AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Parthenia


J'ai grandi à la fin de la Guerre froide, et le mot "goulag" m'est familier car mes parents l'employaient pour parler des opposants soviétiques et de leur famille qui étaient envoyés en Sibérie pour y vivre dans des conditions très difficiles sans espoir de retour.

Et c'est ce thème que le livre aborde. L'auteure, Sandra Kalniete, est née dans un camp de relégation et retrace dans ce livre l'expérience aussi douloureuse qu'inhumaine qu'a subie ses parents et ses grands-parents maternels et paternels à la suite d'une arrestation et d'une accusation aussi mensongère qu'arbitraire, en s'appuyant sur les archives soviétiques, des ouvrages d'historiens, et bien sûr les lettres et témoignages des membres de sa famille.

J'ai trouvé également intéressant d'en découvrir davantage sur l'histoire de la Lettonie. Pour être tout à fait franche, je ne connais pratiquement rien aux pays baltes, étant née au moment où ils n'étaient que des satellites de l'U.R.S.S.

J'ai ainsi appris que les Bolcheviks, lors de la 1ère Guerre mondiale, avaient installé des bases soviétiques en Lettonie où ils avaient perpétré de telles horreurs que les Lettons accueillirent les Allemands en 1941 comme des libérateurs. Les Soviétiques se servirent ensuite de cet épisode pour présenter auprès du reste de l'Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale les Lettons comme des fascistes et des antisémites.

Juste avant l'invasion allemande, une première grande déportation est préparée en grand secret par les Bolcheviks, provoquant la surprise des Lettons qui, ayant toujours vécu dans un état de droit, ne pouvaient imaginer l'arrestation d'innocents.

” Amis, connaissances et personnalités en vue disparaissaient. Une tension vigilante se lisait sur les visages. Les rires s'éteignaient ; le poison de la méfiance mutuelle, telle une araignée, tisait une toile qui engluait tout le pays.
(page 34)

En juin 1941, Ligita, la mère de l'auteure, et Emilija, sa grand-mère, sont arrêtées en pleine nuit, quelques jours avant le bal du lycée (les escarpins du titre sont ceux offerts par le frère de Ligita pour cette occasion). Elles sont rejointes par Janis, le grand-père, débusqué dans leur maison de campagne.

On assiste aux conditions inhumaines de leur longue déportation (les Bolcheviks n'ont rien à envier aux nazis) : parquage dans des wagons à bestiaux, promiscuité, épidémie, mort, etc...

A leur arrivée en Sibérie, les femmes sont séparées du chef de famille (Ligita n'apprendra la mort de son père qu'en 1999 alors que le décès était survenu à peine quelques mois après son arrestation). L'auteure nous livre un témoignage terrifiant et poignant sur leurs conditions de vie (ou plutôt de survie) : les corps, affaiblis par la malnutrition et l'absence d'hygiène, sont décharnés, couverts d'abcès purulents, de poux et de vermine. Les seuls vêtements qu'ils portent sont ceux qu'ils avaient sur le dos au moment de leur arrestation et se sont transformés en haillons incapables de les préserver du froid sibérien. Les déportés sont tellement affamés qu'ils n'hésitent pas à manger des charognes de cheval ou des rats crevés.
L'auteure nous décrit "un monde où les souffrances, la famine et la mort étaient quotidiennes" (page 159).
En 1946, un colis de victuailles,de vêtements et de draps envoyé par la famille rescapée les sauvent d'une mort certaine. Les femmes ne peuvent compter sur une amélioration de leurs conditions de vie car elles sont régulièrement transférées d'un lieu de relégation à un autre, leur faisant abandonner leur potager si durement acquis.

Bref, la lecture de ce livre est parfois insoutenable, toujours révoltante. On se demande comment des êtres humains ont pu participer à l'élaboration puis au maintien et au contrôle de ces déportations qui rabaissaient d'autres êtres humains au rang d'animaux. D'autant que la plupart étaient des innocents condamnés arbitrairement comme "ennemi de classe" dans une mascarade de justice, et qu'ils entraînaient dans leur chute toute leur famille.
Lien : http://parthenia01.eklablog...
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}