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Critique de NMTB


NMTB
19 décembre 2014
L'apparition des horoscopes dans les journaux a déclenché chez Jünger toute une réflexion sur le Temps et sa perception. Apparemment, l'engouement du grand public pour les horoscopes était un phénomène nouveau dans l'entre-deux-guerres et leur succès amène Jünger à s'interroger sur les temps modernes, les sciences, la technique, la religion.
La compréhension de cet essai n'est pas toujours facile. D'abord parce qu'il est érudit et, outre l'Histoire, il mêle des connaissances en paléontologie, géologie, biologie, historiographie, s'intéresse à la médecine, l'astronomie, la météorologie, la magie et bien d'autres choses. Mais aussi parce que Jünger se montre très prudent, très circonspect. Dans la querelle qui oppose les scientifiques aux astrologues, il fait bien attention à ne jamais prendre part au débat. Tout au long de ce livre, il ne veut rien exclure de l'homme, pas plus la raison que la spiritualité. Il cherche avant tout à expliquer les enjeux du présent, sans se voiler la face sur les évolutions inéluctables du monde.
Il s'interroge déjà (au début des années 1960) sur des problèmes concrets, devenus de plus en plus pressants ces dernières années : les changements climatiques ou la manipulation génétique. Mais comment envisager des réponses si l'on est incapable de prendre le recul nécessaire que permet une plus large vision du temps et si l'on ne fait pas entrer en considération les interrogations philosophiques sur la liberté ou la responsabilité ?
Temps linéaire, temps cyclique ? Temps mesurable, temps du destin ? de grands changements se produisent depuis deux cents ans par l'intermédiaire de la science et de la technique. Jünger les interprète comme un changement de cycle. Rien de moins que la fin du cycle historique, le temps des héros, des grandes personnalités, un cycle entamé par Hérodote et qui succède au cycle mythique, celui des dieux. Il pense qu'un nouveau cycle a déjà commencé, un cycle où la spiritualité aura peut-être sa place. On le perçoit dans sa manière de ne pas se contenter de la rationalité et d'avoir recours à l'astrologie, de pures métaphores ou de mêler par exemple les forces telluriques à la géologie. Il fait, par ailleurs, une analogie entre l'évolution de la technique et le corps de l'homme : là où la machine à vapeur et toutes les innovations qui en découlèrent (train, voiture, etc.) étaient une extension des forces musculaires de l'homme, il considère que l'électricité est une extension des forces invisibles, du système nerveux.
En plus de la volonté de conciliation entre science et irrationalité, j'ai aussi noté un profond optimisme quant à l'avenir. Les craintes face aux accidents dus aux innovations techniques (craintes apparues, selon lui, avec le naufrage du Titanic) ou aux catastrophes naturelles, les craintes de l'avenir, sont certainement légitimes, mais la spiritualité peut aider à les dépasser (une spiritualité tout à fait différente des siècles passés, non plus patriarcale mais matriarcale). Il n'y a peut-être pas tant d'oppositions entre la nouvelle technique de l'homme et la nature. L'homme avec toutes ses machines et sa raison, ses interventions même au sein de la génétique, de la vie, l'homme fait toujours partie du grand plan général de la Nature et malgré toutes les catastrophes, les sacrifices sanglants, les millions de morts causés par la technique, la population humaine n'a jamais été aussi féconde et prospère qu'aujourd'hui.
Il conclut ainsi : « ….l'optimisme en soi est une grande chose. Il est le signe immédiat de la santé, et il est d'autant plus méritoire qu'il voit plus distinctement le danger. Dans tous les cas, l'espérance mène plus loin que la crainte. Il existe une série de perspectives spirituelles et pratiques qui ont en commun cet optimisme. Même si l'on ne fait sienne aucune d'entre elles, cette commune qualité est encourageante ; elle donne à penser qu'un but commun les oriente. En lui nous sommes frères ; et si nous ne nous abandonnons pas nous-mêmes, notre Mère, la Terre, ne nous laissera pas non plus en plan. »
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