Si l'argent est une source d'angoisse pour vous alors un conseil, ne lisez pas ce livre !
Ce fut une très bonne lecture pour moi, une lecture qui met en lumière l'emprise que l'argent a sur les gens et le rapport exigu que les personnages ont avec lui.
Lune de papier, c'est un roman polyphonique, et qui peut paraître par moment caricatural.
Tout le monde pourra se retrouver dans ce récit, car
Kakuta décrit à merveille les comportements psychologiques que déploient les gens vis à vis de lui qui dévoile certains traits qui nous fondent.
De l'économie de bout de ficelle, jusqu'à l'escroquerie, de l'avare à l'escroc.
L'ARGENT OBSÉDANT :
Il en faut beaucoup...
pour s'acheter de beaux costumes de marque qui donnent de l'élégance, qui fournissent de l'assurance, engendrent de la part d'autrui du respect.
Pour acquérir des déguisements comme une cachette, vivre dedans des vies rêvées...ces illusions.
Un billet pour se faire pardonner, ou donner un peu de bonheur. Être soulagé. Combler l'absence.
Mitsuyo Kakuta nous montre aussi la place du salaire dans le couple japonais et par extension dans le couple universel.
Le fric pour donner envie, pour plaire, pour séduire… la poudre aux yeux.
Qui dit que ce sera facile ?
L'argent pour se plaire à soi-même. Pour se trouver, se retrouver ? La confiance en soi.
Se perdre finalement.
La liberté qu'il procure à ceux qui en ont beaucoup à dépenser. La réussite professionnelle. L'échec aussi.
Ce livre parle aussi des simples dépenses alimentaires, des dépenses compulsives, de petites économies du quotidien et des grandes économies de toute une vie.
Les crédits à la consommation, cet argent que l'on voudrait mais que l'on a pas… qui rend impatient.
Le travail et ce qu'il nous coûte, et ce que l'on perd. La futilité, le dur labeur, le courage, le sacrifice et l'abnégation.
Ce et ceux que l'on retient.
L'argent comme une grande comédie collective. Comme une illusion individuelle.
La facilité et les leurres qu'il procure dans le récit de
Kakuta dans les relations amoureuses et maritales.
Pour fuir, s'échapper du monde, se cacher, cacher sa faute… pour aller trouver
l'ambiance éthérée que procure l'argent : un monde entier doux et aimable, qui paraît-il est si léger.
Et si il était là, comme une source intarissable ?
L'argent : Liberté ?
Argent : Addiction …
Jusqu'à l'erreur fatale de Rika.
L'argent comme une maladie mortelle transmise par la société de consommation, qui rend anxieux, qui rend mauvais et qui dégoûte.
Enfin le vol, le détournement, l'escroquerie, ceux qui sautent le pas, comme l'héroïne de ce roman.
Rika UMEZAWA elle même incapable de dire qui elle est, va tomber dans une spirale infernale, et va commettre un bon nombre de graves méfaits, pour gagner toujours plus en liberté.
Son rapport à l'argent est pathologique, elle se cherche en lui. Plus elle en a, plus elle a l'impression de vivre dans la réalité et ce qui devrait être la vie réelle, est pour elle une vie “ fausse”.
Elle est insaisissable, elle ne parvient jamais à savoir qui elle est. Très distante d'elle-même pendant tout le récit. Qui est Rika ?
C'est un personnage qui m'a fait de la peine pendant tout le récit, où le pathos n'est jamais envisagé par l'autrice.
Kakuta a façonné un personnage vraiment peu ordinaire, un personnage froid, distant, glacial qui sans en avoir conscience veut aller vers la lumière, la chaleur, elle suit instinctivement la petite lueur comme un papillon de nuit.
C'est ce qui est très intéressant dans ce roman entre autres.
Cette Rika qui n'arrive pas à se saisir, et à se ressaisir, sa descente aux enfers, vertigineuse.
Ces actes qu'elle va anticiper, cette grande escroquerie qu'elle va organiser, sans jamais se sentir concernée.
Qu'est-ce que toute cette fortune a enlevé ou a donné à Rika ?
J'ai hâte de lire
la cigale du huitième jour qui est dans ma Pal depuis quelques mois. J'ai eu l'opportunité d'emprunter
Lune de papier à la médiathèque, voilà pourquoi il est passé avant lui.
“C'est ça avoir commis un crime, en vint-elle à penser. Cela ne libérait pas mais enfermait dans un lieu bien plus exigu que soi-même.”