Tout d'abord je tiens à remercier Babelio et les éditions Presse de la Cité pour m'avoir fait parvenir ce livre que, je dois bien l'avouer, je ne serais probablement pas allée acheter par moi-même. J'ai découvert en
Blasmusikpop, dont le titre reste toujours pour moi un mystère, le premier roman d'une jeune auteur autrichienne du nom de
Vea Kaiser, dont j'ai apprécié la plume sans pour autant en être enthousiasmée…
L'auteur nous plonge dans la vie d'un petit village de montagne, Saint-Peter-sur-Anger, perdu au coeur des Alpes sporziennes et dont les habitants, totalement isolés du reste du monde, vivent dans l'ignorance et le rejet des civilisés (les péteux) et possèdent leur propre langage, que l'on pourrait qualifier de rural et de sous-développé. Or un évènement a priori insignifiant va bouleverser leur existence paisible : l'un des habitants, Johannes Gerlitzen, ayant attrapé un ver solitaire, se met à étudier avec ardeur les parasites afin de comprendre celui qui est en lui et parvenir à s'en débarrasser. Une fois ce résultat obtenu, il quitte village, femme et enfant en jurant qu'il ne reviendra qu'une fois devenu médecin. A la surprise générale, il finira par se réinstaller à Saint-Peter et transmettra bientôt à son petit-fils Johannes A. Irrwein son goût du savoir, son langage correct et son envie de voir le monde des civilisés.
Celui-ci, après avoir miraculeusement obtenu une bourse pour étudier au lycée de la ville, délaissera les sciences naturelles affectionnées par son grand-père pour se tourner vers les sciences humaines, notamment les langues anciennes et l'historiographie, ce qui l'amènera bientôt à vouer un culte à
Hérodote… Mais l'échec subi au baccalauréat le ramènera à Saint-Peter où, au lieu de se morfondre, il se met à observer la population, ces barbares (au sens grec du terme) des montagnes, cherchant à imiter son modèle pour tromper son ennui.
C'est ainsi qu'entre deux passages de l'histoire contemporaine de Johannes sont intercalées des notes historiographiques sur le village, rédigées par le garçon lui-même, ce qui permet au lecteur de se plonger dans l'histoire de Saint-Peter et de comprendre le pourquoi de sa guerre contre les civilisés. En plus de ces passages, on trouve également des extraits de lettres envoyées par Johannes à ses amis civilisés rencontrés au lycée, dans lesquelles il leur fait part de ses observations et déductions. J'ai regretté pour ma part, mais ce n'est qu'un avis, de ne pas pouvoir lire les réponses de ses camarades. Cela aurait apporté davantage d'épaisseur au récit, mais aurait certes demandé un travail bien plus conséquent sur le déroulement de l'histoire externe.
Je pourrais bien sûr m'attacher à vous citer les différents thèmes abordés par la confrontation entre ces deux mondes, mais il ne s'agit que de lieux communs que vous pourrez aisément vous imaginer : importance du collectif contre développement d'une individualité, langage passant uniquement par l'oralité contre importance du bien-parler et de l'écriture, scolarité écourtée contre recherche du savoir et approfondissement… Tout un ensemble de sujets qui certes amènent réflexion, mais qui ne peuvent être traités qu'à travers les observations du personnage de Johannes, incapable, il le reconnaît lui-même, d'adopter un point de vue objectif : il est tout d'abord biaisé par son envie de quitter le village et son rejet de la population, puis par une forme d'attachement qui semble à nouveau le lier à cet endroit…
Je n'ai vraiment été touchée par le roman de
Vea Kaiser que sur la fin, peut-être la dernière centaine de pages, qui voient enfin se produire une succession d'évènements sans ellipse temporelle et s'achèvent sur une conclusion optimiste montrant que, même s'il est difficile pour les deux mondes de cohabiter, ils ne peuvent vivre l'un sans l'autre.
J'accorderai enfin une mention spéciale à la traductrice,
Corinna Gepner, pour sa transcription en français du patois Saint-Pétrucien, dont j'ai trouvé qu'il sonnait très juste et est resté fidèle à lui-même sur l'ensemble du roman.