– J’ai hâte de voir comment le tas s’est multiplié comme par magie en l’espace de cinq petites minutes, soupira-t-elle.
– C’est étrange en effet, ajouta Mathieu sans le moindre sourire.
– Flippant même, continua Ethan. J’l’ai jamais senti cette maison, y’a un truc louche.
– Ouais, des ados. C’est complètement démoniaque ces sales bêtes, ironisa leur mère.
– Jette-nous du sel ! blagua Ethan
– Ou des herbes de Provence, tant que ça reste dans le domaine des condiments, c’est bon, non ? dit Mathieu. »
Ils éclatèrent de rire à l’évocation du péché coupable de leur mère : deux frères chasseurs de monstres qui n’hésitaient pas à recourir au sel de table. Chris leur caressa à chacun le haut du dos avant de monter s’occuper de la pile de linge. L’aîné des frères pria pour ne pas l’entendre hurler… Peine perdue.
« Ethan ! cria-t-elle. La prochaine fois que tu me mets une semaine de linge d’un coup, je te fais laver tes fringues au vieux lavoir de la ville ! À poil ! P’tit con, va ! »
– J’ai appelé le service handicap de l’université. Ils ont proposé de te trouver un tuteur. Ils ont pensé à une deuxième année qui s’appelle Zia. J’ai laissé ton portable, ils lui communiqueront et elle t’appellera.
– Et Esteban et Tao, c’est pour bientôt ? »
Sa mère ouvrit grands les yeux.
« Mais c’est quoi, ces réfs années quatre-vingt ?
– Ta faute, m’man.
– J’assume. Ça va aller, trésor ? »
Elle est comme l’univers, sa connerie ? En expansion ?
Avait-il envie d’être seul dans une voiture avec Johan pour finir par parler de ce qu’il s’était passé ? Ou feraient-ils comme la plupart des mecs, tant qu’on n’en parle pas, ça n’existe pas ?
Chez Étienne, soft, sans chichis. Il fit tout d’un coup le rapprochement avec le nom du cocktail maison du bar : Tiens-le bien ! Ça avait beau être très loin de ce qu’il écoutait, il avait quand même quelques vagues connaissances de vieilles chansons.
Et oublie pas que la pénétration, c’est pas le centre d’une relation, que ça ne mène pas automatiquement au plaisir en trois secondes chez les filles comme les pornos le font croire et qu’y’a plein d’autres boutons sur lesquels…
« Laisse faire le rigolo. J’t’aime bien, Barton, mais tu vois, j’ai un odorat raffiné.
– Barton ? interrogea Nour.
– Hawkeye est malentendant dans certains comics, expliqua Zia. Et en plus, vu le caractère sombre du personnage, ça correspond pas mal à notre gars, non ?
– J’préfère chaton, ronchonna Neyla, inquiète que son surnom passe à la trappe.
– Sinon, j’ai un nom, mais bon, comme tout le monde s’en fout… »
Sa mère l’accueillit contre elle comme quand il était enfant. Elle le regarda sans cacher sa peine, devinant qu’il affrontait les douleurs de la vie d’adulte qu’elle ne pourrait lui éviter. Aucun bisou magique ne les guérirait.
Il ordonna à son cerveau de se taire, juste une seconde, juste une minute, de le laisser souffler. Parce que le bruit à l’intérieur était parfois aussi pénible que le bruit au- dehors.