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Critique de LucianaMortisol


Ce roman est le premier de cet écrivain albanais qui restera certainement un des grands noms de la littérature de la fin du XXème siècle et du début du XIXème siècle (actuellement âgé de 80 ans, il a été accueilli en France après avoir achevé de tomber en disgrâce dans son pays stalinien, et partage actuellement sa vie entre la France et l'Albanie).
Ses romans ne sont pas toujours faciles d'accès, il faut accepter d'y entrer, et l'on s'en trouve ensuite récompensé ! Ici, quel est l'argument de départ ? Un général de l'armée italienne est chargé par son gouvernement, vingt ans après la fin de la guerre, de ramener au pays et de rendre à leurs familles les restes des soldats morts en Albanie pendant la deuxième guerre mondiale. Que fait Kadaré de cette intrigue ?
Il en fait d'abord une réflexion sur la vanité et la sottise de la guerre. Initialement très fier de sa mission, prenant de haut les réactions des familles, la rencontre des Albanais…, le héros de son roman est enfermé dans son assurance de général chargé d'une mission qui le valorise. Mais il va peu à peu se rendre compte du caractère dérisoire, voire absurde, de sa quête. Aller déterrer ces squelettes, en faisant mine de pouvoir les identifier, en profanant en quelque sorte la terre qui les avait recueillis et dans laquelle ils dormaient tranquilles, pour les rendre à une famille dont la demande est en fait viciée par le chagrin qui l'empêche d'en voir le caractère macabre, cela n'est pas en fait une mission de gloire… Et en termes de gloire, il va plutôt découvrir l'envers de la guerre, le malheur qu'elle sème, les comportements sans panache, voire honteux, des soldats qu'il prenait pour des héros, qui sont en fait volontiers déserteurs, voire violeurs…
Son contact quotidien avec les restes exhumés crée peu à peu en lui un rapport étrange à cette armée de restes humains enfermés dans des sacs de plastique qui deviennent leur nouvel uniforme, et il se sent de plus en plus général à la tête de cette armée de morts, d'où le titre du roman. Il se trouve en quelque sorte aspiré par ce monde de morts.
Le roman, riche de tant et tant d'expressions du sentiment humain, est aussi un hymne au pays natal, à cette Albanie aux habitants si rudes et si profonds. Certains passages sont très prenants, comme par exemple les chants des villageois dans la nuit, ou la noce…
On a l'impression qu'il ne se passe pas grand-chose, que les jours se succèdent sous la pluie, mais c'est l'aventure intérieure qui fait son chemin. Ce roman est d'une grande humanité…
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