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Critique de Osmanthe


Une rencontre entre un homme et une femme pourrait donner lieu à une histoire somme toute banale...La sud-coréenne Han Kang parvient à en faire un roman d'une forte originalité en mettant le handicap au coeur de l'histoire.

Nous sommes en Corée. Elle a perdu sa voix subitement, une première fois à 17 ans, puis elle l'a retrouvée, mais reperdue il y a quelques mois. Dans l'intervalle, elle a eu un enfant. On ne saura rien du père inexistant. Elle vit plus que sobrement dans un petit appartement. Sa vie, monotone, c'est de marcher dans la nuit, prendre des bus pour rentrer, voir son enfant quand les institutions où il a dû être placé, vu son handicap à elle, lui en laisse le loisir. Et surtout, elle apprend le grec ancien, ce qui est fort rare en Corée, comme pour donner un sens à son existence en pointillés.

Lui est un coréen qui s'est installé quelques années en Allemagne. Il a eu des rapports difficiles avec son père aujourd'hui décédé, au contraire de sa grande proximité de coeur avec sa soeur. Rentré en Corée, l'obscurité tombe peu à peu sur sa vie, inexorable, face à une dégénérescence oculaire qui s'avance. Il est professeur de grec ancien…

Bien sûr, ils vont se rencontrer, dans ce cours où seuls quelques rares élèves se sont inscrits. Leur rencontre n'a rien à voir avec un coup de foudre...c'est tellement long déjà de se capter l'un l'autre, lorsqu'il manque un sens à chacun !
Les deux personnages sont des boules de souffrance. Le handicap dont ils souffrent les enferme sur eux-mêmes, dans leurs souvenirs névrotiques, leurs rêves et cauchemars. L'auteur nous les livre bruts, ce qui donne une sensation d'étrangeté, d'histoire décousue, sans progression. Comme s'il n'y avait pas d'issue pour eux, chacun dans leur bulle de mutisme, de secret et de pudeur.

La construction du récit rend parfaitement cette atmosphère, elle est assez complexe et déroutante, les personnages ne sont pas nommés, on parle de "la femme", alors que l'homme, au moins partiellement, se raconte, recolle ses morceaux d'existence, lorsque l'auteur le place en narrateur.

Assurément une histoire pas comme les autres, obscure comme la nuit implacable qui dévore l'existence de ces deux êtres solitaires limités par le destin. Et pourtant...lumineuse lorsqu'à la faveur d'un incident, ils vont tenter, maladroitement, à tâtons, de se lier dans une innocence presque de nouveaux nés, dans une sensibilité à part, que seuls eux-mêmes peuvent saisir, comme recroquevillés dans une petite coque de noix, ballotés sur l'océan de la vie.

Lumineux et obscur à la fois, c'est aussi le style de l'auteur, d'une puissance évocatrice et d'une beauté rares, et néanmoins sans emphase.

Je tiens à remercier chaleureusement Babelio et les éditions le Serpent à plumes pour cet envoi dans le cadre de masse critique, un peu laborieux (merci à Charlotte d'avoir persévéré !)...ça valait la peine de découvrir cet auteur-clé à la renommée aujourd'hui internationale. De quoi me donner envie, aussi, avec les écrivains japonais et plus récemment chinois, de découvrir les talents de la littérature coréenne.
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