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Thomas, jeune lycéen romantique s'écarte peu à peu du chemin prometteur que lui réserve la société Avec décontraction et humour il explore la face B de la vie Amour, transgressions, excès, fabuleux saut dans les années 80; tout est réuni dans ce roman jubilatoire pour oublier que le temps est assassin
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Il serait peut-être abusif, ou, au minimum, facile, de dire que je sors de ce livre avec la gueule de bois. Mais, au-delà du calembour, si je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé ce livre, il serait tout aussi exagéré de dire que je l'ai aimé. Bref, tout tangue… si j'ose dire, au risque de donner l'impression que, décidément, je ne me refuse aucune facilité en filant la métaphore.

Thomas Zins, sincèrement, est absolument insupportable. Pendant les 350 premières pages de ce livre, environ, il semble n'avoir d'intérêt que pour sa bite. Pour laquelle, pour être totalement honnête, je n'ai pas ressenti aucun intérêt particulier. Puis lui vient – et même pas tout seul, il a fallu qu'on le lui suggère assez lourdement – une interrogation métaphysique : « et si j'étais homosexuel ? ». Cette interrogation non plus ne m'a pas parue d'un grand intérêt, il se trouve que je ne fais pas d'études de psychologie.

Pourtant, je suis de la même génération que les principaux protagonistes de cette histoire. J'ai vécu l'élection de Mitterand en 1981 et sa réélection en 1988, la défaite de l'équipe de France de football en demi-finale du Mondial espagnol en 1982, la victoire au Championnat d'Europe des nations en 1984 puis la nouvelle défaite en demi-finale toujours au Mexique en 1986 – cela doit sembler bien loin à ceux qui n'ont connu qu'une, et maintenant deux étoiles sur le maillot bleu… J'ai connu le Top 50, les manifestations contre la loi Devaquet et la sidération de la mort de Malek Oussekine, les début de SOS Racisme. J'aurais pu – et j'aurais adoré retrouver ma jeunesse.

J'habite depuis quelques années près de Nancy, je connais donc assez bien les lieux décrits dans ce livre, et je comprends une partie des expressions que l'auteur emploie. Cela aussi aurait pu – dû ? – créer de la proximité.

Pourtant, les passages les plus intéressants, pour moi, ce sont ceux qui se déroulent en Indochine, à l'autre bout du monde, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Et qui n'ont d'ailleurs, au final, qu'un rôle assez limité dans l'histoire, ce que je regrette un peu. On suit également, à un moment, un dénommé Daniel, je crois, qui court le monde pour tourner des films pédophiles. Ce passage-là non plus n'est pas vraiment exploité…

Bref, je reste franchement sur ma faim alors que tout semblait devoir m'amener à crier au génie. Mais non, je suis sur le bord du chemin, et je regarde la caravane qui s'éloigne (Joop Zoetemelk, cité dans le livre, ne m'a pas emmené dans son sillage).

En fait, je n'arrive pas à décider si l'auteur a choisi d'effectuer sa psychanalyse en écrivant ces pages – auquel cas j'espère qu'il est parvenu à trancher la question de savoir s'il est hétéro, homo, bi, ou quoi que ce soit d'autre -, ou s'il s'agissait de proposer le portrait désabusé de la génération née aux environs de 1968. de l'espoir immense soulevé alors, qui s'est dissous dans l'affairisme et le clientélisme. Mais je n'ai pas le sentiment que tout cela nécessitait les pratiquement 1100 pages qui y sont consacrées… Et, par moments, j'ai eu l'impression désagréable que l'auteur avait potassé toutes les dates proposées dans Wikipédia pour les années 1981 à 1991, quitte à les coller parfois de manière un peu forcée.

J'ai même vu, sur Instagram, l'annonce de son nouveau roman… dont il donne déjà la trame, comme un teasing, à 100 pages de la fin de celui-ci. N'est-ce pas pousser un peu loin la promotion ?

Bref, le pavé, s'il se lit assez bien, m'a semblé roboratif à l'excès, et parfois un peu gratuitement. Et c'est la raison d'être du choix de la citation choisie : techniquement irréprochable dans l'écriture, techniquement précise dans la description de l'action, mais avais-je besoin de cela pour comprendre l'idée ? Peut-être pas, et sans doute pas au point d'en faire, comme semblent le faire certains critiques, un « livre culte »…

En revanche, mention spéciale : une bande-son spécial « revival« , du très lourd. On peut évidemment noter quelques oublis, mais on n'a aucune difficulté à imaginer l'univers sonore qui accompagne cet ouvrage !
Lien : https://ogrimoire.wordpress...
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J'ai bien ri en commençant ce gros roman qui se déroule à Nancy dans les années 80 et raconte l'adolescence de Thomas Zins.
Ayant passé ma jeunesse dans la même ville à la même époque, j'ai reconnu les lieux mais aussi l'ambiance, les films et les chansons de l'époque. C'est drôle, bien vu et bien raconté.
L'auteur a un vrai talent pour décrire les émois et les états d'âme de la période d'adolescence.
Mais ensuite que c'est long......d'autant que le propos est un peu mince : Thomas Zins tombe amoureux fou de Céline Schaller en classe de seconde. Il file le parfait amour avec elle jusqu'au moment où il rencontre un homo plus âgé qui va le faire douter de ses orientations sexuelles. Commence alors la chute du héros qui sombre dans l'alcoolisme, rate ses études et maltraite son amour de jeunesse. le tout est entrecoupé de chapitres concernant son grand-père en Indochine (j'avoue j'ai allègrement sauté les passages en question).
Le livre aurait beaucoup gagné à être resserré et je suis passée en mode "lecture rapide" après 300 pages...Le plaisir du départ de retrouver une époque s'est évaporé, ne restant que la hâte de finir et d'écrire une critique (merci Babelio et l'éditeur pour ce livre offert dans le cadre Masse Critique, ouf je suis tout juste, juste dans le délai)
Voilà il n'est pas facile d'écrire un gros roman de près de 800 pages, de maintenir l'intérêt du lecteur et n'est pas Tolstoï qui veut....
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Une belle découverte pour moi et pour laquelle je remercie vivement les éditions Anne Carrière et Babelio Masse critique. Un moment de lecture assez troublant, parfois déroutant, assurément très dense, une plongée réelle et vertigineuse, dans la France des années 1980, de l'ère Mitterrand, dans une société qui broie les singularités.

Un pavé de 750 pages (un peu long et fastidieux, peut-être aurait-il mérité d'être raccourci quelque peu) que j'ai dévoré, les pages se tournent très facilement, et il a été impossible pour moi de fausser compagnie à Thomas Zins, le héros, l' anti-héros surtout de cet opus ô combien intrigant.

Ah cette période déstabilisante et inconstante de l'adolescence, empreinte d’ambiguïté (à l'instar de Thomas, personnage tendre et insensible, fragile et solide à la fois), de doutes comme de rêves, d'interrogations, une période d'initiation, de construction ... dans la rupture parfois, et les désillusions; elle en a fait couler de l'encre. Se révéler aux autres, à soi-même, avec ses différences, ses propres désirs et aspirations, et s'assumer tel que l'on est, ouvertement, et ainsi prendre le pouvoir sur sa propre vie, même si elle se révèle être aux antipodes des standards de la société et d'autrui...Un challenge déjà pas évident à relever à l'âge adulte, alors en pleine puberté, une mission difficile, voire impossible ... pour Thomas Zins.

«Ils sont là à nous casser les couilles avec leurs droits de l'homme et tutti quanti, mais la vérité c'est qu'un être humain, suffit de le faire souffrir suffisamment fort et suffisamment longtemps pour le transformer en une gentille petite chiffe molle bien obéissante. On peut tuer quelqu'un rien qu'en lui parlant. Quelqu'un à qui tu répètes à longueur de temps quelque chose qu'il ne parvient pas à supporter, s'il n'entend plus jamais nulle part dire le contraire, au bout d'un moment il meurt. Soit il se suicide, soit il tombe malade et il meurt.»

Le triomphe de Thomas Zins est un roman d'apprentissage original, aux notes sombres, que je qualifierais davantage de roman de dés-apprentissage ! Car sans vouloir trop en dire, c'est bien d'une descente aux enfers dont le lecteur se rend témoin en tournant les pages de ce roman.

L'écriture de Matthieu Jung est captivante, riche, très recherchée, le vocabulaire des adolescents de l'époque côtoie un langage parfois très soutenu (morigéner, puînée...un vocabulaire que l'on n'emploie pas tous les jours !), et les portraits des protagonistes sont saisissants.

J'ai aimé les passages que Matthieu Jung insère dans son récit, qui évoquent Tchernobyl ou encore Hiroshima (évoqué dans un très court et édifiant passage ) ou qui relatent certains pans de la vie du grand-père et du père de Thomas Zins, nous donnant notamment des détails très intéressants sur la Guerre d'Indochine et les conflits qui ont impliqué la France, et sur le retour malheureux en France des soldats impliqués dans ces conflits, traités en paria et traînés aux gémonies.

«Un zéro, broyé sans recours par l'Histoire. Dans les manuels scolaires, prévaudrait désormais la version des faits succincte et manichéenne forgée par les gaullistes : pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Indochine était un repaie de colons véreux (tautologie) et de pétainistes veules (pléonasme). Dans cette atmosphère méphitique, la graine de héros germait mal.»

Je ne résiste pas à la tentation de partager avec vous ce bouleversant passage sur Hiroshima, qui m'a profondément chamboulée et émue aux larmes :
«Si Enola Gay n'avait pas largué «Little Boy», papa serait mort. [...] «S'il n'y avait pas eu Hiroshima, nous ne serions jamais revenus d'Indochine.» Les Japs auraient exterminé les Blancs, jusqu'au dernier. Ou bien ils auraient laissé les Viets fanatiques exécutés la besogne. La cité Herault, à grande échelle. Dans la marmite bouillante, la marmaille. [...] Si plusieurs dizaines de milliers d'êtres humains n'avaient pas été pulvérisés en quelques secondes, les 6 et 9 août 1945, si des innocents n'avaient pas vu leur peau fondre comme un plastique surchauffé puis se décoller de leur chair en lambeaux noirâtres, si les rescapés n'avaient pas agonisé durant des semaines, rien n'existerait de ce qui est aujourd'hui. Dans les visages de ceux qui n'étaient pas morts sur le coup, les orbites elles-mêmes avaient disparu. En lieu et place des narines et de la bouche, ne subsistaient plus que trois orifices informes, par où circulaient d'ultimes, d'atroces souffrances.Quelle cause mérite-t-elle que tant de martyrs éprouvent ces indescriptibles souffrances ? Imagine que cinquante méduses t'injectent simultanément leur venin. Ou bien pose trois secondes sur ton vente la semelle d'un fer à repasser réglé à pleine puissance. A lors tu sauras à quel prix tu as payé ta vie et à quels procédés, pour se perpétuer, l'humanité recourt.»

Ces courts chapitres, imbriqués dans le récit, n'ont pas de réel lien avec la trame, mais ils n’enlèvent rien à la qualité de cet opus, je dirais même qu'ils ajoutent de la substance et de la profondeur à ce roman. Assurément, un roman d'une grande qualité. Thomas Zins, un être insaisissable ... saisissant, qui ne va me quitter de si tôt ! A découvrir !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Première découverte de cet auteur et une impression très ambivalente, troublée, un peu mal à l'aise après avoir refermé ce gros pavé de plus de mille pages.
Dès les premières pages du roman, j'ai été effectivement happé par l'histoire de cet adolescent se déroulant à Nancy dans les années quatre-vingt. La description du monde du lycée, de la ville de Nancy, de la famille de Thomas, des relations entre adolescent recherchant l'amour, la sexualité, le choc des cultures entre les mondes sociaux très divers allant de la haute bourgeoisie nancéenne aux familles ouvrières des quartiers populaires, en passant par les cadres et employés habitant dans les zones pavillonnaires des quartiers, les relations entre tous ces mondes imprégnées et traversées par l'histoire politique et sociale de l'époque, l'arrivée de la gauche au pouvoir, le basculement de la politique économique dans la rigueur budgétaire, la montée du front national, le retour de la droite, etc... tout cela m'a parlé, m'a rappelé des souvenirs et m'a permis de partager les questionnements et interrogation de ces jeunes et surtout de Thomas.
Les histoires se mêlent, les traumatismes subit dans les familles se propagent comme des ondes au travers des générations. Thomas se trouve confronté à ses doutes sur son orientation sexuelle, son incompréhension par rapport à l'attitude de son père, lui-même traumatisé par une enfance difficile, orphelin jeune d'un père, officier pendant la seconde guerre mondiale en Indochine, torturé par les japonais, et considéré comme traitre à la libération. Thomas, rêvant d'une vie pleine de succès littéraire, artistique, de reconnaissance des femmes, manipulé psychologiquement par un pseudo écrivain, scénariste, homosexuel obsédé par les relations sans lendemain en plein Paris des années sida. Thomas, emporté par ses angoisses, ses doutes, se réfugiant dans l'alcool, et chutant inexorablement en détruisant tout ce qu'il y a autour de lui pour trouver la réponse à qui il est.
Cependant, le style, l'écriture, la structure même du roman, m'a au fil des pages perturbé et finalement dissocié de l'histoire pour à la fin lire les dernières pages sans aucun intérêt pour Thomas. le roman au fil des chapitres donne des pistes, évoque des passés sans que parfois on en comprenne vraiment l'intérêt ou les liens. L'écriture de Matthieu Jung dans ce texte m'a également perturbé, un mélange de mot issue de l'argot, de terme familier ou de mot vieillot, inusité voir savant sans que j'ai pu y voir une logique. Tout cela cumulé m'a laissé un sentiment de fabriqué, pas naturel. Et puis l'énumération des rues, avenues, carrefour de chaque déplacement de Thomas, on finit par lire le texte d'un gps, la description précise et systématique des marques et types de vêtements que portent les personnages finit par lasser, les ajouts de détails dans la description de certains objets (le poids du pot de nutella,..) devient totalement incongru car dans la globalité du texte sans logique. Parfois, il y a des clins d'oeil au lecteur; là encore venant un peu comme par hasard.
Un texte qui a finit par me sembler très long et pas très intéressant alors que les 300 premières pages étaient interessante. J'ai eu le sentiment que Matthieu Jung se perdait dans son texte en même temps que son héros Thomas et qu'il avait beaucoup utilisé, usé, le dictionnaire des synonymes, les cartes routières, et les catalogues de prêt à porter.
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Je remercie chaleureusement les éditions Anne Carrière, Babélio et Masse Critique qui, encore une fois, m'ont permis de lire ce beau roman le triomphe de Thomas Zins.
Mais de quel triomphe s'agit il ? Quid du titre ? le combat du héros mais contre quoi ? Contre qui ? Peut être tout simplement contre lui même. Et ce qu'il vit avec Jean-Philippe, cinquantenaire bien tassé.
Je n'en dirais pas plus, comme d'habitude.
J'ai adoré cette ambiance des années 80, avec son lot de films, livres, langage, chansons, mode, il est vrai que, née en 68, j'avais plus ou moins l'âge du héros. Ça a été un grand bain de jouvence.
Mais attention, le glauque n'est pas loin.
Car nous assistons littéralement à la descente aux enfers de Thomas, amoureux de Céline, un beau personnage, attachant, une vrai belle personne.
Alcool, drogues, conduites à risque, passages à l'acte, Thomas va mal. A cause de son secret.
Le triomphe n'est pas loin, mais triompher sur soi même n'est elle la plus belle chose au monde ? Mais quelles péripéties pour en arriver là.
L'auteur a reussi un véritable tour de force, 750 pages tout de même, police d'écriture style La Pléiade, ne vous laissez pas décourager car grace au don de l'auteur, à son style riche et varié, cela coule comme une fontaine. C'est vrai qu'ils en auraient eu besoin d'eau fraîche après tout ce qu'ils ont vécu...
Livre touchant, bouleversant à certains moments, sordides à d'autres, les personnages de ce beau roman me hanteront encore un moment.
Et c'est tant mieux.


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N'ayant lu que de bonnes critiques, j'attendais beaucoup de ce livre. Pourtant, j'ai été très déçue. J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l'univers de Thomas Zins (du lycée jusqu'aux débuts des années étudiantes). le style d'écriture, étant, selon moi, surfait.
Ceci dit, l'histoire est tout de même intéressante. On y découvre ici les débuts amoureux de Thomas Zins, la découverte de son homosexualité et toutes les dérives que cela va entrainer dû fait qu'il ne s'assume pas.
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Fascinant, puissamment original, extraordinaire. Un vrai choc !
Si l'on résume cet ouvrage majeur, il ne paraît pas très novateur : dans les années quatre-vingt, Thomas Zins, un jeune homme brillant, hétérosexuel, rencontre, à seize ans, un homosexuel de quarante ans qui bouleverse sa vie en le conduisant à s'interroger sur son identité et, partant, sur le couple qu'il forme avec sa petite amie Céline.
Mais la divine surprise de ce roman de 750 pages vient bien sûr de la façon dont il est écrit et raconté – et aussi des histoires secondaires, ayant lieu notamment dans l'Indochine de l'immédiat après-Seconde Guerre mondiale, moment de l'histoire assez méconnu, qui s'intercalent avec l'intrigue principale – encore que le mot « intrigue » ne convienne pas tout à fait, tant l'histoire est fluide, ne jouant pas sur un quelconque phénomène surcoté de suspens, souvent bien artificiel dans les romans contemporains. Mais qu'on ne s'y trompe pas : c'est là un vrai page-turner, haletant au possible ! A plusieurs reprises il a fallu que je ralentisse ma lecture, parce que mon désir de savoir ce qui allait se passer après luttait avec ma volonté de savourer un texte aussi magnifique. Car ce roman est excellent dans toutes ses dimensions.
L'auteur manie comme nul autre l'équivoque, l'ambiguïté, l'ironie (rien que le titre le montre assez, mais tout le livre est ironie). Tout est dans le non-dit : Matthieu Jung suggère, mais n'explique pas. Souvent, on se demande avec fascination où il veut en venir, on reste ébahi devant les rebondissements psychologiques, les parallèles audacieux (comme entre 1945 et 1980), les raccourcis narratifs.
La complexité des personnages est suggérée avec brio. Les multiples personnages secondaires sont si bien caractérisés qu'on les mémorise sans aucun problème. L'évolution des personnages est très graduelle et parfaitement narrée. le personnage de Jean-Philippe Candelier (« Jean-Phi ») est campé de façon magistrale ; la scène de repas avec les parents de Thomas est d'anthologie : cruelle, elle est hilarante.
Les années quatre-vingt sont très bien restituées, avec toute la culture populaire des chansons, des films, des faits divers, des marques de vêtements (que l'auteur adore décrire !).
Parfois, au détour d’un paragraphe, l’auteur saute du coq à l’âne de façon toujours jouissive. J’apprécie aussi beaucoup la façon dont il lui arrive d’égarer le lecteur sur des fausses pistes ou lorsqu’il écrit les mots à la façon dont Thomas les aurait écrits : étéreaux, pipes chauds, repère – ce qui est rectifié parfois des bien des pages plus loin, laissant le lecteur dubitatif un bon moment ! Il ose parfois même aller jusqu’au calembour, toujours bien trouvé.
J'aime aussi son style magnifique, tantôt très littéraire, soutenu, précieux même, tantôt relâché, populaire, argotique, parfois aussi délicieusement suranné – comme c'était déjà le cas dans ses autres romans.
J'avais lu auparavant, de Matthieu Jung, Principe de précaution et Vous êtes nés à la bonne époque que j'avais aussi beaucoup aimés, mais, si grandes que fussent mes attentes en commençant à lire ce nouveau roman de lui, elles ont été très largement dépassées.
Pour moi, c'est incontestablement le meilleur roman de la rentrée littéraire, le meilleur roman de 2017 et le meilleur roman que j'ai lu depuis longtemps.
Je ne m'explique pas comment il a pu passer presque inaperçu ; je trouve très injuste qu'il n'ait obtenu aucun prix.
Faites-vous plaisir : lisez-le !
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Un roman initiatique halletant se déroulant à Nancy dans les années 80.
Thomas découvre l'amour, il est prêt à tout pour expérimenter les sentiments, les rapports sexuels, découvrir des milieux inconnus.
Il s'aventure à Paris, se perd en fréquentant un homme plus âgé aux intentions très ambiguës. Sa grand mère est sa boussole, une femme bienveillante qui sait deviner ses tourments.
On s'attache à lui, à sa petite amie, on aime cette jeunesse atypique relativement à la prédestination sociale, on a peur pour notre héros. Un roman que l'on commence et que l'on dévore !
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Au bout de cent pages (et on en compte au total un millier), on s'étonne de les avoir tournées si vite sans s'être découragé, tant les situations sont répétitives et (aujourd'hui) ordinaires. Et l'impression durera jusqu'à la fin... et même au-delà... Peut-être trois raisons à cela :
• la difficulté à classer le roman. On peut certes convoquer Balzac, Flaubert, Zola, le réalisme et le naturalisme, se référer à l'Éducation sentimentale ou aux Illusions perdues (tout cela dans de justes proportions quand même…) mais non, il y a autre chose qu'on ne découvre pas vraiment et qui suscite une curiosité soutenue, et qui perdure.
• le style : particulier, très narratif mais avec des ruptures, hypnotique, bref, inventif.
• le récit lui-même : une répétition de situations tellement désolantes que le lecteur le moins bien disposé à l'égard de la nature humaine en vient à douter que cet impossible ne puisse engendrer autre chose, à espérer au moins quelque restauration à défaut de rédemption.
On assiste impuissant (car on aurait presque l'envie d'intervenir si l'opportunité nous en était donnée) à l'appel au secours sous forme de naufrage suicidaire de la part de deux êtres que la chance pour l'un (Thomas) et les circonstances pour l'autre (Céline) promettaient à un tout autre parcours.
Sans élever le ton, sans même le dire vraiment, sans donc fâcher personne, ou du moins en laissant l'impression, l'auteur nous donne à penser les causes du désastre : le relativisme, l'abolition des repères, contraintes et limites, la faillite d'un système éducatif, etc. Dans ce gâchis, les responsabilités sont multiples et les sujets de réflexion sont nombreux, et notamment :
• le rôle des parents : le père de Thomas, lui-même dépressif, est excusable. La mère (Claudine, enseignante elle-même) qui ne lâchera pas un instant ses journaux, ni son rêve de véranda, pour s'apercevoir que son fils est en détresse, serait passible de correctionnelle. Infiniment plus modestes et moins avertis, les parents de Céline, malgré leur maladresse et leurs outrances sont infiniment plus respectables.
• La totale impuissance des enseignants.
• Les parts respectives de l'inné et de l'acquis (combien Florence est différente de son frère, Thomas!)
• Les influences délétères, ces « détraqueurs » dont il faut savoir se garder.
• Combien une atmosphère générale, une doxa, alimentée et entretenue, qui institue ses « modèles » peut perturber des destinées personnelles.
• La fragilité des identités pendant l'adolescence et la jeune vie de l'adulte, qui devrait susciter vigilance, discernement et soutien.
• Les dangers d'un anti-conformisme devenu le pire des conformismes.
On l'aura deviné, ce livre n'est pas à mettre entre toutes les mains (et pas seulement en raison des pratiques sexuelles qui y sont fort détaillées). « L'honnête homme » ou « l'honnête femme », conditions à remplir, qui s'y risqueront en sortiront ébranlés, comme je le fus.
Un très beau livre ! Pour moi, mais susceptible de ne pas plaire à tout le monde.
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