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Critique de BlackKat


Ernst Grip ne dort plus. Il est en deuil de son compagnon, Ben. Un an que cela dure et qu'il a repris son travail de garde du corps des princesses…
Sauf quand le « boss », Tor Didricksen, le convoque. Et là, aucune alternative: on obéit toujours à Tor!

Et voici Grip à suer sous la chaleur de Djibouti, à essayer de démêler le vrai du faux dans ce tir assassin sur un soldat suédois, une simple bavure sur un champ de tir d'entraînement, a priori. Se heurter à la version officielle qui arrange tout le monde ne sera pas de tout repos pour Grip.
Et quand un retour au pays se profile, le voilà en contact avec un médiateur trouble dans une affaire d'enlèvement de civils suédois…

Deuxième volet des aventures de Grip, employé des Services Secrets suédois, après Mon nom est N. que j'avais beaucoup aimé pour l'analyse psychologique des personnages.
Si la psychologie n'est pas absente dans du sang sur le sable, ce roman est beaucoup plus nerveux et axé sur l'action.

D'un côté, l'enquête officielle sur la mort d'un soldat suédois, nous révèle l'hypocrisie de l'armée pour qui une version trompeuse des faits est plus avantageuse que la vérité pure. Surtout quand ce meurtre couvre un trafic bien juteux et réel.
Ici, il s'agit de l'armée, mais ce genre de décision et de conduite de groupe vaut pour toute grande société… ou même petite.
Les compromissions et les libertés prises pour garder son intérêt et son image en poupe sont légion et l'auteur se fait un plaisir de dénoncer l'éthique élastique de l'être humain.

En Afrique plane sans cesse le spectre de la colonisation et de l'influence, voire de l'ingérence, trouble et tant officielle qu'officieuse des anciennes puissances colonisatrices, des services qu'elles se rendent entre elles au nez et à la barbe des locaux, ou avec leur complicité.
Les ravages du khat, drogue largement consommée par tous, la piraterie moderne, la présence de terroristes de tout bord et les investissements frauduleux extérieurs sont le terreau idéal d'une jungle inextricable mis en scène par Robert Karjel.

C'est ainsi que j'ai beaucoup aimé les passages de conversation avec Judy Drexler, officiellement coordinatrice consulaire américaine et officieusement… allez savoir!
Leurs échanges nous ouvrent la porte de l'atmosphère nébuleuse des rapports internationaux dans la traque des terroristes, du financement d'informateurs aux activités pas très morales, de la corruption des pouvoirs locaux.
La présence importante et active des armées, françaises et américaines notamment, et de sa cohorte de diplomates sont des éléments incontournables pour notre enquêteur suédois!
Le jeu des influences et des intérêts propre à la géo-politique est toujours un sujet passionnant! On y perdrait ses petits tant le discours officiel des nations cache de manigances en coulisses. Passionnant et effrayant car on ne sait plus où se situe la morale, la droiture et la justice.

Grip est plongé dans une enquête chaotique et ne sait lui-même pas où il va. Il tâtonne, avance puis recule, fonce ou se terre dans son hôtel, se permet de plus en plus de libertés avec la Loi. le danger ne vient pas seulement de l'extérieur mais aussi de l'intérieur.
La lecture est sous tension permanente avec cet électron libre qui ne semble pas du tout contrôler le cours des événements ni même ses propres actions. Et pour cause, les règles en Afrique ne sont pas établies pour être respectées!

L'auteur est un ancien militaire et, à ce titre, est très bien renseigné sur le théâtre africain et le fonctionnement des systèmes étatiques. Mais loin de se cantonner aux sujets qu'il maîtrise de part son passé professionnel, l'auteur a l'ambition de partager aussi des portraits personnels intéressants.

C'est ainsi que le sujet du deuil est très finement analysé avec les doutes, les zones d'ombre et l'isolement de Grip, qui peine à retrouver une place dans sa propre existence, qui n'a pas seulement perdu un compagnon mais aussi un pan de sa vie sociale et de lui-même.

Avec l'enlèvement des Bergenskjöld, c'est les relations familiales qui sont à l'honneur. Les rapports de force devant l'adversité se profilent entre un chef de famille charismatique qui s'effondre, et une singulière critique du monde capitaliste totalement déconnecté des notions de respect, honneur et courage, et une femme qui est avant tout une mère qui saura constamment mener sa barque, mais pas sans en payer le prix.

Ces deux enquêtes sont liées par cet étrange médiateur qu'on ne peut totalement détester pour sa cupidité. Son parcours est dévoilé dans le dernier tiers du roman et aborde le sujet sensible des réfugiés en terre étrangère, de l'exode de certains esprits faibles attirés par les flammes « glorieuses » du jihad et qui déchantent très vite, de la difficulté de s'insérer dans une société et un système qui restent, malgré tous les grands discours de modernité, très hermétique.

En conclusion, je dirais qu'avec le personnage de Grip, Robert Karjel a créé une ambiance complexe très addictive et riche. Les limites et les frontières sont sans cesse remises en question et Grip n'est pas un monolithe aussi froid et méthodique que la 4ème de couv' le suggère!
À découvrir donc, si ce n'est déjà fait!
Lien : http://livrenvieblackkatsblo..
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