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Pierre Karinthy (Préfacier, etc.)Françoise Vernan (Traducteur)
EAN : 9782878582864
272 pages
Viviane Hamy (03/10/2008)
3.77/5   33 notes
Résumé :

Tout commence à Budapest un matin de mars 1936. Frigyes Karinthy, assis à sa table habituelle au café Central, entend partir des trains. Or il n'y a pas de gare aux environs. Victime d'une tumeur au cerveau, il va tourner vers lui-même l'humour féroce et décapant qui caractérise son oeuvre pour, une fois guéri, écrire ce Voyage autour de mon crâne. Ecrivain, caricaturiste littéraire, philosophe, po... >Voir plus
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AUTOPORTRAIT AU CRÂNE PERCÉ

Fermez les yeux quelques instants et laissez vous embarquer quelques instants. Laissez-vous embringuer plusieurs décennies en arrière, sous les brumes d'un petit pays de cette Mittel Europa dont on ne parle malheureusement guère que pour fustiger son actuel président, autocrate droitier à l'ancienne mode ; cependant, oubliez-le présent, si vous le voulez bien.

Voila... Vous êtes calés ? Gardez les yeux encore fermé quelques instants. Imaginez... Vous êtes en Hongrie, en sa capitale Budapest pour être plus précis. Mieux encore, vous êtes attablés à la terrasse d'un de ses innombrables cafés tellement vivant, et pas des moindres puisqu'il s'agit du Central, où vous avez vos habitudes depuis déjà pas mal de temps ; depuis le début de ce siècle si surprenant, violent et génial à la fois, tandis que vous étiez encore bien jeune et grand admirateur de l'oeuvre du français Jules Verne.
Mais vous avez toutefois un peu vieilli et nous sommes en 1936. Les nazis sont installés au pouvoir dans l'Allemagne proche, vous en avez déjà quelque échos ici (ces imbéciles de l'extrême droite dont il arrive que les têtes mal-pensantes vous égratignent dans leurs torches-cul) mais rien qui puisse laisser présager du pire à venir. Vous préférez vous remémorer tous ces bons moments durant lesquels vous fûtes le centre de toutes les attentions, vous, l'écrivain moitié humoriste, moitié anarchiste, le poète sensible, l'imitateur redoutable et drôle des styles de vos contemporains, le dramaturge à ses heures, n'hésitant pas à vous donner en spectacle au zinc de ce bon vieux central - où dans tout autre grand café de la gentiment, de la loufoquement surréaliste Budapest -, imitant les manies, les gestes de vos semblables célèbres avec art, délectation, dérision et tendresse malgré tout, parce que si vous affirmez que votre plaisir préféré c'est une espèce de jeu de "Je dénonce l'humanité" (titre d'un de vos ouvrages en français), en réalité, en décrivant nos petits et grands travers, vous l'aimez, cette humanité. de toute manière, à l'instar de l'adage, (charité bien ordonnée, etc), vous êtes aussi un franc adepte de l'autodérision. Vous mêmes êtes un peu surréaliste, un peu 'pataphysicien, et c'est très probablement ce qui plait chez autrui.
Tout semble d'ailleurs vous sourire : la reconnaissance de vos pairs et l'engouement d'un large public. Vos amis sont poètes, journalistes, artistes, politiciens, écrivains ; vous êtes même liés avec certains dont l'histoire retiendrons le nom. Vous êtes un sacré personnage avec votre bouille au regard légèrement désabusé de clown triste, votre nez un peu crochu (acéré comme votre plume), vos lèvres charnues et charnelles dénotant un caractère gourmand, et ce visage respirant tout à la fois une certaine dureté, de l'honnêteté et de l'empathie.
Vous êtes donc là, avec le poids de votre vie passée, attablée au Central devant un café chaud, avec vos impératifs du moment, vos petits tracas pécuniaires, vos observations du quotidien... Quand soudain ! Assourdissants, imprévus, impossibles, invisibles, c'est comme si vous étiez au beau milieu d'une gare, que des trains démarraient à un rythme régulier juste à côté de vous, vrombissant de toute leur puissance hydraulique, de toute la force de leurs bielles. Impossible de faire erreur : vous entendez distinctement ce «grincement lent, forcé, comme quand les roues d'une locomotive s'ébranle lentement, puis s'installe dans une trépidation véhémente (...)». Pourtant, ces trains n'existent pas, ne peuvent exister, sinon entre vos deux oreilles, nichés quelque part à l'intérieur du crâne ; ces trains ne sont que fabulation, mais c'est toute votre existence qui va s'en trouver changée...

Vous pouvez rouvrir vos yeux. La suite s'ausculte tout autant qu'elle s'écoute. Et il est préférable d'être assez bien accroché !

Ainsi débute, plus ou moins, ce magnifique roman autobiographique de l'écrivain hongrois aux multiples registres, Frigyes Karinthy. Ce qui aurait pu n'être qu'un simple mirage acoustique lié à de la fatigue, du surmenage, un défaut d'audition ou quoi que ce soit de bénin va, après d'infinis passages devant des amis médecins, des amis médecins de relations personnelles ou professionnelles, des médecins spécialistes et autres neurologues, diagnostics après diagnostics, se révéler être sanctionné d'un mot terrible, l'une des angoisses médicales parmi les pires, parmi les plus incurablement irrémédiables, y compris aujourd'hui : tumeur au cerveau !
Sauf que le malade n'est pas n'importe quel malade. C'est l'un des écrivains les plus en vue de Hongrie, célèbre pour ses textes plein d'humour sur ses contemporains mais aussi sur lui-même. Aussi va-t-il traverser ce qu'il est commun d'appeler "une terrible épreuve" avec l'humour noir et féroce de qui se sait condamné à mort bien qu'en sursit, l'un de ces condamnés ayant refusé toute forme de repli sur soi, de pleurnicheries pathologiques ou de nombrilisme morbide.
Frigyes Karinthy va ainsi réussir à nous faire sourire à travers ce récit d'autant plus poignant qu'il décrit, moment après moment, avec une précision chirurgicale pour filer la métaphore idoine, l'évolution de sa maladie, des premiers symptômes, tels ces bruits de train, les hallucinations, la perte progressive de la vue, de l'équilibre, de l'orientation (ce qui vaut au lecteur une scène aussi tragique qu'irrésistible tandis qu'il tente la traversée d'une rue sans l'aide de son épouse), jusqu'à l'opération à Stockholm par l'un des plus grands spécialistes en chirurgie du cerveau de son temps, un suédois nommé Olivecrona (Herbert) dont ce sera d'ailleurs l'un des plus célèbres patients. Tout, jusqu'à la description terrible, difficile à éprouver, de son opération - pratiquée avec une simple anesthésie locale, ce qui explique qu'il ressent tout, comme par exemple le trépan qui lui découpe l'os crânien, heureusement pour lui, sans la douleur d'un acte si violent ou, peut-être, au delà de toute douleur dicible -.
Les description sont à ce point réalistes et crues que l'on a parfois le sentiment de vivre en direct l'autopsie générale du corps du délit : lui-même, sa tête, son esprit (on hésite à écrire "son âme", mais l'on n'en est bien proche). Et cette bizarre confession, qui emmène le lecteur à la frontière exacte entre vie et mort, ou, pour être plus exact, de ce que la vie peut contenir de mortifère en elle, est comme une sorte de lutte de son esprit sarcastique, narquois, à l'expression toujours juste contre la chose enfouie, grossissante, vampirique qui lui dévore les lobes, essaie de s'emparer de sa conscience, s'acharne à abréger sa présence sur terre, lui donne à contempler encore d'un peu plus près les grandeurs et misères de ses contemporains ou les siennes propres.

A l'exact inverse de la moindre célébration du pathos - une fois seulement, la douleur est à ce point extrême qu'il songe, l'espace de trois petites minutes, à mettre fin à ses jours sous un tram. La seule fois -, sans aucune contemplation gratuite de ce qu'il lui arrive et décrit avec une précision invraisemblable, cet auteur que l'on peut aisément rapprocher d'un Alphonse Allais ou d'un Tristan Bernard pour la verve satyrique et l'acuité intraitable, chez qui viendrait se mêler un peu de l'esprit de Voltaire, parvient à nous faire réfléchir sur la condition d'être humain, par le biais de l'absurde des événements, par la contemplation méthodique de la folie de ces pauvres hères dont son épouse, médecin psychiatre, a la charge ; il nous interroge sur le tragique de nos destins et sur le goût infini de vivre, omniprésents et irrésistiblement liés. Il parvient à nous faire sourire - de ce sourire à la fois complice, tendre et féroce - lorsqu'il décrit avec toute la fantaisie du monde les nouvelles manières d'être en sa présence de ses proches, de ses amis, de ses relations ou du fameux cousin qui s'inquiète de le voir disparaître sans qu'il ait pu lui prêter l'argent déjà promis... C'est ainsi un troublant voyage auquel l'auteur du "Reportage céleste de notre envoyé spécial au paradis" convie son lecteur. On aurait pu s'attendre à une confession indélicate, voyeuse, nombriliste. C'est l'exact contraire qui se produit ce témoignage étant à la fois trop désespéré et trop gai, trop profond et trop léger pour sombrer dans la moindre forme de pathos honteux, alors qu'il n'a de cesse de se moquer de lui-même, y compris et surtout lorsque tout le pousserait à pleurer. Une sorte d'anti auto-fiction bien avant l'heure...

Les dernières pages de ce récit, assez différentes de tonalité du reste de l'ouvrage, sont à relever tant elles sont belles de vérité et d'humilité immodeste. On pourrait presque y découvrir une manière de testament littéraire et existentiel, des mots d'une sincérité aussi crue que poétique qu'il adresse, à travers la distance de son âge, de sa vie à "la petite Nini", la nièce norvego-magyar qu'il rencontre incidemment à l'occasion de ce séjour forcé en Suède. Il s'y voit Robinson parmi les milliers de Robinson du monde, tous sur le même petit îlot, un être qui «n'espère plus grand chose» que profiter encore un peu de ce que la vie lui réserve. Et remercie, dans un geste de générosité pure, gratuite, tous les êtres qui l'aime et qu'il aime. de fait, ce texte bouleversant et singulier sera son ultime roman.

L'homme qui affirmait qu'«en matière d'humour, je ne plaisante jamais» décédera sans blaguer d'une attaque cérébrale (très probablement consécutive à sa maladie) deux petites années plus tard. C'était un jour qu'il randonnait, lui, le voyageur de son crâne, tandis qu'il s'était baissé pour relacer ses chaussures, il ne s'en releva jamais. Ce fut son ultime canular. Il avait cinquante et un an.
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Je ne vais pas être objective en vous parlant de ce livre avec lequel j'ai fait une vraie rencontre – je vais donc placer mes propos sur du ressenti plus que sur de l'analyse (je laisse cette dernière aux "vrais" critiques:p)

Vous ne savez pas qui est Frigyes Karinthy ? Peu importe, la préface vous l'apprendra avec force détails. Un homme de génie, de pastiches, écrivant « à la manière » de ses contemporains, avec élégance, finesse et esprit. Hongrois, décédé en 1938 dans la région féérique du lac Balaton.

Frigyes est un écrivain reconnu du public et de ses pairs, époux et père comblé, entouré de nombreux amis et fréquenteur assidu d'un café de la place de l'université. Il passe dans l'existence comme si rien ne pouvait l'atteindre.

Et, lorsqu'il contemple le malheur de ses congénères, il ne lui vient pas à l'esprit qu'un malheur similaire puisse le frapper lui. Il en est de lui comme de certains de ceux qui sont nés sous une bonne étoile : le talent, l'insolence, la maîtrise. A noter que la deuxième sans le premier ni la troisième serait superbement ridicule.

Cette rêverie du contrôle est telle qu'il expliquera à son fils être persuadé de pouvoir, en se concentrant, déterminer de quelles zones de son cerveau lui viendrait telle et telle idée.

Un jour, attablé dans son café, il entend un grondement de train, ou de machine. Ce qui ne serait pas troublant si, justement, il n'y avait aucun rail aux alentours. L'incident se réitère. Mais Frigyes prête cela à sa petite voix – compagne de ses dialogues intérieurs qu'il avait lorsqu'il était petit.

Et petit à petit les failles vont se multiplier sur le miroir. Décalages de perception. Absences. Hallucinations visuelles et auditives. Frigyes, splendide autruche, se borne à feindre de croire à un malaise passager.

Ce dernier s'aggravant, il consulte sciemment des médecins qui lui diront ce qu'il a envie d'entendre : intoxication à la nicotine, menus troubles physiologiques … Ce refus, ce déni de la maladie est abordé avec une plume vive, drôle et mordante. « L'autruche se défend » est l'un des titres choisis, ce qui illustre bien le recul que peut prendre l'auteur par rapport à son comportement de l'époque.

Malheureusement, le diagnostique tombera tout de même : tumeur cérébrale. Ce qui à l'époque donne très peu de chance de survivre à l'opération. Car opération il doit y avoir.

Frigyes narre avec un humour corrosif ses pairs venus le voir à l'hopital et l'enterrer avant l'heure, ses divagations et ses imprécations à l'encontre de cette machine, ce compagnon de route, qui ne lui obéit plus et lui fausse compagnie.

Et l'opération … Un autre grand moment, avec des descriptions proprement renversantes.

Ce livre est une exploration virtuose des liens entre l'esprit et le corps, l'âme et la machine, lorsque cette dernière décide de ne plus aller où l'âme tente de la guider.
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Dans ce livre l'auteur raconte sa propre expérience de la maladie, une tumeur au cerveau, jusqu'à l'opération réussie en Suède, grâce à une suscription nationale.
D'abord les premiers signes de la maladie : il entend un train qui part, tous les jours à la même heure, quel que soit l'endroit où il se trouve. Puis d'autres hallucinations, maux de têtes, nausées, malaises…Et bien sûr, toutes les fuites pour ne pas avoir de véritable avis médial. Faut dire qu'il est brièvement passé par des études de médecine, et que sa femme est médecin, profitant d'un séjour à Vienne dans une clinique, il lui dissimule tous les symptômes. Continue de vivre comme si de rien n'était jusqu'à ce que la fuite ne soit plus possible. Il raconte ensuite les examens, les traitements, jusqu'à l'opération, pendant laquelle il est conscient. Puis la période du retour à la vie.

Un livre étonnant. Karinthy est écrivain, et même s'il s'agit de parler d'une expérience vécue, il l'aborde avec son métier d'écrivain. Il y a un ton, humoristique certes, drôle parfois, mais c'est un peu le rire du désespoir. La peur de mourir, est là, palpable, même s'il tente avec élégance de ne pas en faire étalage, au contraire, de se concentrer sur des détails, sur des descriptions, et de faire de l'esprit. Cette relation à la maladie, un certain nombre l'ont évoquée, mais Karinthy le fait particulièrement bien, entre humour et angoisse, avec un côté surréaliste et onirique parfois, se faisant le reporter de son voyage en Suède, décrivant avec justesse et dérision le rapport du malade aux médecins, celui du malade aux biens portants, la joie de sortir vivant de l'épreuve.

Un livre étonnant, parlant de choses graves mais avec légèreté et pudeur.
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Je ne connais pas de livre aussi beau, émouvant et intelligent – ou plus exactement de livre qui conjure la mort et conjugue aussi bien la beauté et une sorte d'utilité – que Voyage autour de mon crâne. Nous avons affaire ici à l'autobiographie d'un homme ordinaire, il nous raconte un pan de sa vie qui sort justement de l'ordinaire pour tomber dans quelque chose qu'on pourrait appeler insoutenable : la maladie.

Karinthy, l'auteur de ce Voyage, est un humoriste que tout Budapest célèbre pour ses dons comiques. C'est aussi un paisible père de famille qui, faute de mieux, aime la belle vie. Et pourtant, tout va basculer, un matin, dans la maladie. Elle arrive d'abord doucement pour ensuite accélérer : une tumeur au cerveau.

L'insoutenable est toujours proche, la mort est un horizon qui s'éloigne et se rapproche selon les instants, la situation est grave mais pas désespérée. L'écrivain se voit déplacé de chez lui vers l'hôpital, de l'humanité la plus confondante à l'inhumanité la plus glaciale.

L'histoire telle qu'elle est racontée relève presque du conte de fées ou du roman d'aventure. C'est une sorte de réussite que l'auteur opère sous nos yeux. Arrive d'abord la vérité toute crue, clinique et froide, puis le temps de la dernière chance, tributaire de l'acquisition d'argent pour financer l'opération, ensuite les déceptions, douleurs et infirmités, enfin la libération par le miracle. le trajet d'une vie à une possible mort est passionnant.

J'insiste : le Voyage autour de mon crâne est un livre unique, un petit livre à côté des grands, mais aucun autre n'est à la fois aussi comique et tragique, réel et onirique, mélancolique et positif, d'humeur gaie sombre ou d'humeur égale.
Avant tout, c'est un livre sur l'aventure humaine destiné aux malades comme aux biens portants. La mort, de toute manière, est toujours lointaine.

Marc Gianesinni
Lien : http://www.musanostra.fr
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En 1936, Frigyes Karinthy, écrivain à succès connu pour son humour, figure de Budapest, se découvre atteint de troubles auditifs, puis visuels, de vertiges. Ses connaissances médicales lui font pressentir un verdict qu'il s'échine à ignorer jusqu'à ce que la vérité s'impose en lui avant même tout diagnostic médical : il est atteint d'une tumeur au cerveau. Face à l'incrédulité de son entourage et du corps médical, il doute et espère mais sent bien au fond de lui ce qu'il en est. Dans ce livre il raconte la fois les progrès de la maladie et le combat de son entourage pour le faire opérer et soigner, puis les circonstances de l'intervention chirurgicale, véritable périple à ravers l'Europe, mais aussi et surtout son combat interne pour rester maître de lui même, comment il apprivoise les symptômes pour mieux les ignorer.
C'est à la fois fascinant et très perturbant. Bien qu'ayant des réticences lorsque j'ai découvert le sujet, j'ai été happée par ce récit extrêmement bien écrit, qui nous plonge dans les arcanes de la conscience qu'a l'auteur de lui même. le caractère rétrospectif ne laissait pas de doute sur l'issue de la maladie, mais c'était tout de même éprouvant de voir la santé de l'auteur se dégrader au fil des pages. Aucun misérabilisme pour autant. Frigyes Karinthy raconte cette épreuve comme un morceau de bravoure, faisant preuve presque jusqu'au bout d'une apparente désinvolture, soucieux de conserver une certaine élégance intellectuelle contrastant avec le récit parfois cru des traitements infligés à son corps. C'est à coup sûr un livre marquant. Merci à ma libraire préférée de me l'avoir conseillé.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
C'est l'inclination humaine la plus extraordinaire, la compassion en positif ou en négatif, qui se vautre et fait ripaille, c'est la compassion qui organise les orgies autour de mon lit de malade, entassée dans les fauteuils, sur le divan, installée sur le bord de mon lit. Deux extrêmes se forment : la compassion véhémente, tapageuse, blagueuse, qui cache derrière une moue de supériorité aux lèvres et un geste de mépris la peur panique qui nous saisit tous à proximité de la grande Énigme qui nous guette. Et l'autre, taciturne et sérieuse, la plus courageuse des deux, qui assume la vérité qu'il n'y a pas de compassion sans égoïsme, et que celle-ci nous a été présentée au soir de notre enfance, les jours des premiers dangers, par sa sœur aînée, la peur personnelle de la mort, et que nous connaissons depuis lors.
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C'était comme un rêve, un rêve biblique : je me suis assis, j'ai levé une jambe après l'autre, j'ai posé les pieds par terre. Puis je me suis redressé. C'est le fildefériste qui se lève ainsi, au point culminant de sa production, au milieu de sa corde, en agitant les bras pour garder l'équilibre, au-dessus du Niagara. Ensuite, j'ai fait deux pas, je me suis arrêté, j'ai fait deux autres pas.
- Eh bien, ça va très bien - j'entends la voix d'Olivecrona, naturelle et bienveillante, comme s'il s'agissait d'une banalité ordinaire. Quand souhaitez-vous sortir ?
Le ton raisonnable me ramène à la raison. Je réponds en blaguant, je fais de l'humour noir :
- Demain.
- Comme vous voudrez. Demain matin vous pourrez quitter l'hôpital.
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Mais je l'ai toujours su. Je ne m'attends plus à autre chose depuis que j'ai guéri de l'illusion heureuse et ignorante de la jeunesse que toute notre vie a un sens dans son ensemble, indépendamment de nos jours. Seuls les jours existent. Vingt-quatre heures, or vingt-quatre heures ça peut toujours se supporter s'il le faut. Y compris la dernière, probablement. Il faudra la ranger à sa place, celle-là comme les autres, le moment venu.
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Dans le taxi je bougonne, mécontent : Schwer krank, très malade : ridicule ! Je n'ai même pas encore de diagnostic ! Ça le regarde ? Quand j'aurai un diagnostic, je tâcherai de me comporter comme il faut. Pour le moment, je suis malade, rien d'autre. Le statut de malade en vaut bien un autre, le statut de gentleman par exemple.
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Avez-vous déjà remarqué qu'une ville peut sembler inconnue, étrangère, non seulement quand on la voit pour la première fois, mais aussi quand on la parcours pour la dernière fois, avant un voyage, un exil, pour ne plus jamais y revenir ?
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Vidéo de Frigyes Karinthy
Dans cet épisode, nous vous présentons des livres qui nous ont fait rire. Huit propositions de lectures pour différents âges : de l'humour, fin ou gras, des jeux de mots, de l'absurde, du comique de situation, de la satire sociales... Des livres que nous avons beaucoup aimés, auxquels nous repensons avec le sourire et que nous adorons mettre entre les mains des lecteurs. Une liste à garder précieusement, concoctée par nos libraires Laure, Rozenn, Nolwenn, Jérémy, Nicolas et Adeline !
Voici les livres cités dans cet épisode :
Un ours, un vrai, de Stéphane Servant et Laëtitia le Saux (éd. Didier Jeunesse) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23128786-un-ours-un-vrai-stephane-servant-didier-jeunesse ;
Horace. Tome 1, Cheval de l'Ouest, de Poirier (éd. Revival) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23359947-horace-tome-1-poirier--revival ;
Les Culs-reptiles, de Mahamat-Saleh Haroun (éd. Gallimard/Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22745328-les-culs-reptiles-mahamat-saleh-haroun-folio ;
Admirable, de Sophie Fontanel (éd. Seghers) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22540820-admirable-l-histoire-de-la-derniere-femme-ride--sophie-fontanel-seghers ;
Chroniques du Château faible, de Jean-Christophe Mazurie (éd. Fluide Glacial) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23032241-1-chroniques-du-chateau-faible-tome-01-jean-christophe-mazurie-fluide-glacial ;
Stella et l'Amérique, de Joseph Incardona (éd. Finitude) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23109474-stella-et-l-amerique-joseph-incardona-finitude ;
Le Rire des autres, d'Emma Tholozan (éd. Denoël) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23030426-le-rire-des-autres-emma-tholozan-denoel ;
Roman fleuve, de Philibert Humm (éd. des Équateurs/Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23286751-roman-fleuve-philibert-humm-folio.
Et quelques autres titres qui auraient pu faire partie de cette sélection de livres drôles :
Le Discours, de Fabrice Caro (éd. Gallimard/Folio) ;
Miracle à la tombe aux Aspics, d'Ante Tomi (éd. Libretto) ;
N'essayez jamais d'aider un kangourou !, de Kenneth Cook (éd. Autrement) ;
Je dénonce l'humanité, de Frigyes Karinthy (éd. Viviane Hamy) ;
Le Chien de madame Halberstadt, de Stéphane Carlier (éd. le Tripode) ;
Roulio fauche le poil, de Julia (éd. le Tripode) ;
La Vie est une corvée, de Salomé Lahoche (éd. Superexemplaire) ;
Idées noires, de Franquin (éd. Fluide Glacial) ;
#Les Mémés, de Sylvain Frécon (éd. Fluide Glacial).
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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