Ce troisième tome constitue l'épilogue de cette histoire qui inspira
Quentin Tarantino pour son film «Kill Bill». Un manga de
Kazuo Koïke (auteur de "Lone Wolf and Cub" et de "Crying Freeman") et
Kazuo Kamimura qui fut publié pour la première fois en 1972 est qui est maintenant disponible en français (et en version coffret) chez Kana Senseï.
Le copieux diptyque présentait la quête vengeresse de Lady Snowblood, dont l'unique objectif était de châtier les deux autres assassins qui ruinèrent la vie de sa défunte mère. Ce troisième volet invite le lecteur à suivre la suite du destin tragique de cette jeune femme ayant reçu haine et beauté en guise d'héritage. Après s'être acquittée de sa vengeance personnelle, Lady Snowblood commence une nouvelle vie au service de la société. Voulant tourner le dos à la violence, cette tueuse professionnelle imparable, au charme redoutable et au coup de sabre mortel, se retrouve maintenant professeur de gymnastique suédoise au lycée supérieur de jeunes filles d'Ochanomizu. En quête de rédemption, Yuki se retrouve cependant vite mêlée à une étrange histoire qui fera vite ressurgir sa véritable nature. Même si elle reste une tueuse intransigeante, on retrouve néanmoins une Lady Snowblood plus sensible et plus émotive.
Se déroulant au Japon pendant l'ère Meiji, le récit contient de nombreuses références à cette période clé et permet à l'auteur de se lancer dans une critique acerbe envers le nationalisme japonais et les dérives militaires de l'époque. le nouveau rôle, quelque peu surprenant, que se voit octroyée Yuki prend ainsi tout son sens au sein d'un conflit opposant les défenseurs d'une éducation et mentalité plus occidentale (ici incarnée par gymnastique suédoise) et un pouvoir nationaliste et militariste. L'auteur intègre d'ailleurs le personnage de Noe Itô à son récit, une anarchiste qui fut tuée par la police militaire en 1923.
Au milieu de cette critique antimilitariste, le lecteur retrouve également les nombreux talents (souvent mortels) de Lady Snowblood. La personnalité ambiguë de cette héroïne, mêlant classe innée et mouvements gracieux à une froideur déconcertante et une insensibilité moralement discutable, continue de passionner. Alliant violence et sexe, parfois avec certaine perversion, ce manga destiné à un public averti (et qui parut dans l'édition japonaise de Playboy), évite pourtant l'écueil de la vulgarité. La mise en scène d'une forte intensité dramatique lui confère également un rythme particulier, alternant scènes d'action et moments de calme avec grande efficacité. le graphisme de
Kazuo Kamimura, datant d'il y a 30 ans, a plutôt bien supporté le poids des années et livre un dessin élégant et lisible, qui colle parfaitement au côté historique de l'ouvrage.
Un brin en dessous du niveau de l'histoire principale, cet épilogue mêlant grâce, violence et histoire, demeure cependant d'un excellent acabit.