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Franz Kafka (Autre)Robert Kahn (Traducteur)
EAN : 9782370840479
304 pages
Nous (20/10/2017)
5/5   1 notes
Résumé :

Ces Derniers cahiers rassemblent les textes rédigés par Kafka à la fin de sa vie (entre janvier 1922 et avril 1924), période d’une intense créativité, pendant laquelle surgissent des écrits à la fois essentiels et testamentaires. Ce volume donne à lire pour la première fois en français ces textes dans leur chronologie, dans la continuité de l’acte d’écriture, au plus près de leur matérialité et de leur dimension de work in progress. Il tresse ainsi des amor... >Voir plus
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Avais-je un intercesseur, ce n’était pas clair du tout, je ne pus
rien apprendre de précis à ce sujet, tous les visages fuyaient mon
regard, la plupart des gens qui venaient à ma rencontre et que je
retrouvais encore et encore dans les couloirs avaient l’air de grosses
vieilles dames, elles avaient de grands tabliers à rayures bleu-sombre
et blanches qui leur couvraient tout le corps, elles se caressaient le
ventre et se tournaient et se retournaient lourdement. Je ne pus
même pas savoir si nous étions bien dans un immeuble du tribunal.
Certains indices allaient en ce sens, mais beaucoup d’autres allaient
contre. Au-delà de tous les détails ce qui me rappelait le plus un
tribunal c’était un bourdonnement, que l’on entendait sans arrêt
comme venant de loin, on ne pouvait dire de quelle direction, il
remplissait tellement tous les espaces, que l’on pouvait croire qu’il

venait de partout, ou, plus exactement, que l’endroit précis où l’on
se trouvait par hasard à cet instant était l’endroit d’origine de ce
bourdonnement, mais c’était bien sûr une illusion, car il venait de
loin. Ces couloirs, étroits, à voûte simple, à lents tournants, avec de
hautes portes à la décoration discrète, semblaient même faits pour
un calme profond, c’étaient les couloirs d’un musée ou d’une bibliothèque. Mais si ce n’était pas un tribunal, pourquoi donc y étaisje en quête d’un intercesseur? Parce que je cherchais partout un
intercesseur, il est nécessaire partout, on en a même moins besoin
au tribunal qu’ailleurs, car le tribunal prononce son verdict d’après
la loi, on doit le supposer, si cela se passait alors de manière injuste
ou peu sérieuse aucune vie ne serait en fait possible, on doit avoir
confiance dans le fait que le tribunal laisse libre cours à la majesté
de la loi, car telle est sa seule tâche, mais dans la loi elle-même
tout est accusation, défense et verdict, l’intervention d’un individu
autonome ne serait que forfaiture. Mais il en va autrement avec
le fait même d’un verdict, celui-ci s’appuie sur des investigations,
des investigations ici et là, dans la parentèle et auprès d’étrangers,
auprès des amis et des ennemis, dans la famille et dans le public, à
la ville et à la campagne, bref, partout. Là il est donc absolument
nécessaire d’avoir des intercesseurs, des intercesseurs en nombre, le
mieux serait qu’ils soient placés serrés l’un contre l’autre, un mur
vivant, car les intercesseurs sont de nature difficiles à mouvoir,
mais les accusateurs eux, ces rusés renards, ces agiles belettes, ces
petites souris invisibles, s’introduisent dans les plus petits interstices, surgissent entre les jambes des intercesseurs. Donc vigilance !
C’est bien pour cela que je suis ici, je collectionne des intercesseurs.
Mais je n’en ai encore trouvé aucun, il n’y a que ces vieilles femmes

qui vont et viennent, encore et toujours, si je n’étais pas en quête,
je m’assoupirais. Je ne suis pas au bon endroit, je ne peux hélas pas
repousser l’idée que je ne suis pas au bon endroit. Je devrais être à un
endroit où il y aurait grand concours de gens, de régions différentes,
de toutes les classes sociales, de tous les métiers, de tous âges, je
devrais avoir la possibilité de sélectionner soigneusement à partir
d’une foule les compétents, les bienveillants, ceux qui m’accordent
un regard. Ce qui conviendrait sans doute le mieux ce serait une
grande foire annuelle. Au lieu de cela je me traîne dans ces couloirs
où on ne peut voir que ces vieilles femmes et encore peu d’entre elles
et toujours les mêmes et celles-là, malgré leur lenteur, ne se laissent
pas interpeller, elles m’échappent, flottent comme des nuages de
pluie, sont requises par des occupations inconnues. Pourquoi donc
me suis-je précipité à l’aveugle dans un bâtiment, sans lire l’inscription au-dessus de la porte, me retrouvant aussitôt dans les couloirs,
m’asseyant ici avec une telle obstination que je ne peux plus du tout
me souvenir m’être jamais trouvé devant ce bâtiment, m’être précipité en haut des escaliers. Mais je ne dois pas m’en retourner, il
me serait insupportable de devoir m’avouer avoir gâché mon temps,
m’être ainsi égaré. Comment? En cette vie courte, pressée, sur fond
d’un impatient bourdonnement, se ruer en bas d’un escalier? C’est
impossible. Le temps qui t’est imparti est trop court, si tu perds une
seconde tu as déjà perdu toute ta vie, car elle n’est pas plus longue ;
elle est toujours juste aussi longue que le temps que tu perds.
Donc si tu as commencé à prendre un chemin, continue, en toutes
circonstances, tu ne peux que gagner, tu ne cours aucun danger,
peut-être qu’à la fin tu tomberas, mais si tu avais fait demi-tour dès
les premiers pas et si tu avais dévalé les escaliers, tu serais tombé dès
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Avais-je un intercesseur, ce n’était pas clair du tout, je ne pus
rien apprendre de précis à ce sujet, tous les visages fuyaient mon
regard, la plupart des gens qui venaient à ma rencontre et que je
retrouvais encore et encore dans les couloirs avaient l’air de grosses
vieilles dames, elles avaient de grands tabliers à rayures bleu-sombre
et blanches qui leur couvraient tout le corps, elles se caressaient le
ventre et se tournaient et se retournaient lourdement. Je ne pus
même pas savoir si nous étions bien dans un immeuble du tribunal.
Certains indices allaient en ce sens, mais beaucoup d’autres allaient
contre. Au-delà de tous les détails ce qui me rappelait le plus un
tribunal c’était un bourdonnement, que l’on entendait sans arrêt
comme venant de loin, on ne pouvait dire de quelle direction, il
remplissait tellement tous les espaces, que l’on pouvait croire qu’il
venait de partout, ou, plus exactement, que l’endroit précis où l’on
se trouvait par hasard à cet instant était l’endroit d’origine de ce
bourdonnement, mais c’était bien sûr une illusion, car il venait de
loin. Ces couloirs, étroits, à voûte simple, à lents tournants, avec de
hautes portes à la décoration discrète, semblaient même faits pour
un calme profond, c’étaient les couloirs d’un musée ou d’une bibliothèque. Mais si ce n’était pas un tribunal, pourquoi donc y étaisje en quête d’un intercesseur? Parce que je cherchais partout un
intercesseur, il est nécessaire partout, on en a même moins besoin
au tribunal qu’ailleurs, car le tribunal prononce son verdict d’après
la loi, on doit le supposer, si cela se passait alors de manière injuste
ou peu sérieuse aucune vie ne serait en fait possible, on doit avoir
confiance dans le fait que le tribunal laisse libre cours à la majesté
de la loi, car telle est sa seule tâche, mais dans la loi elle-même
tout est accusation, défense et verdict, l’intervention d’un individu
autonome ne serait que forfaiture. Mais il en va autrement avec
le fait même d’un verdict, celui-ci s’appuie sur des investigations,
des investigations ici et là, dans la parentèle et auprès d’étrangers,
auprès des amis et des ennemis, dans la famille et dans le public, à
la ville et à la campagne, bref, partout. Là il est donc absolument
nécessaire d’avoir des intercesseurs, des intercesseurs en nombre, le
mieux serait qu’ils soient placés serrés l’un contre l’autre, un mur
vivant, car les intercesseurs sont de nature difficiles à mouvoir,
mais les accusateurs eux, ces rusés renards, ces agiles belettes, ces
petites souris invisibles, s’introduisent dans les plus petits interstices, surgissent entre les jambes des intercesseurs. Donc vigilance !
C’est bien pour cela que je suis ici, je collectionne des intercesseurs.
Mais je n’en ai encore trouvé aucun, il n’y a que ces vieilles femmes
qui vont et viennent, encore et toujours, si je n’étais pas en quête,
je m’assoupirais. Je ne suis pas au bon endroit, je ne peux hélas pas
repousser l’idée que je ne suis pas au bon endroit. Je devrais être à un
endroit où il y aurait grand concours de gens, de régions différentes,
de toutes les classes sociales, de tous les métiers, de tous âges, je
devrais avoir la possibilité de sélectionner soigneusement à partir
d’une foule les compétents, les bienveillants, ceux qui m’accordent
un regard. Ce qui conviendrait sans doute le mieux ce serait une
grande foire annuelle. Au lieu de cela je me traîne dans ces couloirs
où on ne peut voir que ces vieilles femmes et encore peu d’entre elles
et toujours les mêmes et celles-là, malgré leur lenteur, ne se laissent
pas interpeller, elles m’échappent, flottent comme des nuages de
pluie, sont requises par des occupations inconnues. Pourquoi donc
me suis-je précipité à l’aveugle dans un bâtiment, sans lire l’inscription au-dessus de la porte, me retrouvant aussitôt dans les couloirs,
m’asseyant ici avec une telle obstination que je ne peux plus du tout
me souvenir m’être jamais trouvé devant ce bâtiment, m’être précipité en haut des escaliers. Mais je ne dois pas m’en retourner, il
me serait insupportable de devoir m’avouer avoir gâché mon temps,
m’être ainsi égaré. Comment? En cette vie courte, pressée, sur fond
d’un impatient bourdonnement, se ruer en bas d’un escalier? C’est
impossible. Le temps qui t’est imparti est trop court, si tu perds une
seconde tu as déjà perdu toute ta vie, car elle n’est pas plus longue ;
elle est toujours juste aussi longue que le temps que tu perds.
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L’écriture se refuse à moi. D’où le projet d’investigations autobiographiques. Pas une biographie, mais investigation et mise au
jour des plus petits éléments possibles. Ensuite je veux me construire
à partir de là comme quelqu’un dont la maison ne serait pas solide,
qui voudrait s’en construire une autre à côté, solide elle, si possible
avec les matériaux de l’ancienne. Mais c’est grave quand en plein
milieu de la construction ses forces le quittent et qu’il a maintenant à la place d’une maison peu solide mais pourtant complète une
maison à moitié détruite et une autre à moitié achevée, donc rien.
Ce qui s’ensuit c’est la folie, donc à peu près une danse de cosaques
entre les deux maisons, au cours de laquelle le cosaque à coups de
talons de bottes fouille et excave si longtemps la terre que sous lui
se creuse sa tombe.
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Nous courûmes devant la maison. Il y avait là un mendiant
avec un harmonica. Son habit, une sorte de toge, était tellement
en lambeaux dans le bas qu’il semblait que le tissu n’avait pas été
initialement découpé dans une pièce mais plutôt déchiré avec brutalité. Et d’une certaine façon la mine déconfite du mendiant concordait, il semblait tout juste se réveiller d’un sommeil profond et ne
pas parvenir à se repérer malgré tous ses efforts. C’était comme s’il
se rendormait à tout coup et était à chaque fois réveillé. Nous, les
enfants, nous n’osions pas lui parler et lui demander comme aux
autres mendiants-musiciens de nous jouer quelque chose. Il nous
fuyait d’ailleurs constamment du regard, comme s’il remarquait bien
notre présence, mais ne parvenait pas à nous reconnaître comme il
le voulait.
Nous attendîmes donc jusqu’à l’arrivée de notre père. Il était
derrière dans l’atelier, cela dura un moment avant qu’il ne prenne
le long couloir. « Qui es-tu? » demanda-t-il à voix haute et forte en
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se rapprochant, son regard montrait qu’il était grincheux, peut-être
n’était-il pas content de notre conduite envers le mendiant, pourtant nous n’avions rien fait, en tout cas encore rien gâché. Nous
devînmes, si c’est possible, encore plus silencieux. C’était vraiment
le silence total, seul le tilleul devant la maison bruissait.
« Je viens d’Italie », dit le mendiant, mais cela ne ressemblait pas à
une réponse, plutôt à un aveu de culpabilité. Comme s’il reconnaissait en notre père son maître. Il serra l’harmonica contre sa poitrine.
le lui soulever. Je le fis et il dit : « Je suis en voyage, ne me
dérangez pas, ouvrez votre chemise et rapprochez votre corps de
moi. » Je le fis, il s’avança d’un grand pas et disparut en moi comme
dans une maison. Je m’étirai comme dans un réduit, j’eus presque
un évanouissement, je laissai tomber la bêche et rentrai à la maison.
Il y avait là des hommes à table qui mangeaient dans le même plat,
les deux femmes se trouvaient près du foyer et du baquet à linge. Je
racontai immédiatement ce qui m’était arrivé, je me laissai tomber
sur le banc à côté de la porte, tous m’entourèrent. On alla chercher
un vieux d’une ferme proche qui avait fait ses preuves. Pendant qu’on
l’attendait des enfants s’approchèrent de moi, nous nous tendîmes la
main, entrelaçâmes nos doigts,


Un grand drapeau m’enveloppait, je m’en extirpai difficilement.
Je me trouvais sur un monticule, prairies et rochers nus se succédaient. D’autres monticules semblables couraient comme des vagues
vers toutes les directions du ciel, la vue s’étendait loin, ce n’était qu’à
l’ouest que la vapeur et l’éclat du soleil couchant dissipaient toutes
les formes. Le premier homme que je vis fut mon commandant, il
était assis sur une pierre, les jambes croisées, appuyé sur le coude, la
tête dans les mains, et il dormait.
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F. (penché sur des livres de comptes) Vois donc ici, allons vois
donc —
Deux forts coups à la porte, puis encore un plus léger
F. Je viens —
Il va lentement vers la porte, en se raclant la gorge, regarde par
l’œilleton, opine du chef, tire deux verrous, ouvre ensuite la porte.
T. (vieille dame douce) Bonjour, cher Felix.
F. C’est très gentil, ma tante, d’être venue.
T. Mais tu m’as écrit, Felix, je suis bien sûr venue aussitôt.
F. Bon alors, bon alors.
Ils s’assoient
F. Tu as toujours été ma conseillère.
T. Moi? Une femme ignorante. Tu me fais toujours la même
plaisanterie.
F. Ce n’est pas une plaisanterie. Que serais-je sans toi! D’un
autre côté il est vrai —

T. Alors?
F. D’un autre côté il est vrai que si tu n’étais pas là je devrais aussi
faire mon chemin tout seul dans le vaste monde.
T. Bon, bon.
F. Non ma tante, pas ainsi — je t’en prie, ne me quitte pas.
J’arrivai hors d’haleine. Un poteau était enfoncé légèrement de biais dans le sol et portait un panneau avec l’inscription
« Enfouissement ». Je devais toucher au but, me dis-je, et je regardai
autour de moi. À quelques pas seulement se trouvait une modeste
tonnelle enfoncée dans la verdure, d’où provenaient de légers bruits
d’assiettes. J’y allai, glissai la tête par l’ouverture étroite, ne voyant
pas grand-chose dans cet intérieur sombre, je saluai quand même
et je demandai : « Savez-vous qui s’occupe de l’enfouissement? »
« Moi-même, pour vous servir », dit une voix aimable, « j’arrive tout
de suite ». Je pouvais maintenant distinguer peu à peu les membres
de la petite société, il y avait là un jeune couple, trois petits enfants
qui atteignaient tout juste avec leur front le plateau de la table et un
nourrisson, encore dans les bras de sa mère. L’homme qui était assis
au plus profond de la treille voulut se lever aussitôt et se précipiter
au-dehors, sa femme lui demanda gentiment de terminer d’abord
son repas, mais lui me montra du doigt, elle dit à nouveau que je
serai assez aimable pour attendre un peu et pour leur faire l’honneur
de partager leur maigre déjeuner, et finalement, très mécontent de moi-même puisque je troublai là de si laide manière la joie
dominicale, je dus dire : « Hélas, hélas, chère Madame, je ne puis
accepter votre invitation, car je dois immédiatement, oui vraiment
immédiatement, me faire enfouir. » « Ah » dit la femme, « en plein
dimanche et en plus pendant le déjeuner. Ah les caprices des gens.
L’éternel esclavage. » « Ne me grondez pas ainsi » dis-je, « je ne le
demande pas à votre mari par lubie et si je savais comment faire
je l’aurais fait depuis longtemps tout seul. » « N’écoutez pas ma
femme », dit l’homme, qui était déjà à côté de moi et m’entraînait.
« Ne demandez pas aux femmes de la raison.
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Leslie Kaplan - L'Assassin du dimanche - éditions P.O.L - où Leslie Kaplan tente de dire de quoi et comment est composé "L'Assassin du dimanche" et où il est question notamment de femmes qui s'organisent et de collectif, de littérature et de hasard, de Franz Kafka et de Samuel Beckett, d'une usine de biscottes et du jardin du Luxembourg, à l'occasion de la parution aux éditions P.O.L de "L'Assassin du dimanche", à Paris le 21 mars 2024
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