre cœur, fuyons notre
déchéance en ce chant de lucifer, qui
dans notre tête sans cesse, creuse notre
perte, consume notre ombre, notre peau,
notre squelette dans l’abîme de notre propre
dégénérescence. Livrés à la volonté, du
dieu aux trois visages qui momifie notre mère
nostalgique, nous, poètes ingrats,
ne regrettons pas de te quitter,
Afrique qui te meurs, mais pleurons,
de survivre par l’inceste
// Alain Patrice Nganang (1970 -)
Farewell to hell
Je
Je suis, un promeneur du nouvel âge,
remontant vallée, redescendant amonts
j’ai choisi de me perdre, pour me
retrouver, de suivre le chemin qui
ne finit pas, pour arriver à ma propre
finitude, et je laisse sur ma route, ombre
vêtements, peau, viande, sang, os
et alors ne me reste plus que, mon
nom, dont personne ne veut, même
pas le chemin que, je suis.
..
// Alain Patrice Nganang (1970 -)
Avec Katerina Fotinaki (arrangements et guitares), Henri Agnel (percussions, cistre et cordes) et l'aimable collaboration de Ninon Valder (flûte, bandonéon)
Soirée proposée par Martina A. Catella & les Glotte-Trotters
« Privée de mon pays, j'ai compris tôt que ma vraie patrie, la seule qu'on ne pouvait me prendre, c'était ma langue. »
Par ces mots, et à travers ses chants, Angélique Ionatos nous a offert le plus précieux d'elle-même : sa langue grecque. Guidés par l'oreille implacable de Katerina Fotinaki qui est aussi philologue, nous avons abordé les rivages de la poésie, passant de Sapho de Mytilène (VIIe siècle avant J.C.) aux auteurs contemporains comme Lina Nikolakopoulou ou Odysséas Elýtis, une poésie portée par la tradition populaire dans ses somptueuses polyphonies (encore un mot grec) et par des compositeurs tels que Manos Hadjidakis, Mikis Théodorakis, Nikos Kypourgos, Lena Platonos et bien sûr Angélique Ionatos à qui nous rendons un hommage plein de tendresse et de gratitude en ce 22 juin, jour de sa naissance.
Avec les voix de : Agathe Warlouze, Christine Thiollet, Fiona Sanjabi, Isabelle Favier, Jehanne Pollosson, Julie Lenormand et Amalia, Laura Clauzel, Léa Pointelin, Lena Petrossian, Lila Tamazit, Marylin Guerreiro, Mia Livolsi, Michèle Franza, Ninon Valder, Noé Forissier, Roxane Terramorsi, Yacine Fall Solbes.
À lire – Odysséas Elýtis, le soleil sait, trad. du grec par Angélique Ionatos, coll. « D'une voix l'autre », Cheyne Éditeur, 2015.
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