AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Françoise Pellan (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070413072
370 pages
Gallimard (15/12/2002)
3.97/5   150 notes
Résumé :
Une somptueuse garden party se prépare. Toute la famille Sheridan est mobilisée : la jeune Laura, dont les regards sont attirés par les ouvriers ; sa soeur Jose, qui répète au piano ; et bien sûr leur mère, qui a commandé des brassées de fleurs. Cette joyeuse agitation est soudain ternie : leur voisin, un pauvre charretier, a été trouvé mort sur le chemin… Faut-il annuler les réjouissances ?
« Tendresse, humour un peu meurtri, sensibilité toujours fraîche qui... >Voir plus
Que lire après La Garden-Party et autres nouvellesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
3,97

sur 150 notes
5
9 avis
4
7 avis
3
7 avis
2
1 avis
1
0 avis
La nouvelle est un genre littéraire très à part. Il faut beaucoup de talent pour, en quelques pages, mettre en place les personnages, une intrigue, un dénouement, et embarquer dans tout cela ses lecteurs. Et on dit que personne n'était plus doué pour cela que Katherine Mansfield, cette douce néo-zélandaise morte à 38 ans, et la seule personne au monde dont les talents littéraires inspirèrent de la jalousie à Virginia Woolf.

Et il faut reconnaitre son incroyable talent pour nous jeter dans la peau d'une personne précise, en un instant précis ; nous faire ressentir intensément les émotions qui l'animent – et parfois la broient -puis nous planter là avec la frustration de l'abandon, et pourtant un sentiment d'accomplissement, car dans cette vie un noeud du destin vient brutalement de se nouer ou de se dénouer. Chacun de ces courts récits est comme la mince corolle d'un verre à vin qu'une main enserre fermement et serre fort, de plus en fort jusqu'à ce que… Mais les mots s'arrêtent à chaque fois à cet instant précis, laissant à notre esprit imaginer, en une fraction de seconde semblant durer cent ans, l'éclatement de fragments de verres, la main tailladée, le vin mêlé de sang inondant le sol...

Les récits se placent en majorité dans la bonne société anglaise de l'entre-deux-guerres, mais aussi parmi des personnes très modestes, et plusieurs sont également consacrés à des domestiques – et ce sont probablement les plus poignants. Symboliquement, la nouvelle qui donne son nom au recueil attaque d'ailleurs frontalement la question des frontières entre classes sociales. Faut-il annuler la garden-party, renvoyer les musiciens, décommander les invités et gâcher le buffer du traiteur, tout cela parce que, de l'autre côté de la rue, dans les petites maisons si laides et si salles, un malheureux s'est fracassé la tête en tombant de sa charrette et qu'il laisse une veuve et six orphelins ? le simple fait que l'une des organisatrices se pose la question parait incongru à tout le reste de sa famille.

Une extraordinaire empathie émane de chacun de ses textes, révélant une personne dont les qualités humaines devaient être immenses. On aurait voulu l'avoir comme amie. Et on voudrait que Katherine Mansfield soit lue dans les lycées.
Commenter  J’apprécie          361
La force des nouvelles de Katherine Mansfield, c'est qu'en quelques lignes elles renferment tout un univers. "Il n'y a pas d'histoire ", disent certains, "il ne s'y passe rien." Mais les héroïnes y tiennent tout l'univers réfracté dans le miroir minuscule qu'elles tiennent à la main, ou à portée de vue : un banc public, une salle de bal, une cabine de bateau contiennent en germe tous les développements d'une vie future, toute la rémanence d'un passé lointain, toute la fausse douceur d'une société sans merci. Il faut prêter une extrême attention au texte (et au génie de sa traductrice, Marthe Duproix) : chaque terme y est déposé comme par magie, juste où il faut, pour vibrer et s'assembler aux autres, comme sur une toile impressionniste les couleurs se correspondent et créent un ensemble unique de valeurs et de beauté.
C'est sensible, très fort, très précis, chirurgical, mais le scalpel ne se voit pas, le scalpel est un pinceau, une gouge.
On comprend, à la lecture de ces nouvelles, la raison de l'antagonisme amical de leur auteure avec une autre grande contemporaine, Virginia Woolf : elles étaient deux grandes scluptrices de mots et d'instants.
Commenter  J’apprécie          323
Katherine Mansfield, c'est une plume à la fois très classique et très sobre au service d'une écriture délicate, minutieuse, tout en finesse pour nous plonger dans une tranche de vie en apparence quelconque. Elle révèle derrière le quotidien le plus banal tout ce qu'il y a de noirceur, de violence, de tristesse ou de regrets. Elle met en avant les échecs amoureux, les occasions ratées, les vies gâchées. de ce point de vue il y a un petit quelque chose De Maupassant. Elle arrive à saisir en quelques lignes l'essentiel d'une atmosphère, le contexte d'un événement. Il y a quelque chose d'impressionniste dans sa façon de dépeindre les états d'âme de ses personnages. Bref, j'adore son écriture. Par contre il y a peu d'actions dans ses nouvelles et très rarement une chute au sens habituel du terme.
Quelques mots sur chacune des nouvelles du recueil :
Sur la baie : une tranche de vie d'une famille plutôt aisée
La garden-party : la préparation d'une garden party dans une famille riche et la découverte du monde extérieur, de la différence sociale et de l'injustice par la plus jeune des soeurs que la mort d'un pauvre voisin émeut alors que tout le reste de sa famille ne pense qu'à la fête.
Les filles de feu le colonel : le colonel est mort, ses deux filles qui ont vécu comme enfermées sous une cloche de verre, sont à un moment où la possibilité d'un changement est possible...
Monsieur et Madame Colombe : un amoureux est éconduit
Jeune fille : un récit assez mystérieux avec un narrateur anonyme
Vie de Maman Parker : la plus poignante des nouvelles du recueil
Mariage à la mode : une tranche de vie qui met en avant la distance qui s'est installée dans un couple
Le voyage : le point de vue d'une fillette (l'auteur elle-même probablement) sur un voyage qui va l'éloigner pour longtemps de sa famille
Miss Brille : la sortie hebdomadaire d'une vieille dame
Son premier bal : le premier bal d'une jeune fille de la bonne société, avec toutes ses émotions, de l'enthousiasme aux petites angoisses.
La leçon de chant : une vieille fille professeur de chant dont le cours se ressent des états d'âme fugitifs qui suivent les changements de temps et les messages de son amoureux
L'étranger : l'histoire des retrouvailles d'un couple après une longue séparation . Lui, très fusionnel, aimerait tout connaître de son épouse, ne faire qu'un avec elle. Elle semble l'aimer mais d'une autre manière,en gardant une part de secret.
Jour férié : une journée banale de fête genre fête foraine
Une famille idéale : le retour à la maison d'un grand-père qui travaille encore, pour les autres sa famille est la famille idéale, mais en réalité sa seule satisfaction est son entreprise qui disparaîtra sans doute avec lui car son fils est un incapable
La femme de chambre : le dévouement indéfectible d'une domestique pour sa maîtresse jusqu'au sacrifice
Commenter  J’apprécie          220
Publié en 1922, ce recueil de nouvelles de la Néo-Zélandaise Katherine Mansfield est un petit bijou de grâce et de subtilité.
Une baignade dans l’océan, une promenade dominicale, un voyage en bateau, des retrouvailles après une longue absence… autant dire que chez cet auteur, les arguments sont plutôt minces. Ses personnages vivent des choses simples, banales, parfois cocasses, souvent dérisoires, et tout cela est raconté avec les mots de tous les jours, sans jamais hausser le ton.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, la banalité n’est ici qu’un vernis, une manière de dire des choses graves sans en avoir l’air, presque en s’excusant. C’est que, comme chez Tchékhov, dont l’influence sur Katherine Mansfield est manifeste, une indéfinissable nostalgie se dégage de ces pages : celle des occasions manquées, des amours avortées, des vies gâchées, comme celle de cet homme qui s’aperçoit, trop tard, qu’il a passé « toutes les meilleures années de sa vie assis sur un tabouret, de neuf heures à cinq, à gribouiller le registre de quelqu’un d’autre. »
Un très beau livre, donc, à la fois triste et souriant, léger et profond, d’un auteur dont la grande Virginia Woolf écrivait dans son journal : « Je ne voulais pas me l'avouer, mais j'étais jalouse de son écriture, la seule écriture dont j'ai jamais été jalouse. Elle avait la vibration. » Cela donne une idée du niveau de ces textes.
Commenter  J’apprécie          246
Comme on déguste des petites douceurs avec une tasse de thé, j'ai savouré ce recueil de nouvelles de Katherine Mansfield

12 courtes histoires (sauf pour La Baie qui comporte une centaine de pages) tellement pleines d'émotion, de sentiments mais aussi des témoignages sur la vie, les pensées de familles aisées, frivoles :

. La garden-party,  La baie,  Son premier bal 

ou de petites gens :

. La femme de chambre, La vie de la mère Parker

ou sur le couple 

. La leçon de chant, La jeune fille, Mariage à la mode, le voyage, Miss Brill, Mr et Mme Colombe

mais aussi la mort 

. Les filles de feu le colonel, La vie de la mère Parker (sûrement ma préférée, la plus touchante et la plus sensible)

J'aime la littérature anglaise par la minutie de l'écriture, son raffinement, sa façon de mettre en place décor et personnages avec parfois une note d'humour (anglais bien sûr) et la présence de la nature :

Quant aux roses, elles comprenaient, à n'en pas douter que les roses sont les seules fleurs qui impressionnent les gens dans une garden-party, les seules que tout le monde soit sûr de reconnaître. Des centaines, oui, littéralement des centaines de boutons s'étaient ouverts en une seule nuit ; les buissons verts s'inclinaient très bas comme s'ils avaient été visités par des archanges (p103)
L'auteure a connu très tôt des soucis de santé (tuberculose) et est décédée à 34 ans mais aussi une vie sentimentale assez mouvementée. Une urgence de vivre mais aussi d'écrire de courts textes ne se sentant pas la force physique d'écrire un roman. On ressent le travail de recherche du mot exact, de l'observation de moments de vie autour d'elle, imaginant le destin de personnes de son entourage, de scènes de rue ou de campagne. 

C'est une écriture féminine, délicate comme on un nuage de lait dans une tasse de thé. Tout est dit en parfois 4/5 pages, une tranche de vie, un instantané à travers les yeux d'une écrivaine de grand talent.
http://mumudanslebocage.wordpress.com
Lien : http://mumudanslebocage.word..
Commenter  J’apprécie          250

Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
La marée était basse : la plage était déserte : paresseusement clapotait le flot tiède. Le soleil frappait, frappait ardent, flamboyant, à coups répétés, le sable fin ; il cuisait les galets gris, les galets bleus, les galets noirs, les galets veinés de blanc. Il aspirait la petite goutte d'eau qui gisait au creux des coquillages arrondis ; il pâlissait les liserons roses qui faisait courir leur feston à travers le sable des dunes. Rien ne semblait bouger que les petites sauterelles. Pitt-pitt-pitt ! elles ne restaient jamais tranquilles. Là-bas, sur les rochers revêtus d'algues, qui, à marée basse, ressemblaient à des des bêtes au long poil descendues au bord de l'eau pour boire, le soleil paraissait tournoyer comme une pièce d'or qui serait tombée dans chacune des petites vasques du rocher. Elles dansaient, elles frissonnaient ; des ondulations minuscules venaient laver les bords poreux. Si on regardait en bas, si on se penchait sur lui, chaque bassin était comme un lac aux rives duquel se pressaient des maisons bleues et roses ; et, oh ! quel vaste pays montagneux par-delà ces maisons ! quels vastes ravins, quelles gorges, quelles dangereuses criques, quels sentiers effroyables conduisant au bord de l'eau ! Sous sa surface ondulait la forêt marine: arbres roses pareils à des fils, anémones veloutées, algues tachetées de fruits orangés. Parfois, une pierre au fond bougeait, oscillait et un noir tentacule se laissait entrevoir ; parfois, une créature effilée passait sinueuse, et disparaissait. Il arrivait quelque chose aux arbres roses et mobiles ; ils changeaient, devenaient d'un bleu froid de clair de lune. Et maintenant, on entendait le plop plus léger. Que faisait ce bruit ? Que se passait-il là-dessous ? Et comme les algues au brûlant soleil avaient une odeur forte et mouillée !... (Sur la baie, in La Garden party)
Commenter  J’apprécie          110
Malgré tout, ses sanglots et balbutiements traduisent son sentiment de la beauté poignante que la vie doit à son ambivalence même. A un jeune écrivain qui l'interrogeait sur la signification de sa nouvelle, Katherine Mansfield répondit quelques mois avant sa mort: "[...] ce que j'ai essayé de rendre dans "La garden-party": la diversité de la vie, et comment nous essayons de tout faire tenir ensemble, y compris la mort. C'est déroutant pour quelqu'un de l'âge de Laura. Il lui semble que cela devrait se passer autrement. D'abord une chose, puis une autre. Mais la vie n'est pas ainsi. Elle ne s'ordonne pas selon notre bon plaisir. Laura dit: 'Mais toutes ces choses ne devraient pas arriver en même temps.' Et la vie répond: 'Pourquoi pas ? Comment les séparer ?' Et c'est bien ainsi que cela se passe, c'est inéluctable. Et il y a, me semble-t-il, une certaine beauté dans cette inéluctabilité."

[p21 Folio bilingue]
Commenter  J’apprécie          110
— Pourquoi oncle William a-t-il été obligé de mourir ? Il n'était pas vieux.
Madame Fairfield commença à compter les mailles par trois.
— C'est arrivé comme ça, dit-elle, d'un ton absorbé.
— Est-ce que tout le monde est obligé de mourir ? demanda Kézia.
— Tout le monde !
— Moi aussi ?
La voix de Kézia avait un accent de terrible incrédulité.
— Quelque jour, ma chérie.
— Mais, grand-maman...
Kézia agita sa jambe gauche et remua les orteils. Elle y sentait du sable.
— Et si je ne veux pas, moi ?
La vieille femme soupira de nouveau et tira un long fil de la pelote.
— On ne nous consulte pas, Kézia, dit-elle tristement. Ca nous arrive à tous, tôt ou tard.
Kézia demeura immobile, réfléchissant à ces choses. Elle n'avait pas envie de mourir. Mourir signifiait qu'il faudrait partir d'ici, tout quitter pour toujours, quitter... quitter sa grand-maman. Elle roula vivement sur elle-même.
— Grand-maman, dit-elle d'une voix surprise et émue.
— Quoi, mon petit chat ?
— Il ne faut pas que tu meures, toi.
Kézia parlait avec décision.
— Ah ! Kézia – sa grand-maman leva les yeux, sourit, hocha la tête – ne parlons pas de cela.
— Mais il ne faut pas. Tu ne pourrais pas me quitter. Tu ne pourrais pas ne pas être là...
Ça, c'était terrible.
— Promets-moi que tu ne feras pas ça, jamais, grand-maman, supplia Kézia.
La vieille femme continua à tricoter.
— Promets-le-moi : Dis jamais !
Mais sa grand-maman restait toujours muette.

(Sur la baie)
Commenter  J’apprécie          60
”Je trouve parfaitement idiot, parfaitement abominable d’être obligé d’aller au bureau lundi; je l’ai toujours pensé et je le penserai toujours. Passer toutes les plus belles années de sa vie assis sur un tabouret de neuf heures à cinq heures, à griffonner dans le livre de comptes de quelqu’un d’autre ! C’est une drôle de façon de profiter de...de sa seule et unique vie, non ? Ou ne suis-je qu’un pauvre rêveur ? ”
La baie.
Commenter  J’apprécie          150
Quant aux roses, elles comprenaient, à n'en pas douter que les roses sont les seules fleurs qui impressionnent les gens dans une garden-party, les seules que tout le monde soit sûr de reconnaître. Des centaines, oui, littéralement des centaines de boutons s'étaient ouverts en une seule nuit ; les buissons verts s'inclinaient très bas comme s'ils avaient été visités par des archanges (p103)
Commenter  J’apprécie          130

Videos de Katherine Mansfield (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Katherine Mansfield
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : « Je ne parle pas français », in Katherine Mansfield, félicité, traduit de l'anglais par J.-G. Delamain, préface de Louis Gillet, Paris, Stock, 1932, p. 57.
autres livres classés : littérature néo-zélandaiseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (471) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11033 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..