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Critique de Glaneurdelivres


A l'automne 1956, la majorité des hongrois s'insurgent contre le pouvoir en place dans leur pays et contre le joug soviétique dont ils veulent se libérer. Ils aspirent à un socialisme réellement démocratique. (« Ne peux être libre un peuple qui opprime d'autres peuples. ») Karl Marx.
L'insurrection contre le régime soviétique aura débuté le 23 octobre 1956, par une manifestation étudiante, et elle sera écrasée dans le sang le 4 novembre suivant, par les chars envoyés par Moscou.
Le héros dénonce les énormes inégalités qui existent entre les gens au pouvoir dans son pays et les citoyens lambdas : « … les camarades grosses légumes : ils ne payaient pas de loyer pour leur villa de luxe. Ils s'habillaient, se chauffaient, s'éclairaient à l'oeil ; pour leurs rejetons un jardin d'enfants spécial et l'exclusivité de l'école Gorki, une épicerie réservée rue Fö, où ils bénéficiaient de produits introuvables partout ailleurs tels oranges, bananes et autres délicatesses. »

Ce roman de Ferenc Karenthy, est écrit sous une forme journalistique.
On vit au jour le jour avec le héros, au coeur de l'insurrection, et sur le qui-vive avec lui dans la confusion des événements.
Son nom est Gyula, il est membre du parti communiste, et dirige une maison de la culture.
Il a perdu sa mère, tuberculeuse, alors qu'il n'avait que 4 ans. Son père, colonel de gendarmerie, excessivement autoritaire envers lui, a été injustement emprisonné pendant 10 ans (par le régime communiste, parce qu'il avait été anobli pour service de guerre par un gouvernement précédent).
Gyula est marié. Sa femme Kati, a vécu dans un milieu modeste, mais est devenue chirurgienne.
L'insurrection est violente, dans les rues c'est la désolation et la dévastation partout, et Kati recevra à l'hôpital beaucoup de blessés, souvent dans un triste état !
La vie sentimentale de Gyula est mouvementée : il a une liaison avec Olga, une comédienne.
Il devra d'ailleurs par la suite l'avouer à sa femme… Et celle-ci lui demandera de faire au plus vite la séparation d'avec cette Olga !
Au quotidien, le héros écoute les flashs radios - infos/intox des communiqués – (« fallait-il croire le Ministère de l'Intérieur disant que les forces armées avaient pour l'essentiel liquidé les bandes contre-révolutionnaires ? »)
Il lit la presse, et s'informe et rejoint les groupes de jeunes combattants armés.
Les insurgés ouvrent les cellules des prisons et libèrent les innocents prisonniers politiques. le héros y participe et arrivera à libérer son père, dont ensuite il perdra la trace…
Les chars russes stationnent sur les ponts qui enjambent le Danube. Budapest est coupée en deux.
Les AVO (policiers de la Sûreté de l'Etat) qui protègent le Parlement tirent sur la foule venue manifester sur la place, y compris sur des enfants. C'est un véritable carnage qui fera des milliers de blessées et des centaines de morts !
En province aussi il y a de nombreuses émeutes et le sang coule…
Des tracts passaient de main en main, qui appelaient à la grève générale, exigeaient une nouvelle armée révolutionnaire, un gouvernement provisoire, le retrait immédiat du Traité de Varsovie, la liquidation des Services de Sûreté de l'Etat…
Les statues de Staline étaient déboulonnées… Sur les drapeaux hongrois avaient été découpés les symboles communistes (le marteau et la faucille). Les ouvrages idéologiques du Parti, de Lénine, les romans d'auteurs russes, étaient jetés dans les rues et brulés, les portraits du stalinien Matyas Rakosi aussi (séculaire général du Parti communiste hongrois et 1er ministre en 1952/1953).
L'ancien Président, Gerö, était éloigné et c'est Imre Nagy, qui prenait la relève. Lui, c'était un progressiste. Il organise la résistance en Hongrie occidentale.
Imre Nagy veut mettre en place une politique neuve, un socialisme à visage humain, démocratique.
Il appelle au calme (« le nouveau gouvernement aurait beaucoup à faire : satisfaire les revendications démocratiques et nationales de notre jeunesse et du peuple des travailleurs, apporter une solution aux problèmes économiques, l'amélioration du bien-être. Tout cela nécessitait du calme et de l'ordre, pour que parents et enfants, conjoints et amoureux puissent enfin se retrouver, pour que le travail reprenne et que les troupes soviétiques soient retirées de Budapest. »)
Imre Nagy décrète un cessez-le-feu. A partir de là, tous espèrent que le pays va pouvoir devenir une vraie démocratie et que les russes vont repartir chez eux…
C'est d'ailleurs ce qu'annonce Imre Nagy dans son discours officiel au peuple !
Les jours qui suivent, beaucoup sont encore armés, au sein de la population et certains voudraient rendre justice eux-mêmes (règlements de compte personnels, vengeances individuelles, …). le moment est dangereux pour le héros (qui est encore membre du Parti communiste) et pour son père (qui aurait été l'auteur d'exactions dans sa carrière à la gendarmerie).
Un recrutement est organisé, afin de créer une garde nationale avec des participants fiables. le héros, qui bénéficiera de soutiens bienveillants sera d'accord pour en faire partie…
Les AVH (Brigade de Sûreté de l'Etat), au nombre de 600, se sont enfermés au Siège du Parti.
Ils ne reconnaissent ni la dissolution du Parti, ni le nouveau gouvernement.
Ils tirent encore sur la population, alors que la garde nationale est en cours de constitution.
Heureusement bien dirigés et armés puissamment, les combattants de la garde nationale pourront tirer sur le Siège du Parti et débusquer les derniers AVH et les faire prisonniers.
C'est à ce moment que réapparaît le père du héros. Il somme son fils de lui livrer un des prisonniers AVH. Mais son fils refuse. Il ne veut plus se soumettre à l'autorité déplacée de son père.
Le père tire quand même sur le prisonnier qui aurait dû être interrogé. Il l'abat froidement.
Alors le héros tue son père qu'il a toujours trouvé trop injuste et qu'il avait fait souffrir durant toute son enfance (il avait même été fouetté par lui alors qu'il avait déjà 17 ans) !
Le calme était revenu, semblait-il, mais les chars russes qui étaient partis du centre de Budapest « s'étaient simplement terrés tout autour de la ville ».
Et puis, les chars russes réinvestissent Budapest en masse…
A la fin du livre, le héros énonce chronologiquement tous les faits politiques marquants qui se sont succédés depuis 1945 en Hongrie, pour dire que jamais rien ne sera épargné aux hongrois !
Les appels à l'aide à l'Occident, de Imre Nagy (alors Président du Conseil des Ministres de la République Populaire Hongroise) ne servirent à rien. La Hongrie appartenait au bloc de l'Est selon les accords de Yalta et de Téhéran. Aucune nation occidentale n'enverra ses forces dans ce conflit !
Cette répression aura fait 2 800 morts et 12 000 blessés dans les rangs hongrois, et aura provoqué la fuite à l'Ouest de 200 000 hongrois.
Le héros, qui est foncièrement non-violent et qui refuse l'oppression, choisira l'exil (en dernière page du roman, il écrit à sa femme depuis le Mexique).

Je tiens à remercier Sachenka, qui m'avait conseillé cet auteur !
Une très belle lecture instructive, rythmée, où se marient bien les faits historiques et les valeurs du héros : fraternité, goût pour la justice, profond désir de liberté, refus du passé, interrogation face à l'avenir.
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