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Jusuf Vrioni (Traducteur)
EAN : 9782070381340
218 pages
Gallimard (23/03/1989)
3.56/5   31 notes
Résumé :
Le narrateur, étudiant albanais en U.R.S.S., s'ennuie agréablement à Riga, dans une maison de repos pour écrivains, et il pense à Lida dont il est amoureux. La rentrée universitaire venue, il réintègre l'étouffant foyer pour étrangers de l'Institut Gorki. Comme la poussière qui voile chaque jour un peu plus les faibles lampes du foyer, l'atmosphère, tout doucement, s'alourdit jusqu'au quadruple drame final : une épidémie de variole est déclarée à Moscou, l'affaire B... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
J'ai eu la chance de rencontrer Ismaïl Kadaré en Albanie à l'époque communiste. le traducteur Arben Leskaj m'avait organisé une rencontre pour prendre le thé avec lui et sa femme sur la plage de Durrës. J'avais déjà lu plusieurs de ses livres, dont l'extraordinaire Avril brisé, et j'ai admiré alors le côté prudemment sarcastique qu'on retrouve dans ses livres, mais je ne pouvais pas encore deviner son brillant parcours ultérieur. Ses écrits sont traduits dans 29 langues. Il a souvent été cité pour le prix Nobel de littérature sans jamais l'obtenir, mais a obtenu quantité d'autres prix, et aujourd'hui, à 85 ans, est Grand Officier de la Légion d'Honneur. Son livre le Crépuscule des Dieux de la steppe, au titre subtilement provocateur comme tout son oeuvre, annonce la rupture entre l'Albanie et la Russie, mais pas encore la rupture avec le communisme puisque Enver Hoxha s'est ensuite allié à la Chine contre l'URSS. Un moment, cette situation lui a permis une certaine liberté dans la critique du système soviétique, mais plusieurs de ses écrits ont été interdits et, se sentant menacé, Kadaré a été contraint de s'exiler, et a obtenu l'asile politique en France.
Après le lycée, il avait obtenu une bourse pour l'institut Gorki de littérature à Moscou, passage obligé pour tout intellectuel des pays satellites qu'il faut russifier à la fois sur le plan linguistique («Ce Letton n'a pas encore renié sa langue, mais on y travaille» (p. 117) et idéologique, en formatant la pensée car il n'y a qu'un seul parti communiste, le «parti père». Les autres sont des «partis fils» (p. 186). Il fallait aussi éradiquer le folklorisme, le conformisme, le stalinisme, le nationalisme bourgeois le chauvinisme des petits républiques, etc. (p. 59). Et gare aux dirigeants des pays satellites qui s'écartent du chemin, comme le hongrois («C'est avec ces ongles qu'il voulait écorcher la Russie, mais nous les lui avons arrachés» (p. 207).
Kadaré étudie donc ce qu'il ne faut pas écrire, mais fera le contraire. le Crépuscule des dieux de la steppe relate précisément ce séjour à l'Institut Gorki, et une idylle entre le narrateur albanais et une Russe. La fin du livre annonce sarcastiquement la rupture entre les deux pays: l'ambassadeur d'Albanie à Moscou convoque de toute urgence les étudiants albanais pour leur dire simplement que les relations entre les deux pays étaient bonnes (p. 198), et chacun comprend d'autant mieux le contraire que les étudiants sont invités à cesser tout contact avec les jeunes filles russes «pour éviter les provocations».
Pendant ce séjour, le Prix Nobel de Littérature est décerné à Boris Pasternak pour le Docteur Jivago. Khrouchtchev avait chargé les écrivains de dénoncer les crimes de Staline, mais après un moment, ça s'était retourné contre Pasternak. «La radio, de cinq heures du matin à minuit, la télévision, les journaux, les revues, jusqu'aux publications pour enfants étaient remplis d'attaques contre l'écrivain renégat. On publiait des télégrammes, des lettres, des déclarations de kolkhoziens, d'unités militaires,... » (pp. 143-144) «Après une lettre envoyée par la population d'une certaine région de Qipstap,… le speaker lut la déclaration du clergé de Tachkent» (p. 151). La campagne continuait avec «une déclaration… émanant peut-être des pêcheurs de baleine de la mer du Nord» (p. 152), puis la campagne s'interrompit brutalement et sans explication, on parla plutôt des succès des kolkhoziens de l'Oural, de la pèche, et d'une poétesse cinghalaise (pp. 170-171).
Ce livre est fort intéressant car c'est un témoignage sur le fonctionnement du système soviétique de l'intérieur, au quotidien, et je terminerai par une dernière citation typique : «Ces derniers temps… on avait vu des comités centraux évincés, des groupes se livrer à une lutte implacable pour le pouvoir, des complots, des manoeuvres de coulisse, et rien de tout cela, ou presque, n'état évoqué… On n'y trouvait que le bruissement des bouleaux » (p. 151).
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"Le crépuscule des dieux de la steppe" est un excellent roman sur le dilemme de l'écrivain derrière le rideau de fer à la fin des années cinquante qui serait peut-être difficile a suivre pour le lecteur qui ne connait pas le contexte. Il plaira certainement à ceux qui connaissent l'oeuvre de Boris Pasternak, Joseph Brodsky, Milan Kundera, Alexandre Soljenitsyne, Bohomil Hrabal, et Joseph Skvorecky. Si on ne connait déjà deux ou trois auteurs de ce group, on aura beaucoup du mal a suivre "Le crépuscule des dieux de la steppe".
Le roman qui est autobiographique décrit les expériences de Kadaré entre 1958-1960 quand il a été inscrit à l'Institut de littérature Maxime-Gorki à Moscou. Pendant cette période Kadaré fréquentait surtout d'autres étudiants étrangers qui comme lui qui étaient là pour apprendre à écrire dans le style du réalisme-socialiste exigé dans les pays communistes.
Ces étudiants pour la plupart trouvaient la situation stressante. Ils se méfiaient mutuellement parce qu'ils savaient qu'il y avaient beaucoup d'espions parmi eux. En plus les Russes ne leur faisaient pas confiance. Les loisirs proposés (les randonnées du ski par exemple) étaient souvent des calvaires surtout pour ceux qui n'avaient jamais vu de neige afin d'arriver en Russie.
Malgré les inconvénients, le protagoniste qui est l'alter ego de Kadaré accepte assez bien la situation. Il veut faire la carrière dans un pays communiste et son seule passe-temps est de courir après les jupes. Il est troublé néanmoins par la peur qu'il va commettre une trahison à un moment critique.
Peu à peu son enthousiasme pour l'URSS s'effrite. Il n'aime pas que les Russes lui dit comment écrire. Convaincu que Homère était Albanais, il ne croit pas que la culture Russe est supérieure à la sienne. Quand il tombe sur une version samizdat (clandestin) du docteur Jivago de Boris Pasternak, il commence à poser des questions sur la censure Stalinienne.
Peu après, le comité Nobel accorde son prix littéraire à Pasternak et le régime monte une compagne féroce de salissage contre Pasternak. Quand ses amis se mettent à dénoncer Pasternak, le protagoniste est outragé. En même temps il a peur qu'il sera forcé à ajouter sa voix aux autres qui attaquent Pasternak.
À ce moment on annonce que le régime Albanais d'Envers Hoxha a décidé d'effectuer une rupture avec l'URSS et se l'allier avec la Chine populaire. On convoque le protagoniste à l'ambassade Albanais où on lui dit qu'il devra quitter l'URSS dans les plus brefs délais et de renoncer immédiatement à tout rendez-vous avec des filles russes .
Le protagoniste pense à une jeune fille qu'il avait beaucoup aimé mais qu'il perdu à cause de sa manque de maturité. Il décide de la voir pour une dernière fois afin de faire ses excuses convenablement. Pourtant dès qu'il la voit, il se souvient de ses ordres de ne pas rencontrer des filles russes. Il coupe court la rencontre et fuit. Ainsi, il effectue la trahison dont il avait eu longtemps peur.
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Récit d'un écrivain albanais en Union soviétique, qui fréquente une femme russe jusqu'au refroidissement des relations entre Albanie et Russie. La splendeur du titre désigne les dirigeants soviétiques, que l'on n'entrevoit qu'à la fin, distants et figés. le roman n'est pas exaltant, reflétant une vie morne et contrôlée, celle des écrivains communistes des pays frères à Moscou. On y perçoit d'une façon feutrée la critique du régime, sans apprendre grand chose.
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Une espèce d'autobiographie de l'auteur durant son séjour à Moscou après la mort de Staline, au coeur de la littérature soviétique qui émerge pendant la présidence de Kroutchev, et donc juste avant la mise à l'écart de l'Albanie.
L' écriture caustique, riche, décapante d'un grand écrivain, qui au delà de ses intrigues amoureuses plutôt cocasses et savoureuses, nous documente sur le contexte socioculturel de l'époque.
A noter que l'édition récente de cet ouvrage chez Laffont, avec deux autres romans parus ultérieurement "L'hiver de la grande solitude" et "Le concert" semble être la seule disponible maintenant.
Un très beau livre très solide et maniable avec un papier proche du papier-bible.
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Si ce n'est vraiment pour ses qualités romanesques, ce livre mérite et même vaut d'être lu pour son aspect documentaire sur la vie intellectuelle dans l'URSS stalinienne (je sais que Staline était déjà mort, mais je vous assure que la vie de tous les jours était encore bien stalinienne) par quelqu'un qui tente de dire les choses sans émettre en même temps son jugement. C'est très intéressant.
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critiques presse (1)
Telerama
29 juillet 2020
Ce diptyque, s’il vante la résistance de Hodja aux pressions internationales, est aussi pour Kadaré un prétexte pour peindre le quotidien d’une dictature. Les héros, nombreux, y sont ballottés au gré des vents d’une histoire qu’ils ne contrôlent pas du tout.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
De temps en temps, le dimanche me semblait si saisissable, si concret, que j'avais presque l'impression que ce jour était en relief, en couleur, je le sentais même fuir, glisser sous nos skis, sous nos pieds. Il me semblait que sur cette zone vallonnée, blanche jusqu'à la lassitude, il avait toujours été dimanche, dimanche depuis l'époque des tsars et encore plus en arrière dans le temps, dimanche depuis l'an 1007 ou 1407. Que de fois les lundis, les mercredis, et même les féroces mardis ne s'étaient-ils pas approchés, ils avaient rôdé en silence dans l'espoir d'accéder à ce plateau, mais en vain, ils avaient compris qu'ils ne pouvaient pas y pénétrer facilement et s'étaient retirés en silence de ce pays où depuis deux siècles régnait le dimanche.
Page 102
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Quelqu'un avait allumé un transistor et l'on parlait encore de Pasternak.
« Apparemment, la campagne est menée dans toute l'Union Soviétique, dis-je à Antéos.
-Tout cela sent un peu la comédie.
-Et pourquoi ? »
Il regarda autour de lui, puis ,baissant la voix, me murmura :
« Tu te souviens de cette ballade de Goethe où quelqu'un appelle les esprits pour l'aider à puiser de l'eau et ne sait plus ensuite comment les chasser ?
-Tu veux dire que Pasternak a été l'un de ces fantômes ?
-Et pas le seul, dit Antéos. Il y a quelques années on en a appelé beaucoup ; on leur demandait seulement de participer à la campagne contre Staline.  »
Je l'écoutais attentivement.
« Et ils n'ont pas ménagé leur concours, dis-je.
-Oui, c'est vrai, ils ont bien travaillé, mais les fantômes restent des fantômes et on ne peut pas les garder longtemps chez soi. Pas vrai ?»
J'approuvai de la tête.
« Et maintenant ils veulent s'en débarrasser, reprit le Grec. Tu comprends ? »
Page 136
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Lida rit de tout cœur et il me sembla que c'était le moment le plus propice pour lui demander son numéro de téléphone. Éclatant collier de six perles miroitantes, il sortit de la profondeur mystérieuse de son être, de la profondeur de ses hanches, de ses jambes si droites, de sa poitrine, de son cou, de ses lèvres : affiné à travers toutes ces parties de son corps, composé d'une demi-douzaine de chiffres magiques grâce auxquels, en faisant tourner sur eux un petit cadran selon un rite nouveau, j’appellerais dans l'univers sa voix.
Page 63
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Dans ce gémissement hivernal, Stulpanz continuait de voir Lida. Ils parlaient parfois de moi, me disait-il. Idée macabre . Violant les lois de la mort, il m'apportait les mesures de la mienne. C’était une chose contre nature pour quiconque, car ces mesures, personne ne les connaissait. Or il y avait au monde quelqu'un pour qui j'étais mort, et , par conséquent, objectivement, quelque chose de moi avait dû passer dans l'au-delà. Cet être, Lida, était le seul chez qui on pût trouver les mesures de ma mort. Lida était ma pyramide, mon mausolée, avec mon sarcophage dedans.
Page 162
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Les divinités courtaudes de la steppe étaient immobiles dans ma tête comme au Praesidium. Leurs bonnets de fourrure, leurs joues, leurs yeux perfides semi-adiatiques. Non, la résurgence de cette ballade de la parole donnée n'était pas un hasard. Elle était venue de loin, appelée par la perfidie des temps. Le climat de perfidie, je le sentais depuis plusieurs mois. "Il fait froid en Russie, mon frère. Il fait perfide." Qui m'avait dit ces mots ?
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Vidéo de Ismaïl Kadaré
http://www.club-livre.ch#Bessa_Myftiu Interview de Bessa Myftiu réalisée par le Club du Livre en partenariat avec Reportage Suisse Romande
Bessa Myftiu, née à Tirana, est une romancière, poète, conteuse, essayiste, traductrice, critique littéraire, journaliste, scénariste et actrice établie à Genève, en Suisse romande, de nationalité suisse et albanaise. Pour commander un ouvrage de Bessa Myftiu : En SUISSE : https://www.payot.ch/Dynamics/Result?acs=¤££¤58REPORTAGE SUISSE ROMANDE36¤££¤1&c=0&rawSearch=bessa%20myftiu En FRANCE : https://www.fnac.com/SearchResult/ResultList.aspx?SCat=0%211&Search=bessa+myftiu&sft=1&sa=0
Fille de l'écrivain dissident Mehmet Myftiu, Bessa Myftiu fait des études de lettres à l'université de Tirana et par la suite elle enseigne la littérature à l'université Aleksandër Xhuvani d'Elbasan. Elle devient ensuite journaliste pour le magazine littéraire et artistique albanais La scène et l'écran. Elle émigre en Suisse en 1991 et s'établit à Genève dès 1992, passant son doctorat et devenant enseignante à l'université de Genève en faculté des Sciences de l'éducation, tout en poursuivant en parallèle ses activités dans les domaines de l'écriture et du cinéma. Depuis 2013, elle enseigne à la Haute École Pédagogique de Lausanne. Elle est par ailleurs membre de la Société Genevoise des Écrivains BIOGRAPHIE 1994 : Des amis perdus, poèmes en deux langues, Éditions Marin Barleti [archive], Tirana 1998 : Ma légende, roman, préface d'Ismail Kadaré, L'Harmattan, Paris (ISBN 2-7384-6657-5) 2001 : A toi, si jamais?, peintures de Serge Giakonoff, Éditions de l'Envol, Forcalquier (ISBN 2-909907-72-4) 2004 : Nietzsche et Dostoïevski : éducateurs!, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-915741-05-6) 2006 : Dialogues et récits d?éducation sur la différence, en collaboration avec Mireille Cifali, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-915741-09-4) 2007 : Confessions des lieux disparus, préface d'Amélie Nothomb, Éditions de l'Aube, La Tour-d'Aigues (ISBN 978-2-7526-0511-5), sorti en 2008 en livre de poche (ISBN 2752605110) et réédité en 2010 par les Éditions Ovadia (ISBN 978-2-915741-97-1), prix Pittard de l'Andelyn en 2008. 2008 : An verschwundenen Orten, traduction de Katja Meintel, Éditions Limmat Verlag [archive], Zürich (ISBN 978-3-85791-597-0) 2008 : le courage, notre destin, récits d'éducation, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 9782915741087) 2008 : Littérature & savoir, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-915741-39-1) 2011 : Amours au temps du communisme, Fayard, Paris (ISBN 978-2-213-65581-9) 2016 : Vers l'impossible, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-36392-202-1) 2017 : Dix-sept ans de mensonge, BSN Press, (ISBN 978-2-940516-74-2)
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