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Critique de nilebeh


Partir, s'enfuir en laissant derrière soi la porte fermée et la clef jetée à l'intérieur, comme une fuite éperdue, une forme de suicide social, un adieu à la vie, à sa vie, un geste ultime de désespoir.

C'est ce qu'a fait Isabelle, jeune professeure de lettres parisienne. Désespoir absolu, sans aucune possibilité de réparation. Dés-espoir. Fuite vers la Gare de Lyon, vite, un train vers le plus loin possible, ce sera Nice.
Et là, pas le Nice des petits vieux plus ou moins riches qui veulent finir leur vie au soleil. Non. Une construction démontable, des gens bienveillants : accueil des rescapés de l'immigration clandestine, ces Africains et autres désespérés qui ont traversé le désert, la Méditerranée, Perdus, comme elle. Abîmés, comme elle.
Alors, l'impensable se produit : Isabelle entre dans le sillage d'Ibrahim, Guinéen de quinze ans, migrant du désespoir dont la réussite en Europe serait la seule chance pour sa famille, sa mère et le bébé, son père très faible, le village. L'argent réuni doit être investi dans sa réussite et l'aide qu'il leur apportera. Risquer sa mort pour qu'ils ne meurent pas.

Doucement, le lien s'établit entre la femme morte à l'intérieur et le jeune décidé à vivre. Il la porte, la pousse vers la vie, vers un renouveau encore possible. Elle le structure, lui enseigne le français, ainsi qu'à d'autres réfugiés. Parler la langue pour s'intégrer, pour apprendre. le professeur renaît en elle, comme une racine enfouie profondément mais pas détruite.

Nous lisons sous la plume et par la voix des deux personnages l'histoire de cet apprentissage de la confiance, de ce renouveau inespéré. Et au passage découvrons des gens grands de coeur et d'esprit comme cette Brigitte qui a transformé sa grande maison en hôtel, non pas pour touristes, bien lucratif en cette région, mais pour les abandonnés de la vie, de l'histoire.
A côté de cela, il y a l'Administration, la méfiance, la tentation du rejet, quitte à recourir à des procédés lamentables comme ces examens médicaux qui éliminent Ibrahim car, dit-on, il est majeur. Alors, qu'il se débrouille. Ou bien cette aberrante et butée conseillère d'orientation qui, sans doute poussée par un bon sentiment, lui trouve une formation en mécanique auto. Alors que Jean, l'oléiculteur bienveillant, est prêt à lui signer un contrat d'apprentissage. Ibrahim est passionné par la culture de l'olivier, arbre inconnu chez lui. Que sa reconstruction est là, possible.

Un livre qui n'est pas un roman bien-pensant mais le résultat de l'expérience de l'auteure, qui a recueilli des propos de femmes issues de l'immigration. C'est une bouffée d'air frais. Un plaisir de lecture.
Et des pages bouleversantes.
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