Lettre d'acandidatures

L'auteur commence par une mise en garde : « Lettres dérisoires, méchantes et de mauvaise foi ».
Vous voilà prévenu ! Si vous êtes demandeur d'emploi, évitez de prendre ces lettres-ci comme modèles, sauf si vous tenez vraiment à poursuivre une carrière de chômeur.

Christophe Kauffman fait dans le politiquement (in)correct au risque de choquer ceux qui ne savent pas rigoler de tout. D'aucuns trouveront que mêler la religion à ses diatribes, en la personne de Dieu ou du pape, ou Sa Majesté le Roi, mériterait les affres de l'Enfer. Pourtant, je suis sûr qu'il aimerait bien partager un ver avec vous comme il le propose si gentiment à Madame la Mort, seule proposition d'emploi qu'il ne peut refuser parmi toutes celles évoquées dans son ouvrage, car voilà une employeuse qui doit plaire à ses employés puisqu'aucun ne la quitte alors que les contrats avec cette patronne sont à durée (très) illimitée. Seul problème, si certains collègues de travail seront agréables à fréquenter, Brassens, Brel, Ferré, il y en a d'autres que l'on aimerait autant éviter : Adolf, Joseph le PPdP (Petit Père des Peuples) et quelques autres du même acabit.
« Mais qu'est-ce donc qu'une lettre d'Acandidature ? » me demanderez-vous avec vos yeux en points d'interrogation et la bouche en cul de poule. C'est une lettre de candidature qui répond à une offre d'emploi qu'on ne vous adresse pas, pour dire que vous n'êtes pas candidat. le « a » est une sorte de « a privatif » que l'on peut interpréter éventuellement comme « anti », ce qui nous donne quelque chose comme « anti-candidature ».
En lisant « Lettres d'acandidature », j'avais l'impression d'entendre Daniel Morin sur une matinale de France Inter. Les jeux de mots sont omniprésents de même qu'un (ir)respect tellement bien tourné avec des phrases élégantes et bien pensées qu'on aurait du mal à le reprocher à cet humoriste de grand talent. Attention, les catégories suivantes pourraient se sentir vexées des lettres d'acandidatures : gérant de grande surface ; sélectionneur de chanteurs pour l'Eurovision ; directrice d'école maternelle ; sales manager de vendeurs de porte-à-porte ; bourgmestre ; roi des Belges ; entraîneur de footballeurs ; directeur des postes ; directeur de prison ; dirigeants des Communautés européennes ; président du concours Miss Belgique ; directeur des ressources humaines ; ministre ; membre du Concile qui élit le Pape ; directeur des transports en commun, etc.
Christophe Keuffman est suicidaire puisqu'il n'hésite pas à se mettre à dos une bonne partie de la population du pays (et du Paradis, encore que celui-ci n'existant pas, le risque est minime).
Si vous en avez l'occasion, et que l'humour irrévérencieux ne vous gêne pas, procurez-vous ce recueil de « poésie » anarchique.

Je dois avouer que le titre m'a beaucoup amusée. J'ai eu hâte de lire ces fameuses lettres pour me faire une idée. Des courriers forts, très humoristiques. J'imagine la tête des employés des Ressources Humaines qui les liront. S'interrogeant sur la réception de ce courrier particulier, inattendu, de la part de personnes qu'ils n'ont jamais sollicité. Je les imagine faisant circuler ces courriers entre deux éclats de rire. Pourquoi pas?

Normalement, toute personne sensée ne postule qu'à un poste qui l'intéresse ou qui lui est proposé. Dès ce moment, la lettre de motivation et le curriculum vitae sont envoyés. Pour l'auteur, ce n'est pas le cas. Il prend un grand plaisir, et nous aussi, à répondre à des offres d'emplois qui ne lui sont pas proposées. Pour refuser d'y postuler. C'est hilarant. C'est fort et très osé. D'une parfaite mauvaise foi. Il interpelle les responsables des différentes sociétés ou des différents services. Il les met face à l'incongruité des postes proposés. Il expose les points négatifs de ces postes et termine toujours ses courriers de manière fortement discourtoise.

Ce recueil de courriers de non motivation frise l'absurdité. Il est à la limite du psychologiquement incorrect. Ce qui en fait tout l'humour. Il est d'une incorrection hilarante. L'écriture est claire. Concise. Directe. Nous nous délectons des mots. Des lettres. Des choix de métiers qui n'en sont pas forcément. Nous avons une forte pensée pour certains qui pratiquent ces métiers dont l'auteur parle avec un certain réalisme en en dépeignant le côté absurde. Nous nous régalons de cette ode à l'absurdité. A la mauvaise foi. Un vrai bonheur.

La lettre d'acandidature est une lettre faite pour "ne pas postuler à un emploi qu'on ne vous a jamais proposé." Ce sont vingt-neuf lettres pour vingt-neuf postes aussi variés que footballeur, Miss Belgique, pape ou carrément Dieu en passant par chauffeur de bus, roi des Belges ou gagnant de l'Eurovision... qui nous sont présentées dans cet ouvrage qui, dès son titre à rallonge, fait référence à l'une des oeuvres de Pierre Desproges (Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien-nantis) et qui continue dans les textes l'inspiration desprogienne au risque parfois d'en faire trop dans les tournures et les thèmes choisis (cf. la haine de Desproges pour les coiffeurs, ces "merlans embagousés", détestation reprise par C. Kauffman, qui en se référant à sa photo et son crâne un peu plus capillairement vide que le mien, ne doit pas les fréquenter beaucoup).

C'est souvent drôle, toujours de mauvaise foi assumée voire méchant. Mais c'est aussi souvent frappé au coin du bon sens comme disait je-ne-sais-plus-qui. Disons que dans l'outrance et l'irrévérence, Christophe Kauffman met le doigt là où ça gène. Sur les conditions de travail des boulots mal considérés -ça c'est pour ne pas dire boulots à la con- donc mal payés et dont à propos desquels il s'est pourtant dit lors des confinements qu'ils étaient utiles voire indispensables avant d'oublier aussitôt ce qu'il s'était dit dont à propos d'iceux. Sur les dépenses des collectivités, sur l'insécurité de certains jobs, sur leur inutilité voire leur nuisance -et là, je ne parle pas forcément du pape, bande de mécréants, ni du roi des Belges, bandes de révolutionnaires, mais davantage des vendeurs au porte-à-porte.

C'est aussi parfois un peu long ou répétitif s'il nous prend l'idée farfelue de lire ce livre d'un bloc, il vaut mieux donc piocher une ou deux chroniques, puis laisser reposer, et reprendre tranquillement une ou deux autres chroniques et ainsi de suite jusqu'à épuisement du stock et non pas du lecteur, qui épuisé, ne le sera point.
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