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Critique de colimasson


Budaï ne représente pas le personnage que l'on peut embobiner facilement. Dans la force de l'âge, rusé et cultivé, il a l'habitude de voyager et sa profession de linguiste l'a habitué à maîtriser plusieurs langues. Mais après s'être endormi dans l'avion qui devait le mener à Helsinki, il débarque dans une ville inconnue, dans un pays qu'il ne connaît pas et dont la population parle un dialecte qu'il n'arrive pas à identifier. L'incompréhension est réciproque et Budaï ne se fait comprendre de personne. Combien de temps peut-on vivre dans toute sa dignité d'être humain lorsque la communication est rendue strictement impossible ? Une société moderne est-elle suffisamment compatissante pour héberger en son sein un individu superflu ?


Cette très bonne situation n'est pas exploitée au mieux de ses potentialités par Ferenc Karinthy. La ville est passée au crible d'une description acérée qui devient rapidement monotone. La situation s'enlise et pour périlleuse qu'elle semble, Budaï et nous-mêmes finissons par nous y engluer dans une douce torpeur. Dans l'approche presque anthropologique de Budaï, les rituels de la population se révèlent saugrenus et rappelleront l'excellent film Steak de Quentin Dupieux lorsque George, après plusieurs années d'internement psychiatrique, doit s'accommoder aux nouvelles règles d'une société qui semble n'en avoir aucune. On peut évoquer notamment cette bête scène de sport où se manifeste là aussi la barbarie culturelle :


« Budaï […] ne comprend rien, il essaye vainement d'observer les mouvements sur le terrain pour en appréhender les règles, il ne peut même pas discerner combien il y a d'équipes. le terrain carré est divisé en champs plus petits par des lignes blanches et rouges, il y a au moins huit ballons que les joueurs actionnent des pieds, des mains, des poings ou de la tête, ils les roulent par terre ou ils les tiennent tout simplement sous le bras, en palabrant entre eux. On ne voit ni buts ni filets, en revanche le terrain est entOuré d'un grillage, tantôt haut, de quatre ou cinq mètres, tantôt il atteint seulement les épaules, or c'est précisément à ces endroits que le jeu paraît le plus vif, les participants s'y agglutinent, formant comme un mur. »


Tout s'accélère dans la dernière partie du livre lorsque Ferenc Karinthy, peut-être pressé d'en finir et de donner une conclusion à cette histoire qui semble ne pouvoir en recevoir aucune, donne une orientation politique aux événements. La parabole est transparente et peu transgressive. Elle se résume aux plus plates interprétations politiques d'un Rhinocéros d'Eugène Ionesco. Dans le contexte et à l'époque de sa publication, cette parabole a sans doute eu plus d'impact qu'aujourd'hui. Les combats n'ont pas changé, mais Epépé apparaît étrangement trop simpliste et s'en tire assez lâchement avec une conclusion décevante.
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