Rebecca du ruisseau ensoleillé

Ce classique de la littérature jeunesse publié en 1903 , a été le compagnon maintes fois parcouru de mes lectures d'enfance. Sa relecture en VO en a été grandement facilitée étant donné l'afflux de souvenirs qui s'y attachent (je crois que je le connaissais par coeur!)

Rebecca est une fillette de 10 ans, seconde d'une fratrie nombreuse, élevée difficilement d par une mère seule et dépassée par la lourdeur de la tâche et la faiblesse des revenus de la ferme. Rebecca est donc confiée à deux soeurs de sa mère, vivement chichement à quelques dizaines de kilomètres de la maison familiale. L'acclimatation est rude pour la fillette éveillée et pleine d'imagination, d'autant que les tantes auraient souhaité accueillir sa soeur aînée, plus conventionnelle, plus policée et beaucoup moins extravagante
La nature positive de l'enfant la préserve d'une mise aux normes drastiques d'autant que son charme opère auprès de son entourage : l'institutrice du village perçoit les capacités créatrices de l'enfant et contribue à les canaliser pour mieux les développer. Vient le temps des études au lycée, dans des conditions difficiles compte tenu du manque de moyens financiers. Heureusement le génie de la lampe veille sur cette perle rare et Adam Ladd qui s'est vu vendre une caisse de savons au cours de l'une des entreprises philanthropiques de Rébécca attend patiemment : "heureux d'avoir rencontré l'enfant, fier de connaître la jeune fille, impatient de découvrir la femme"

Bien entendu je ne peux être réellement objective concernant ce roman étant donné les kilos de madeleines proustiennes qu'il sous-tend, mais néanmoins il me semble avoir assez peu vieilli et me paraît une excellente évocation de la vie ordinaire dans une petite bourgade du Massachusetts au début du siècle dernier. L'enfant est d'emblée attachante par son originalité et son charme, que les tentatives de normalisation de ses tantes aigries n'entameront pas! Certes il en émane un certain manichéisme de bon aloi, mais malgré tout un peu d'humanité assortie de circonstances atténuantes diminuent la lourdeur des charges retenues contre celles qui tiennent le rôle des méchants.
L'écriture est loin d'être mièvre et contribue à l'agrément de la lecture. J'aimerais savoir comment il peut être perçu à notre époque

Ce roman m'a fait beaucoup penser à Anne... La maison aux pignons verts. Comme dans l'histoire écrite par Lucy Maud Montgomery, on suit une petite fille qui débarque dans une nouvelle ville et une nouvelle vie. Bien qu'elle ne soit pas orpheline, Rebecca doit aller vivre chez ses deux tantes célibataires afin de soulager sa mère et de recevoir une bonne éducation. Ayant grandi librement comme une fleur sauvage, elle a un peu de mal à s'adapter aux principes rigides de sa tante Miranda. Rebecca est aussi un caractère entier et généreux, ce qui va l'entraîner dans bien des aventures.

Bien qu'il soit un classique de la littérature jeunesse américaine, ce roman n'est pas très connu en France. Il n'est plus édité depuis les années 1960 et n'est pas non plus disponible dans une version libre de droits en français sur Internet. Je l'ai découvert en apprenant que le film "Rebecca of Sunnybrook farm" avec Shirley Temple était une adaptation (très libre) de ce roman. C'était une lecture agréable mais je pense qu'elle sera moins marquante pour moi que celle de la maison aux pignons verts. le fait de l'avoir découvert dans une version audio anglophone a sans doute compliqué mon immersion dans ce texte. La "dramatic version" proposée sur Librivox combine différentes voix pour les différents personnages mais, selon la qualité de l'enregistrement ou l'accent du donneur de voix, cela peut rendre la compréhension un peu compliquée.

Rebecca est un personnage sympathique et original quoique moins atypique qu'Anne Shirley. Cette lecture m'a fait particulièrement songer combien les femmes étaient limitées dans leurs perspectives d'avenir à l'époque (début du XXe siècle). Bien qu'elle soit intelligente et talentueuse, Rebecca pourra beaucoup plus difficilement qu'un garçon faire une carrière en rapport avec ses dons. Et si elle se marie, ce sera la fin de cette possible carrière. Cela dit, nous ne saurons pas ce que Rebecca devient à l'âge adulte car le roman se termine un peu en queue de poisson, nous laissant avec des questions non résolues. Kate Douglas Wiggin a également écrit les "New chronicles of Rebecca" mais il s'agit de petites histoires qui s'insèrent entre les épisodes de "Rebecca of Sunnybrook farm".

C'est une lecture que je recommande aux fans d'Anne Shirley et à tous les amateurs de littérature jeunesse un peu ancienne en général.

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