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sur 278 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le ronron quotidien d'un village d'Afrique du Nord des années 20 bousculé par l'arrivée d'une équipe de tournage américaine venue filmer "Le Guerrier des sables". Ils sont venus chercher là le sable et l'exotisme indispensable pour leur scénario. Pas de précision quant au lieu, Tunisie, Algérie, Maroc, mais ça n'a aucune importance
Un village calme, colonial, les Prépondérants, ces colons qui forment un club "beaucoup plus civilisés que ces indigènes, nous pesons beaucoup plus, donc nous avons le droit de les diriger, pour très longtemps, car ils sont très lents, et nous nous groupons pour le faire du mieux possible, nous sommes l'association, l'organisation la plus puissante du pays"
Des américains qui bousculent les traditions, les usages, leurs femmes émancipées allant jambes nues consommant aux terrasses de cafés, musique, alcool, femmes qu'on désire... Ces Américains qu'on regarde avec admiration mais qui, aussi, font peur car ils représentent tout ce que craignent ces colons : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes mis en avant par des déclarations récentes du Président américain Wilson. Ces colons dont un américain dira "les gens les plus arriérés de mon pays, les esclavagistes ont l'esprit plus ouvert". Ils parlent sans distinction avec tous, y compris les juifs et les arabes. Ces américains qui "dérangeaient surtout les Français, qui n'aimaient pas qu'on regarde des gens plus grands et plus riches qu'eux, et tu sais, certains sont contre le colonialisme"
La liberté de comportement de ces hommes, de ces femmes émancipées avec les colons, et également avec les musulmans va mettre à mal ce microcosme bien huilé qui connait son premier grain de sable
Un microcosme aux cotés des acteurs, des actrices et des techniciens, dans lequel on retrouvera notamment le jeune arabe instruit et lettré, la jeune jeune veuve de guerre et fille de notable, l'élite arabe, la journaliste parisienne, le colon cherchant à acquérir de nouvelles terres par la ruse ou la force, le commerçant arabe, le Caïd...le colon lettré, ex-officier et "seul Français que la domination n'ait pas rendu idiot", les musulmans ouvriers agricoles peinant à manger à vivre correctement...Des hommes et femmes animés par l'argent ou par l'esprit de liberté et d'indépendance...dont certains vont être attirés dans des histoires sentimentales superficielles avec ces actrices libres et émancipées, leurs décolletés, leurs jambes nues, des colons partisans de l'assimilation et envisageant une France à 100 millions d'habitants des deux cotés de la Méditerranée, alors que d'autres sont ancrés dans leur certitude raciale face à ces "populations subalternes". Un roman qui met à mal aussi une supposée solidarité musulmane face aux colons et une supposée unité et unicité des colons : il y a ceux qui possèdent les terres et les exploitent, ils forment une caste, différente de celles des artisans des commerçants d'origine française et puis il y a les Espagnols, les Italiens, ces macaronis....qui ne sont pas des Prépondérants, et il y a l'armée française qui fait intervenir ses tirailleurs sénégalais pour mater les premières rebellions... racisme entre opprimés
Hypocrisie de certains colons, et hypocrisie également de ces américains, surtout face aux amours illégitimes.
Certains personnages traverseront l'Europe, iront vers l'Allemagne qui connait ses premières manifestations de groupuscules nazis, ses premiers "Deutschland ûber alles" en réaction à cette occupation française, faite par des soldats sénégalais, attisant ainsi un racisme latent, ferment du nationalisme allemand...ils en reviendront confortés, ouverts au progrès
Hédi Kaddour a écrit avec "Les Prépondérants" un roman aux accents orientaux, est-ce le roman des choses entendues pendant sa jeunesse, le roman de ses parents?
En tout cas ce roman se lit avec plaisir. Une écriture vivante et précise, pour décrire ce monde simple des jeux d'enfants, des travaux des champs, ces états d'esprits, ces magouilles, ces amours, ces premiers mouvements de grève, ces premières manifestations, cette Afrique du Nord qu'il aime.
Un roman aux multiples références littéraires, un roman plein de finesse et de précisions
Un roman qui ignore presque totalement la vie de ceux qui sont victimes de cette exploitation, de ces "kkammès".....on peut parfois le regretter, mais ils ne sont pas Prépondérants...
Et c'est peut être à cause de ces Prépondérants, qu'aujourd'hui encore, les relations entre la France et les pays du Maghreb, ne sont toujours pas ce qu'elles auraient pu être

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Professeur de littérature française d'origine tunisienne, Hédi Kaddour, pour son troisième roman, réussit une vaste fresque qu'il situe dans les années 1920, en Afrique du nord, ce qui ne l'empêche pas d'entraîner son lecteur aux États-unis mais aussi en France et en Allemagne.
À Nahbès, ville fictive du sud, en bord de mer, Les Prépondérants ne sont pas près de lâcher les meilleures terres, tous les avantages accaparés, et c'est avec beaucoup de subtilité que l'auteur nous montre tous les maux de la colonisation.
Tout au long du roman, nous partageons la vie de trois femmes. Rania (23 ans) est veuve. Elle aime les livres en français mais lit davantage en arabe. Elle dirige une propriété de 900 ha, contre l'avis de Si Mabrouk, son père, et de son frère, Taïeb qui ne pensent qu'à la marier.
Les deux autres femmes importantes du récit sont Gabrielle, une journaliste féministe qui n'hésite pas à écrire ce qu'elle pense, et Kathryn, actrice américaine qui débarque à Nahbès avec toute l'équipe de tournage d'un film : le guerrier des sables.
Les Prépondérants n'apprécient pas du tout l'irruption de ces Américains avec ces femmes délurées à la terrasse des cafés et ce Francis Cavarro, star du film, qui fait rêver les épouses des colons. Ils veulent faire interdire le tournage mais le Souverain et Paris protègent le travail de Neil Daintree, le réalisateur.
Nous suivons aussi le jeune Raouf, jeune intellectuel imprégné de culture française et arabe, qui se lie avec Ganthier, un colon éclairé qui emmène son jeune ami en France où les stigmates de la Première guerre mondiale sont encore bien présents. Raouf se lie avec les nationalistes, suit beaucoup de réunions politiques mais reste sur la réserve pendant que son père, Si Ahmed, déjoue magnifiquement les chausse-trappes préparés par le sinistre Belkhodja.
Lorsqu'ils passent de l'autre côté du Rhin, l'auteur décrit très justement toutes les erreurs commises par la France qui veut à tout prix faire payer les vaincus alors que cela ne suscite que haine et soif de revanche. le face à face entre les civils allemands qui chantent La Marseillaise dans leur langue et la troupe française, est impressionnant.
Autre grand moment du livre qui n'en manque pas : la première projection publique d'un film à Nahbès. « Raouf se sentait mal à l'aise, pris entre ses réactions de familier du cinéma et celles des ingénus dont se moquaient les autres familiers heureux de pouvoir pratiquer la condescendance du petit-bourgeois progressiste ou celle du colon… »
La situation se dégrade : « c'est pas bon ces discussions entre Arabes et Américains, ça rend nos Arabes prétentieux ! » Après un terrible orage, l'auteur note très justement : « le malheur avait cessé d'agir, il s'était laissé regarder, on appelle ça un bilan. »
Peu à peu, L Histoire s'emballe. Hédi Kaddour décrit avec talent l'évolution du nord de l'Ifriqiya et son livre permet de comprendre pourquoi la colonisation était une voie sans issue, un éclairage bien utile pour les temps présents et à venir.


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"Les prépondérants" c'est le nom d'un club dans l'Afrique du Nord coloniale, fort de ces certitudes de suprématie, de civilisation et de culture. A Nahbès, ville imaginaire d'un territoire sous protectorat, vit une population composite d'indigènes, arabes, d'européens, colons français mais également italiens et espagnols et de juifs. Cette population se mélange peu ce qui garantit la stabilité de l'édifice. Et pourtant dans cette Afrique du Nord des années 1920, la certitude de l'organisation coloniale sera ébranlée.

"Les prépondérants" c'est le roman de cette fissure, de cette déchirure vue à travers quelques personnages forts, Rania, Si Ahmed, Ganthier, Gabrielle, Kathryn et surtout Raouf.

Hédi Kaddour allume l'étincelle avec l'arrivée d'une équipe de cinéma américaine venue pour le tournage d'un film. Réalisateur, comédiens, techniciens, vont apporter leur vision du monde. le choc. Et la place des femmes dans ce nouveau monde va ébranler l'édifice séculaire. Trois perceptions s'opposent, celle de la tradition musulmane, celle des colons français et celle d'une nouvelle civilisation conquérante et porteuse d'un message de liberté des peuples depuis la victoire de 1918.

Le monde change et le voyage en Europe, entre la France et l'Allemagne, nous permet de replacer les évènements locaux dans un ensemble plus vaste, fait de vengeance d'un côté et de ressentiment de l'autre. Raouf, le lettré, prend conscience d'une liberté des moeurs et de l'insouciance de la jeunesse porteuse d'un avenir révolutionnaire.

Et le retour au pays, et les soubresauts de la révolte qui gronde, du soulèvement, de l'envie de mettre à bas le système colonial. Mais pour aller où ? Les américains reviennent pour un autre tournage ... et avec eux, dans les bagages, les germes d'une nouvelle colonisation qui s'étendra tout au long du XXème siècle.

C'est un très bon roman, écrit avec beaucoup de soin, très riche, porteur de nombreux thèmes du monde contemporain mais aussi bourré d'anédoctes et de scènes cocasses et drôles. Situé dans un contexte géographique et historique précis, ce texte place néanmoins chaque homme, chaque lecteur aussi, dans un monde complet, global et en perpétuel mouvement.
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Certains commentateurs précisent que ce roman comporte des incohérences chronologiques. Peut-être. Quoi qu'il en soit, il m'a enchantée, m'entraînant sous le soleil de cette ville maghrébine fictive où se croisent locaux, colons, et cette équipe américaine de tournage venue apporter au milieu des sables un vent d'ailleurs et s'imprégner de l'ambiance des lieux, exotique, colorée, rétrograde, inventive et parfois dangereuse. Hédi Kaddour sait raconter des histoires, donner vie à sa galerie de personnages, nous emmener aussi dans cette Allemagne de l'entre deux guerres assommée par la défaite, la faim et le ressentiment, où le lien avec l'occupant Français n'est pas sans rappeler les protectorats de l'autre côté de la Méditerranée... Une belle fresque vivante et passionnante, une belle langue, des dialogues intelligents et emplis d'humour: un vrai moment de bonheur littéraire
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Très beau roman, au Maghreb, en France et en Allemagne.On y suit les relations entre les membres d'une équipe de tournage avec les autochtones sur fond de colonisation (du Maroc?)
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Probablement mon plus grand plaisir de lecture depuis longtemps. le chant d'une superbe langue classique marié à une vision très actuelle des personnages, des religions, de l'Histoire : bravo M. Kaddour, et surtout merci !
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