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Critique de Moglug


J'ai voulu lire les lettres de Franz Kafka à Milena pour connaître Milena. Mais la tâche ne fut pas si simple. A l'instar des Lettres à Felice, on y découvre un Kafka bien plus préoccupé par l'image qu'il se fait de sa correspondante que par la correspondante elle-même. Il dresse ici le portrait d'une Milena idéalisée et le reconnaît lui-même. Si l'aventure est moins perverse – j'ose le mot – qu'avec Felice, l'ambiguïté de cette correspondance est flagrante. Franz Kafka ne s'adresse qu'à lui-même et à ses propres fantômes.

J'ai choisi tout de même de mener à son terme cette lecture fastidieuse. Je me souviens par ailleurs d'abominables lettres à Felice, et de cette sensation magnétique, ce besoin – pervers aussi ? - de lire un discours qui me débectait sans comprendre le fondement de ce besoin. Je me souviens, quelques semaines après avoir refermé le deuxième volume des Lettres à Felice, d'une impression très marquée et marquante d'être entrée dans un univers obsessionnel qui me rappelait fortement le château ou La métamorphose – qu'est-ce que cet homme qui tel un cafard rampe sous les portes des chambres des demoiselles pour les regarder écrire dans leur dos ? - et l'impression était dix fois plus vive à la lecture de ces lettres qu'à la lecture des romans. J'ai donc mené à son terme la lecture des lettres à Milena et je ne le regrette pas. J'y ai trouvé mon compte sur l'interlocutrice. le volume des éditions Nous se clôt par la rubrique nécrologique de Franz Kafka rédigée par Milena elle-même. Elle y dresse un portrait de l'écrivain saisissant. Elle n'a visiblement pas lu les lettres qu'elle a reçues de la même manière que moi. Elle les a reçues entrecoupées de rencontres bien réelles avec Kafka, elle les a accompagnées de lectures et de son travail de traduction en tchèque des oeuvres fictionnelles de Franz Kafka. Sans s'attacher aux névroses de l'homme, elle a été capable d'en saisir et retenir le meilleur. A tel point que j'en ai regretté de ne pas pouvoir lire finalement les réponses à ces lettres qui s'étalent sur près de 3 ans. Les réponses de Milena s'adressaient très certainement à Franz Kafka-le-vrai et non à un Autre idéalisé, elle connaissait son interlocuteur et accordait une grande importance à la sincérité de leur relation... à moins que la lectrice que je suis ai retrouvé son propre idéal de Kafka dans l'écrit de Milena Jesenská et s'en trouve immensément et maladroitement rassurée.
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