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Les Gauches françaises (1762-2012) tome 1 sur 2
EAN : 9782081223172
940 pages
Flammarion (26/09/2012)
4.16/5   22 notes
Résumé :
Ce livre est la première synthèse sur les gauches françaises, du XVIIIe siècle à nos jours, des philosophes des Lumières à François Hollande. Il montre ce que la gauche a retenu de chaque période historique : l'idée de progrès du XVIIIe siècle finissant, les droits de l'homme de la Révolution, le parlementarisme de la monarchie censitaire, le suffrage universel de 1848, la laïcité de la IIIe République, la civilisation du travail du Front populaire, la patience du p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
René Rémond – auteur de l'autre livre politique de référence « Les Droites en France » - distinguait trois familles de droite (auxquelles l'auteur en adjoint une quatrième, la démocratie chrétienne), Jacques Juillard, en cette somme historico-philosophique dénombre lui aussi quatre familles dans la gauche en France : libérale, jacobine, collectiviste et libertaire.
De la publication du Contrat social à l'élection de François Hollande à la présidence de la République, cet ouvrage, passionnant quoique parfois obscur pour un lecteur peu familier des arcanes politiques et de l'histoire de nos cinq républiques, puise aux sources de l'idée de « gauche », le temps des Lumières, et nous conduit à la période actuelle. Une suite de luttes incessantes, dans une France toujours clivée en deux par son milieu, incapable de consensus durable … sauf en période de guerre.
La période couverte par le livre de Jacques Juillard commence au siècle des lumières. Une de ses idées directrices est l'universalité du sentiment religieux, sa place dans la cohésion politique des sociétés et, au-delà, la liaison intime entre christianisme et liberté. D'où certaines précisions nécessaires de vocabulaire.
Le mot « nature » a un sens polémique car tout ce qui est attribué à la nature a été d'abord enlevé au surnaturel, d'où la liaison forte, au 18° siècle entre nature et raison. Au 19° siècle, on parlera de « science expérimentale ». le mot « nature » est donc une idée subversive, donc « de gauche ». le "progrès" est l'idée que l'histoire poursuit une marche en avant continue, qui mènera le genre humain vers l'unité, grâce à la destruction des inégalités entre les nations et entre les individus d'une même nation, et que l'homme va vers le perfectionnement de ses facultés physiques, intellectuelles et morales.
Mais il faut se garder de toute réinterprétation : le 18° siècle « de gauche » est une pieuse légende républicaine. La Révolution n'est-elle pas le fruit de la lutte contre le jansénisme, empreint de pessimisme, aux frontières du masochisme ? La Constitution Civile du clergé qui prévoit l'élection des évêques, fut-elle oeuvre du jansénisme ? Jacques Juillard trace ainsi une brillante comparaison entre « gauche janséniste » et « gauche jésuite »…. Première étape de la guerre idéologique franco-française, le calvinisme – ou encore l'anticléricalisme, l'anticatholicisme, l'antipapisme ... le Protestantisme donc, serait à l'origine de l'opposition démocratique moderne.
L'importance de l'éducation : une véritable mystique pédagogique qui s'empare de tous les acteurs politiques de l'époque de la Révolution. Des centaines de projets de réforme de l'enseignement, destinés à servir de support à la société nouvelle, fleurissent avec pour première caractéristique commune le primat de la formation des esprits sur l'acquisition des connaissances.
Après la Révolution, c'est sous la Restauration que la vie parlementaire s'organise autour des notions de droite, de gauche et de centre. Sauf en de très rares circonstances, la Révolution n'en a pas inventé les mots. Cependant, à l'époque cruciale de la Restauration, la liaison entre socialisme et classe ouvrière ne va pas de soi. Les politiques ignorent la misère des ouvriers de l'industrie naissante. Il faut attendre Marx pour faire de la classe ouvrière l'instrument de régénération de la société. Après l'instauration de la IIème république, à l'intérieur de la gauche, c'est le politique qui unit et le social qui divise. Ainsi, l'insurrection sanglante de 1848 débouchera sur l'élection de Louis-Napoléon Bonaparte. Quant à la Commune de Paris, prise plus tard en « otage » par les communistes, elle « fut simplement la rébellion d'une ville dans des circonstances exceptionnelles » selon Karl Marx lui-même (1881), qui par ailleurs regrettait que les communards n'aient pas négocié un compromis avec Thiers !
La question cruciale vient en cours de lecture : s'agit-il d'une histoire des gauches ou tout simplement de l'histoire de notre république ? Enfin, comme une dernière guerre de religion où l'objet de la lutte n'est pas simplement la victoire mais l'extermination de l'autre : la lutte pour la laïcité. Il y a, ancrée à gauche, la croyance mystique en la toute-puissance de la politique, cet autre fruit du jacobinisme qui donne le primat de la république sur la démocratie, qui ne pourrait fonctionner qu'à l'intérieur de petites entités ou parmi des citoyens parfaitement informés et éduqués.
On appréciera particulièrement l'analyse du traumatisme que fut, pour la gauche française, l'irruption du Parti Communiste dans ses rangs. En effet, la tradition française n'a jamais été exempte de l'utopie ou d'esprit révolutionnaire, mais pas non plus de la tradition latino-catholique. Désormais, chacun de son côté, réformistes et révolutionnaires n'hésiteront pas à faire le jeu de la droite plutôt que de donner sa chance au frère ennemi. C'est Staline, inquiet de la menace du fascisme sur le destin de l'Union Soviétique, qui rendra possible le Front Populaire avec l'ouverture du PC aux classes moyennes et l'union de la gauche ; le « liant » ne sera plus alors l'anticléricalisme, mais l'antifascisme. La gauche a une passion unitaire, mais la tendance profonde de cette idéologie est de réduire l'adversaire à une poignée de privilégiés ou de malfaiteurs dont l'audience et la représentativité reposeraient sur une tromperie. En France, la gauche ne peut exercer le pouvoir qu'unie avec une bourgeoisie révolutionnaire et les intellectuels. 1789,1830, 1848, 1870, 1905, 1936, 1945 … on assiste vite à l'implosion des mouvements tiraillés entre leur aile modérée et leur aile radicale.
Mais pour la période contemporaine, c'est de 1968 – grande célébration de l'utopie, « fête des fous » destinée à faire passer la pilule de la modernité économique, mouvement né d'une discordance intolérable entre l'état d'avancement de l'économie et celui de la société - que date le déclin irrémédiable du communisme.
Le livre de Jacques Juillard est désormais un document fondamental pour tous ceux qui veulent comprendre les invariants intellectuels, moraux et politiques qui marquent les familles politiques en France, et spécialement la Gauche. Il est écrit en un style étincelant, s'embourbe parfois vers des sommets philosophiques ou des images maintes fois répétées – celle de la distillation fractionnée est citée au moins 5 fois – mais il se lit avec passion. J'ai beaucoup apprécié les portraits croisés des acteurs comme Voltaire/Rousseau, Robespierre/Danton, Châteaubriand/Constant, Hugo/Lamartine, Clémenceau/Jaurès, Thorès/Blum , Mendès/Mitterrand.…
Aujourd'hui cependant, croît le scepticisme quant au clivage droite/gauche. Les critères distinctifs de la gauche relèvent plus de l'impératif culturel et moral que de l'appartenance sociale. Mais est-ce si grave, docteur ?
Un dernier regret ? Que la troisième partie, celle qui traite d'aujourd'hui, ne commence qu'à la page 729 … Mais il faut sans doute se référer aux autres livres de l'auteur …

Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Somme de savoir impressionnante sur notre histoire politique et intellectuelle de 1762 à nos jours. le lire attentivement peut se justifier dans un but d'études approfondies. Pour ma part, n'ayant pas vocation d'étudiant historien, je l'ai lu à grands traits en n'approfondissant que certains passages (un bon tiers du livre tout de même) : l'exhaustivité, la clarté et la maîtrise des analyses, la richesse des précisions en font probablement LA référence sur le sujet.
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Une somme et une synthèse magistrales sur l'histoire de la gauche en France, son originalité est de faire une place non négligeable à la gauche libertaire et anarcho-syndicaliste.
On apprend beaucoup de choses et on en ressort avec les idées plus claires sur les différentes familles et sensibilités de la gauche en France.
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critiques presse (3)
Lexpress
04 décembre 2012
Ces 900 pages d'une densité rare constituent une somme historique, philosophique, religieuse, politique, économique, sociale, littéraire... fondée sur une vaste érudition passée au crible d'un esprit critique.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
03 décembre 2012
Pour nous, c'est l'essai de l'année. Pour son auteur, Jacques Julliard, c'est le livre de sa vie.
Lire la critique sur le site : Lexpress
NonFiction
30 novembre 2012
Les quelques 885 pages […] que comptent cet ouvrage, et sa richesse conséquente, font de ce compte rendu un exercice particulièrement limité et le rédacteur espère que ce bref aperçu donnera au lecteur l'envie d'aller se faire une opinion par lui-même.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En France, la droite représente des intérêts, la gauche des idées, l'extrême droite et l'extrême gauche des passions. Or les idées et les passions divisent les hommes ; seuls les intérêts peuvent les unir, au prix d'une négociation permanente entre leurs représentants. C'est pourquoi la droite, sous sa forme modérée, c'est à dire orléaniste, estime avoir une vocation et un droit naturel à exercer le pouvoir.
(p.362)
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En France, la classe ouvrière, en dépit des efforts du syndicalisme révolutionnaire, n'a jamais atteint la majorité politique et est toujours restée sous la tutelle des partis bourgeois de gauche. La Parti Socialiste, dont le centre de gravité a toujours été le fonctionnaire, l'instituteur ou le postier, et non le métallo ou le cheminot, a été l'expression de cette réalité ambiguë.
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Déjà se dessinent sur la carte de France les zones de force du part, qui subsisteront, avec des niveaux variables, tout au long de son histoire : d'abord la banlieue parisienne, à base essentiellement ouvrière, qui dessine bientôt une "ceinture rouge" autour de la capitale ; ensuite, tout aussi importante, le Nord et le Pas-de-Calais où les mineurs et les ouvriers de la sidérurgie fournissent là encore les plus gros bataillons.
A quoi il ajouter le pourtour ouest du Massif central, de l'Allier à la Haute-Vienne, prolongé par la Dordogne : ici ce sont les petits paysans parcellaires, farouches individualistes, anticléricaux et égalitaires qui fournissent le fond de la clientèle. Enfin, les Bouches-du-Rhône autour de Marseille et le Gard, avec l'ensemble de leurs activités industrielles et minières : ces zones de force sont autant de pierres d'attente, isolées mais solides, avant la constitution de l'ensemble de l'édifice à l'occasion du Front Populaire et de la Libération de la France.
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La vérité, est que la Révolution n'a pas seulement créé l'opposition entre droite et gauche. Elle a aussi divisé, tout au long du XIXème siècle, pour ne rien dire de la suite, la gauche elle-même.
p. 184
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Ainsi, il serait absurde, en l'absence du concept de gauche, d'identifier celle-ci avec l'idéologie des Lumières. [...] Il est en revanche incontestable que la gauche de la IIIe République a opéré un tri sélectif dans ce patrimoine et s'en est approprié une partie, de sorte qu'il est absurde de dire que les Lumières sont de gauche, mais qu'il est légitime de soutenir que la gauche est le parti des Lumières.
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Videos de Jacques Julliard (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Julliard
« Personne ne soupçonne l'existence des Murs Blancs. Pourtant cette propriété a marqué l'histoire intellectuelle du XXème siècle. Elle a été aussi le lieu, où enfants, nous passions nos dimanche après-midi : la maison de nos grands-parents… Après la guerre, ce magnifique parc aux arbres centenaires niché dans le vieux Châtenay-Malabry, est choisi par le philosophe Emmanuel Mounier, pour y vivre en communauté avec les collaborateurs de la revue qu'il a fondé : Esprit. Quatre intellectuels, chrétiens de gauche et anciens résistants, comme lui, Henri-Irénée Marrou, Jean Baboulène, Paul Fraisse, Jean-Marie Domenach, le suivent avec leurs familles dans cette aventure. Ils sont bientôt rejoints par Paul Ricoeur. Pendant cinquante ans, les Murs Blancs sont le quartier général de leurs combats, dont la revue Esprit est le porte-voix : la guerre d'Algérie et la décolonisation, la lutte contre le totalitarisme communiste, la construction de l'Europe. Et bien sûr, Mai 68... Une vingtaine d'enfants, dont notre père, y sont élevés en collectivité. Malheureusement, les jalousies et les difficultés nourries par le quotidien de la vie en communauté y deviennent de plus en plus pesantes… Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles cette histoire est tombée dans l'oubli, et que personne n'avait pris la peine de nous la raconter jusqu'alors. Pourtant, beaucoup d'intellectuels, d'artistes et d'hommes politiques y ont fait leurs armes : Jacques Julliard, Jean Lebrun, Ivan Illich, Chris Marker, Jacques Delors et aussi… Emmanuel Macron. C'est grâce à leurs récits et confessions que nous avons pu renouer avec notre histoire : transformer un idéal difficile en récit familial et politique. » L. et H. Domenach
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