Certains livres proposent une playlist de titres pour les écouter. En lisant ces
quelques grammes de silence, je réfléchissais aux titres potentiels pour une telle playlist. Évidemment, je pensais à Enjoy the silence que chantait Dave Gahan :
« All I ever wanted
All I ever needed
Is here in my arms
Words are very unnecessary
They can only do harm
Enjoy the silence »
et au moins connu Defeaning de From Monument to Masses, groupe de « post-rock » politiquement engagé, débutant par un sample abrégé des propos de Jean Klein sur le silence
« Silence is our real nature. What we are fundamentally, is only silence. Silence is free from beginning and end. It was before the beginning of all things. It is causeless. Its greatness lies in the fact that it simply is. In silence all objects have their home ground. It is the light that gives objects their shape and form. All movement, all activity is harmonized by silence. Silence has no opposite in noise. It is beyond positive and negative. Silence dissolves all objects. It is not related to any counterpart which belongs to the mind. Silence has nothing to do with mind. It cannot be defined but it can be felt directly because it is our nearness. Silence is freedom without restriction or center. It is our wholeness, neither inside nor outside the body. Silence is joyful, not pleasurable. It is not psychological. It is feeling without a feeler. Silence needs no intermediary. Silence is holy. It is healing. There is no fear in silence. Silence is autonomous like love and beauty. It is untouched by time. Silence is meditation, free from any intention, free from anyone who meditates. Silence is the absence of oneself. Or rather, silence is the absence of absence. Sound which comes from silence is music. All activity is creative when it comes from silence. It is constantly a new beginning. Silence precedes speech and poetry and music and all art. Silence is the home ground of all creative activity. What is truly creative is the word, is Truth. Silence is the word. Silence is Truth. The one established in silence lives in constant offering, in prayer without asking, in thankfulness, in continual love. »
Erling Kagge cite Depeche Mode, pas From Monument to Masses. Ceux-ci ont eu la bonne idée de se taire pour se réfugier dans le silence - le groupe n'avait plus rien à dire - contrairement à ceux-là qui cherchent la révolution.
Le livre de Kagge - explorateur, collectionneur d'arts, éditeur, juriste, norvégien, papa de trois filles - est en résonance avec Depeche Mode et From Monument to Masses dans la mesure où il s'inscrit dans cette idée de révolution : Kagge écrit ici un manifeste et suggère de « [résister] aux bruits du monde ! ». du coup, j'ai fait une lecture silencieuse du livre.
Kagge propose « trente-trois ébauches de réponse » aux trois questions « Qu'est-ce que le silence ? Où est-il ? Pourquoi est-il plus important que jamais ? ». Dans ses réponses, Kagge mêle ses expériences personnelles d'explorateur, sa relation et celles de ses filles aux objets technologiques, les silences dans les chansons de Rihanna, des pensées philosophiques et autres réflexions sur le bruit et le silence,
Elon Musk, et bien d'autres choses…
À titre personnel, j'aurai fait l'économie du 4'33 de Cage ou de la surdité de Beethoven que l'auteur ne fait d'ailleurs qu'effleurer tant ces éléments sont connus. En revanche, j'ai apprécié de découvrir des auteurs comme
Jon Fosse,
E.B. White, Ola H. Hauge ou des lectures différentes de Wittgenstein, de Heidegger ou du Cri de Munch.
Plaidant pour une « pauvreté d'expérience » dans un monde où l'expérientiel devient une espèce d'alpha et oméga, Kagge propose non pas de tuer le silence ce qui est impossible - car « nous vivons à l'ère du bruit » - mais de (re)trouver le silence intérieur, de trouver les chemins qui mènent au silence, « de trouver [son] propre pôle Sud ».
Il ne reste plus qu'à « [Résiter] aux bruits du monde ! » désormais.