J'avoue avoir lu plus 'sur' Céline que de Céline. Cela dans le vain espoir de pouvoir cerner la personnalité du docteur Destouches, alias Céline.
Pourtant, il n'y a pas longtemps, en lisant '
Sigmaringen' de
Pierre Assouline, je croyais sérieusement m'en rapprocher. La lecture de l'ouvrage de
Hanns Erich Kaminski '
Céline en chemise brune ou le mal du présent' de 1938, s'inscrit dans la même logique. Hélas,
Louis-Ferdinand Céline continue à m'échapper et reste pour moi une énigme.
Si ses qualités d'auteur ne sauraient faire l'ombre d'un doute - bien que là aussi il occupe une place à part -, en revanche, sa personne ne me permet pas d'être aussi formel. Je reconnais volontiers avoir des problèmes à réconcilier le génial créateur de '
Voyage au bout de la nuit' de 1932 et '
Mort à credit' de 1936 avec le défenseur d'un antisémitisme abjecte. Je sais que l'auteur bénéficie de supporteurs convaincus sur Babelio, donc je mâche mes mots. Toujours est-il que ses propos antisémites m'horripilent et cela en dépit d'une abondante littérature visant à 'relativer' justement ce discours. Même si l'homme, dans ses écarts de langage, fait parfois preuve de 'maestria' linguistique, je ne peux que les rejeter.
Et bizarrement, je me retrouve avec l'auteur du présent ouvrage en excellente compagnie, car ce pamphlet du prussien Kaminski, grand admirateur de Céline, d'ailleurs, trouve son origine exactement dans l'antisémitisme de ce dernier.
Je crois qu'il convient de dire un mot sur ce contemporain et admirateur de la première heure de Céline et grand biographe de
Mikhail Bakounine.
Hanns Erich Kaminski (1899-1963) est né en Prusse dans une famille de négociants aisés, très jeune pourtant il devient anarchiste et socialiste militant. En juin 1932, il signe avec des célébrités comme
Erich Kästner,
Arnold Zweig,
Heinrich Mann,
Albert Einstein etc. un appel pour un front commun entre socialistes et communistes contre la menace brune. 'Grâce' à l'horrible Staline, ce front ne se fera pas et 6 mois plus tard Hitler devient chancelier, obligeant Kaminski de prendre la fuite. J'ignore s'il vient à Paris à cause de son admiration pour Céline, mais c'est bel et bien en France qu'il débarque. Trois ans plus tard, il se trouve en Espagne pour combattre, comme tant d'autres intellectuels de sa génération, un autre fasciste, le Caudillo Franco. de cette expérience, il publie un intéressant témoignage '
Ceux de Barcelone', paru chez Denoël avant la deuxième guerre mondiale.
C'est surtout la publication, en 1937, de 'Bagatelle pour un massacre' de Céline, qui incite Kaminski à répondre à celui-ci par son propre pamphlet.
L'occupation nazie de Paris, force Kaminski de nouveau à fuir et c'est en passant par Lisbonne, qu'il se dirige, avec sa compagne, Anita Karfunkel, vers l'Argentine. A Buenos Aires, il accepte un job d'instituteur, tout en continuant à publier - sous le pseudonyme ô combien français de Noël Pierre Lenoir - jusqu'à sa mort en 1963, deux ans après Céline.
Traiter Kaminski, parce qu'il a osé s'attaquer au monstre sacré qu'est Céline ou plus spécifiquement son antisémitisme, d'idiot qui n'a rien compris à la grandeur de cet auteur, comme l'a fait un journaiste, relève de l'aberration à l'état pur. Personnellement, j'estime que c'est plutôt ce journaliste qui n'a rien compris.
Bref, le pamphlet de
Hanns Erich Kaminski mérite d'être lu, à la lumière de la réalité des années 1930, et n'est nullement de nature - malgré son titre déroutant - à déloger
Louis-Ferdinand Céline de la place éminente et légitime qu'il occupe dans la littérature française.