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Critique de colimasson


Ce qui est drôle avec C. G. Jung c'est que ses adversaires le critiquent pour des raisons qui sont entre elles contradictoires. D'un côté, on lui reproche de psychologiser le phénomène religieux et de le destituer d'une prétendue dimension transcendante qu'il devrait se trimballer autour du cou comme un grelot ; d'un autre côté, on lui reproche de mystifier la psychologie en donnant à certains événements de l'âme une dimension sacrée qui ne devrait se retrouver que dans l'enfermement des cloîtres et des monastères. Finalement, les deux critiques s'annulent. A moins qu'elles résultent d'une dualité âme/corps issue d'un cartésianisme mal digéré, j'en sais foutre rien. Bref, Jung s'adresse avant tout à ceux qui seront capables de comprendre que « peu importe ce que le monde pense de l'expérience religieuse ; celui qui l'a faite possède l'immense trésor d'une chose qui l'a comblé d'une source de vie, de signification et de beauté et qui a donné une nouvelle splendeur au monde et à l'humanité. »


Chapitre premier : « L'autonomie de l'inconscient ».
Cette autonomie est responsable des névroses qui se produisent dans tous les cas où le mouvement de l'inconscient est ignoré du Moi conscient de l'individu. « Dans la mesure où un homme est névrosé, il a perdu la confiance en soi. Une névrose est une défaite humiliante ; elle sera ressentie comme telle par tous ceux qui ne sont pas entièrement conscients de leur propre psychologique. » L'inconscient pourra alors être ressenti comme quelque chose de menaçant. le Dieu de l'Ancien Testament pourrait nous en fournir une représentation parlante et, dans tous les cas où nous rencontrons notre inconscient sans le reconnaître, l'expérience du numineux nous étreint.


Chapitre deux : « le dogme et les symboles naturels ».
Jung nous rapporte l'exemple d'un de ses patients, homme très rationnel, souffrant d'une maladie dont l'origine est au moins partiellement somatique. Il fait plein de rêves référant à la symbolique religieuse. « Il craignit de perdre la raison alors que deux mille ans plus tôt, un homme eût accueilli de tels rêves avec joie ; il y eût puisé l'espoir d'une renaissance par l'esprit et d'un renouveau de vie ». de l'importance de reconnaître des visions qui semblent provenir de l'extérieur comme nous appartenant en propre pour éviter d'exacerber les querelles de voisinage qui, nous le savons, finissent souvent en holocaustes général : « Comme personne ne saurait reconnaître en quoi et dans quelle mesure il est lui-même possédé et inconscient, on projette tout simplement sur le voisin son propre état psychique, et ainsi se crée le devoir sacré d'avoir les plus gros canons et les gaz les plus asphyxiants. le pis est que chacun a parfaitement raison. » de l'importance également pour l'analyste de ne pas faire cas de ses conviction dogmatique afin de laisser le patient opérer sa dialectique personnelle avec son inconscient : « Si donc un malade était convaincu de l'origine exclusivement sexuelle de sa névrose, je me garderais bien de le troubler dans son opinion, car je sais qu'une telle conviction, surtout si elle est profondément enracinée, constitue un excellent moyen de défense contre l'assaut de la terrible ambiguïté inhérente à toute expérience immédiate. »


Chapitre trois : « Histoire et psychologie d'un symbole naturel ».
Interprétation de la symbolique des rêves du patient à l'aune des traditions spirituelles les plus anciennes, avec une petite préférence pour le gnosticisme et l'alchimie. « [Les rêves et les symboles présents chez l'homme moderne indiquent que] tout se passe comme si les gens avaient lu les vieux traités relatifs à la pierre philosophale, à l'eau de Jouvence, à la rotondité, à la quadrature, aux quatre couleurs, etc… Et pourtant ils n'ont jamais été en contact avec cette philosophie, ni avec son obscur symbolisme. »
Dans ce dernier chapitre, Jung efface les jugements de valeur qu'on attribue trop souvent à certains phénomènes psychiques. le refoulement n'est pas totalement négatif : « le refoulement est une manière semi-consciente, semi-intentionnelle de laisser aller les choses dans l'indécision ou une tentative de masquer par du mépris une impuissance à atteindre quelque chose qui est inaccessible, ou bien un refus de voir, permettant de ne pas prendre conscience de ses propres désirs. » de même, l'autocritique peut être utilisée à bon escient comme moyen de progresser dans la découverte consciente des territoires ignorés de sa personnalité. Jung nous conduit en direction de l'individuation, nous rappelant que l'Ombre ne doit pas être totalement rejetée parce qu'elle peut trouver sa place dans un système personnel de valeurs et de comportements. « L'ombre est en règle générale seulement quelque chose d'inférieur, de primitif, d'inadapté et de malencontreux, mais non d'absolument mauvais. Elle contient même certaines qualités enfantines ou primitives qui pourraient dans une certaine mesure raviver et embellir l'existence humaine ; seulement, on se heurte à des règles établies. »


On s'imaginait que, depuis Nietzsche au moins, Dieu était mort ? Bof, ça serait pas la première fois. Dieu naît et meurt sans cesse, comme celui qu'on a embroché sur une croix. « Ce processus typiquement psychique [de la mort de Dieu signifie que] la valeur suprême, vivifiante, celle qui donne son sens à la vie, et la vie elle-même, s'est perdue. Ce processus est une expérience vécue, typique, c'est-à-dire fréquemment renouvelée, et c'est bien pourquoi il est exprimé à une place centrale dans le mystère chrétien. » Qu'on ne s'y méprenne pas, qu'on ne confonde pas le sens littéral et le sens métaphorique du symbole, au risque de souffrir comme Nietzsche de cette place laissée vacante dans les cieux. « La tragédie de « Ainsi parlait Zarathoustra » est que, son Dieu étant mort, Nietzsche devint un dieu lui-même, et cela advint précisément parce qu'il n'était pas athée. Il était d'une nature trop positive pour pouvoir supporter la névrose citadine de l'athéisme. Celui dont le « Dieu meurt » est guetté par « l'inflation », dont il va devenir victime. »


Erigène écrivait que : « L'homme, et c'est là sa définition la plus juste, peut être considéré comme un certain concept intellectuel éternellement créé dans l'esprit divin. » Jung émet l'hypothèse que Dieu, c'est un concept psychologique de l'esprit humain. Mais ce point de vue est empirique : dépendant de notre condition humaine uniquement, il n'interdit pas l'existence d'une réalité absolue totalement différente.
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