de Kafka, je n'ai lu que
La métamorphose....et jeune qui plus est. Ce qui fait que ce livre et son auteur m'ont laissée une drôle d'impression, d'originalité particulièrement. Et en tombant un jour sur son
Journal, avec le résumé qui parle d'"un témoignage le plus poignant de l'histoire de la littérature", celui d'un homme "pénétré" du verbe, j'ai pensé: ok ; j'y vais....et en effet, c'est un témoignage bouleversant.Surtout qu'après une suite de lectures frénétiques, épuisantes, j'ai commencé celle ci en me promettant de ralentir la cadence, secrètement persuadée que cette fatigue m'empêcherait d'apprécier à sa juste valeur, une lecture qui semble exigeante. Et bien, non. Dès les premières phrases, dès la préface même, j'ai été happée par un univers, des sensations apparaissant ici et là, fugacement, des flash de conscience (ou d'inconscience) révélant que peut être, les mots étaient autre chose qu'un simple moyen de communication, qu'ils avaient une dimension propres et dont l'observation minutieuse pouvait rendre fou et désespéré. Extrait de la préface, prometteur quant à la suite: "En dépouillant le mot, Kafka le ramène à un stade où le sens propre et le sens figuré ne sont pas dissociés, où toutes les analogies de son et d'images sont possibles." ou encore:" S'il n'apporte rien qui élargisse le domaine propre de l'allemand, il creuse la langue jusqu'aux profondeurs où elle retrouve un pouvoir de communication oubliée. Creusé et rajeuni par un continuel dépouillement, le mot peut alors agir au sein d'une phrase qui, elle, épouse toutes les nuances, toutes les courbes de la pensée." Donc, le
Journal sera çà, une recherche perpétuelle de la plus honnête utilisation du mot. Seulement, dans le cas de Kafka, cette recherche est confrontée à plusieurs difficultés. Tout d'abord, le milieu: Kafka est juif dans une société juive qui se cherche, s'isole, se regroupe en communautés, se disloque devant l'avancée de la modernité, tout en restant très attachée à ses valeurs et ses pratiques.La langue ensuite, le Yiddish, l'allemand, le thèque...et un peu de français aussi, et Kafka semble perdu, hésitant entre elles, mais également exigeant envers elles toutes. La famille aussi qui ne comprend rien, qui l'étouffe. Les amis et le travail...ah ce maudit travail et sa "routine". Tout ça dans une époque dite de "transition", de naissance d'un nouveau siècle et des changements géopolitiques qui l'accompagnent. Mais le plus grand obstacle qui se dresse devant l'ambition créatrice de Kafka, est Kafka lui même: c'est un être ultra-sensible, hypocondriaque, pétri de contradictions.Il veut mais ne veut pas se marier,parce qu'il lui absolument nécessaire de se marier, alors qu'il veut être seul , mais a besoin de compagnie pour le soutenir, bien qu'il travaille mieux seul. Il est également sûr de son talent, sauf dans les moments où il se dénigre complétement. Il aime ses amis, mais est très difficile avec eux. Ajoutez à celà les insomnies, les mots de tête, les douleurs diverses et variées, et vous aurez un être tourmenté à souhait, perdu, mais très attachant. Et puis, il ne manque pas d'humour, que ce soit de façon délibérée ou non, exemple: 26 fév; Aujourd'hui, j'écris à Löwy. Je copie ici les lettres que je lui envoie, pare ce que j'espère en tirer quelque chose. 27 féc: cher ami....je n'ai pas le temps de recopier mes lettres." Une phrase comme ça qui tombe entre deux chapitres de réflexions métaphysiques a un certain effet comique. le
Journal comporte aussi des esquisses de travaux futures, jetées çà et là, comme pense bête peut être, mais déjà beaux en l'état. Ce
Journal est donc une succession de lucidité, d'espoir et de désespoir, d'acharnement et de persévérance, donnant naissance à une lecture bouleversante, qui tient sa promesse.....oui mais....oui mais...là où le bât blesse, c'est qu'au bout de 450 pages pour moi, une répétition de ces états d'âmes , et avec des livres en attentes qui font de l'oeil....ben j'ai été "obligée" de laisser tomber....pour y revenir un autre jour peut être....on ne sait jamais.