AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782847421705
286 pages
Le Passage (25/08/2011)
3.5/5   9 notes
Résumé :
Il y a une Bugatti qui file en 1924 dans la plaine d’Alsace, un homme trahi et un bébé abandonné.
Une voyante bulgare qui tire des cartes singulières, une femme mélancolique effaçant les lignes droites ; d’abjects coups de téléphone. Il y a un petit garçon qui invente des jouets, deux scientifiques dans un laboratoire surchauffé, des espoirs ravivés et des secrets inavouables. Dix-sept enfants noirs sur une plage de Zanzibar, des vagues qui se brisent, des am... >Voir plus
Que lire après Grand huitVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Isabelle Kauffmann grand huit- le Passage ( 187 pages, 18€)

Isabelle Kauffmann situe son récit en Alsace, le 8 avril 1924, date où le destin de Kitz bascule. Pourquoi s'embarrasser de ce bébé, qu'il nomme David, trouvé au bord d'une route? L'auteure focalise notre attention sur ce duo : Kitz et David « son protégé », « l'enfant providence » qui l'a sauvé de son « rendez-vous avec la mort ». Elle souligne leur lien fusionnel naissant et leur dépendance. « Rien ne vaut l'arrivée d'un enfant pour dynamiser une entreprise », précise le narrateur, constatant la reprise de l'affaire familiale. Une lettre d'Odile (Me Kitz) en provenance de Zanzibar apporte un éclairage sur leur situation conjugale. La trahison d'un ami est dévoilée.

Un coup de théâtre va mettre Kitz dans tous ses états: le rapt de David.
Voici Kitz et le lecteur plongés dans un double mystère: celui de la disparition et de la voix qui le harcèle et réclame son dû. Comment rembourser huit années volées?

Face à une telle énigme, vu la rançon réclamée, Kitz n'hésite pas à exploiter les deux pistes à sa portée: celle des deux scientifiques et celle de la cartomancienne bulgare.
Comme pour des séances de psychanalyste, Kitz dévoile son passé, remonte le cours de ses souvenirs, confie des lettres à décrypter et les jouets de David.
Tout aussi étranges, ces appels de David , qui se veut confiant en l' avenir. N'est-ce-pas rassurant pour Kitz de constater que cette séparation n'entrave pas son esprit de créativité, inouï pour son âge? David, ce génie précoce conservera-t-il des séquelles de cette carence affective?

Le récit oscille d'un personnage à l'autre. Des digressions nous révèlent la vie secrète des deux savants. En parallèle, à Zanzibar, son île refuge, Odile nous plonge dans son univers poétique ( avec ses odes, des escales lénifiantes) et sensuel au contact du « frôlement lascif des vagues ». Son passé amoureux défile. On croise le fantôme d'Octave qu'elle a aimé intensément, mais cet émule de Rimbaud s'est évanoui. Sa proximité avec Jak devint ambiguë. Que signifie ce doux baiser déposé sur les lèvres « de l'homme enfant » pendant son sommeil?
le suspense est relancé avec la révélation de l'existence du jumeau Marcel.
La restitution de David est sans cesse remise en question? Un enfer pour Kitz.
Sera -t-il capable de payer sa dette?
Va-t-il retrouver « son garde-fou indéfectible » et ce bonheur filial d'antan?


Isabelle Kauffmann excelle à créer des atmosphères.
Tout d'abord, celle d'un huis clos dans la bibliothèque « spacieuse » « surprenante oasis » et le laboratoire des chercheurs: ambiance déboussolante pour Kitz.
Toute aussi intimidant, le cadre où Me Gigov le soumet à ses incantations, ses rituels.
Kitz est comme envoûté par « l'illumination insolite » du salon et « la martenitsa ».
Les bouges où Claudia se perd ont quelque chose de louche.
Quant au final sur la fête foraine, l'étourdissement et l'éblouissement saisissent les protagonistes tout comme Gilpertz est happé par la foule dans la gare de Colmar.

Isabelle Kauffmann maitrise aussi l'art de la narration. Elle dévoile toujours les indices en différé , laissant un temps le lecteur dans l'expectative. Elle sait distiller la peur, l'angoisse. La tension est à son paroxysme quand la vie de David tient à un fil.
Son style est caractérisé par une pléthore d'énumérations (la ribambelle de nourrices) et de verbes, imprimant un rythme. Tout comme les arabesques et les sinuosités.
Les couleurs tranchent avec les intérieurs saturés de pénombre. Tous nos sens sont sollicités: odeurs de « praline, de beignets », parfum de pomme verte, mélange d'encaustique...; «  mille sons se superposent » (le souvenir d'un concert , « volutes de la mélodie hispanique », « vrombissement des machines » «ritournelle d'une boîte à musique »),saveurs des berlingots : « une myriade de tonalités ».
Si « la nature ne manque pas d'humour»,Isabelle Kauffmann sait en user quand elle montre le tout jeune père adoptif, un tantinet gauche pour le rhabillage du bébé.
Ne le compare-t-elle pas au boucher emballant avec délicatesse un rôti?

L'auteure explore la fuite du temps: « un véritable trésor » certes pour la jeunesse, mais « qui nous glisse entre les doigts », « cruel, impitoyable », ne manquant pas de faire référence à Wells. le temps réel et le temps ressenti sont irréconciliables.
Elle dissèque la difficulté du passage de l'enfance à l'âge adulte,incarnée par Jak dont le désir s'est cristallisé sur Odile, qu'il rêve d'épouser, occultant leur différence d'âges.
N'est-ce-pas le temps «  le coupable » pour Octave quand il confie dans sa lettre d'adieu à Odile: « Vous ne pouvez pas rajeunir et je ne peux pas vieillir »?
Le lecteur peut en déduire le message suivant : à savoir qu'il est vain de se retourner sur son passé puisqu'on ne peut pas revenir en arrière. Par contre on peut évoluer , façonner le présent , savourer l'instant comme contempler « le ciel ou la mer ».


Isabelle Kauffmann signe un second roman dense, déstabilisant, complexe, traversé par de nombreuses théories scientifiques parfois déroutantes ( celles d'Einstein, de Langevin,le paradoxe des jumeaux). Autour de Kitz, évolue une multitude de personnages, dont l'auteure brosse des portraits ( physiques et psychologiques) très fouillés et évocateurs. Par exemple , «cette voyante fantoche » aux « pommettes écarlates, sous les gros traits de khôl » fait penser à un modèle de van Dongen. Octave arbore la pose de Rimbaud peint par Fantin-Latour. Odile incarne la liberté de Delacroix ou « la mia musa » pour Orazio.
La romancière nous offre des pages empreintes de poésie, d'émotion ( à la lecture des lettres) et de mystère, vu la double vie de certains protagonistes (Le cérémonial de Claudius se travestissant chaque soir).


Si «  le temps raccourcit quand on s'amuse et s'allonge quand on s'ennuie », ce roman, qui enchaîne rebondissements et coups de théâtre, tient en haleine jusqu'au bout. Isabelle Kauffmann réussit à maintenir son lecteur dans les rets de son imagination débridée,et brille par sa façon de relancer le suspense.
Commenter  J’apprécie          50
Une fois n'est pas coutume, je tiens à mettre en avant cette quatrième de couverture remarquablement bien écrite. Elle contient juste assez de mystères, de poésie, de beauté pour rendre hommage au texte et nous incite brillamment à nous plonger dans l'univers de l'auteur. du grand art...



- La poésie est dans le style mais aussi dans l'intrigue, dans les personnages...



« Elle flageole, tombe à genoux, puis chavirant dans le silence minéral de grains de sable, s'évanouit sur le flanc de cette île soumise et rebelle à la fois, cette île qui lui ressemble tant. » (p. 197)



- Enfin un roman de la rentrée littéraire que j'ai trouvé original ! L'auteur ne parle ni de son grand-père, ni de sa mère, ni de sa famille, mais INVENTE une histoire en s'appuyant sur des découvertes scientifiques et fait preuve d'une réelle innovation. Comme pour Gilpertz qui souhaite inventer "un calendrier gaufré qu'on grignoterait chaque jour d'une case. La pâte serait parfumée et colorée selon le mois concerné, jouant sur les ambiances et les arômes de saison. Friandise ludique et surtout incitation à l'observance quotidienne d'un traitement, les malades dont les remèdes seraient enfouis dans la gaufre ne présenteraient plus aucune réticence ni rechute imprévue. » parce que sa femme est internée en clinique psychatrique suite à l'oubli de son traitement.



Un roman que je vous conseille vivement...



« le fait est que nous sommes capables de mener à terme des démonstrations scientifiques et de résoudre des problèmes relatifs à de nombreux systèmes spatiotemporels. Mais en ce qui concerne notre propre personne, nous sommes face à un univers ténébreux dont nous ne maîtrisons aucune dimension. L'infini est en nous, Claudius. » (p. 143)





Ce que j'ai moins aimé :



- La fin m'a un peu déçue, un peu trop simple et rationnelle à mon goût.


Lien : http://lecturissime.over-blo..
Commenter  J’apprécie          30
Quel étrange petit livre.
Beaucoup de fantaisie se mêle à la physique et à la poésie.
Un fils est dérobé à son père. Effondré celui-ci fait appel à deux savants, aussi frappa-dingue l'un que l'autre. S'en mêlent une voyante, un jumeau monstrueux, une femme adultère vivant aux antipodes parmi une tripotée d'enfants abandonnés... le tout nous mène par le bout du nez sur ces quelques pages rocambolesques.
Une jolie échappée dans le surréalisme. L'histoire aurait commencé par un lapin blanc en retard et une chute dans un terrier que ça ne m'aurait pas surprise...
Commenter  J’apprécie          30
Les années 20. Kitz est au volant de sa Bugatti. Il fonce. Il fuit. L'homme trahi roule vers il ne sait quel avenir. Allongée sur la route, une femme, sans vie. Dans ses bras, un nouveau-né. Ni une ni deux, Kitz ne se pose pas plus de questions. L'avenir est là devant lui. Il prend l'enfant qui devient dès lors son fils, David.
Les années passent, la vie semble couler enfin paisiblement. Kitz a repris les reines de son entreprise de jouets, et David a déjà des inventions plein sa besace. Huit ans se sont écoulés quand Kitz reçoit des nouvelles de son ex-femme, Odile. Elle lui réclame leurs années de vie commune, 8 années pour commencer.

Le roman bascule ici dans un mélange de science-fiction, de réflexion scientifique burlesque, tout en gardant toujours un pied sur terre, quelque part. Pensant d'abord à une blague douteuse, d'autres événements vont conduire Kitz à devoir honorer sa dette. Mais comment ? Comment peut-on rembourser du temps ? A l'aide d'une voyante bulgare et de deux physiciens, il va tenter de dompter ce qui ne semble pourtant pas très maniable.

Les chapitres courts alternent et entremêlent les voix des personnages. le voyage dans le temps est un prétexte. Il s'agit avant tout d'histoires de vies, de questionnements, de philosophie. Isabelle Kauffmann réussi le tour de force de faire tout cela sans chichis ni mièvrerie. C'est mélancolique et drôle, intelligent et débridé, ça sort totalement des rails et ça fait bien plaisir !

Entre la machine à explorer le temps, Retour vers le futur, et les bouquins de Daniel Pennac.

Gros coup de coeur qui ne peut que m'inviter à aller découvrir le premier bouquin de l'auteure !
Lien : http://www.casentlebook.blog..
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Mme Gigov traîne les pieds. Ses genoux gonflent quand les cafards se reproduisent. C'est la saison des amours. Elle le sent. En général, il y en a pour trois, quatre semaines. Le seul remède efficace est de frotter les articulations avec des épluchures de navets ronds. Les navets longs sont sans inteéêt. Les ronds ont l'avantage, si l'on s'y prend correctement, de former de larges pelures hélicoïdales que l'on peut enrouler autour de la zone douloureuse.
Lorsqu'elle ouvre la porte, elle découvre un homme ravagé. Sans un mot, elle le fait entrer et l'emmène jusqu'au salon. Il se laisse tomber sur une chaise, elle s'installe sur le divan. Le divan. Le meuble unique de tous les voyages, de tous les exils, emballé, emporté à chaque déménagement. Même si le velours cramoisi est râpé par endroits, sa valeur est inestimable : Frédéric Chopin y a dormi. Une nuit. Ou plutôt quelques heures. En tout cas, il est certain qu'il s'est assis dessus.
Mme Gigov sort le petit jeu de cartes de sa poche puisse baisse les paupières. En quelques secondes, l'angoisse de Kitz l'a pénétrée.
Commenter  J’apprécie          20
Mais très vite, les courbes de leur apprentissage se gravent dans leur cerveau vierge de toute connaissance, ce langage leur devient familier et la distorsion qu'il inflige à leur nouvelle vie coupée de toute réalité rectiligne les entraîne dans une spirale en perpétuelle révolution.
Commenter  J’apprécie          00
.... il existe plusieurs temps. Celui que tu comptes sur une montre, un calendrier, et un autre que tu perçois à travers tes émotions.
Commenter  J’apprécie          10
Ce n'est pas si difficile de sortir de l'ombre, il suffit d'en décider, de maintenir l'allure, et surtout de ne pas reculer.
Commenter  J’apprécie          00
La Terre ne représente-t-elle pas un gigantesque manège lumineux de vie, éclairé par le Soleil ?
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Isabelle Kauffmann (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Isabelle Kauffmann
Isabelle Kauffmann - Les corps fragiles .Isabelle Kauffmann vous présente son ouvrage "Les corps fragiles" aux éditions le Passage. Rentrée littéraire 2016. Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/75175/isabelle-kauffmann-les-corps-fragiles Notes de Musique : Time Passing By by Audionautix . Free Music Archive. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
+ Lire la suite
autres livres classés : tempsVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (15) Voir plus



Quiz Voir plus

Famille je vous [h]aime

Complétez le titre du roman de Roy Lewis : Pourquoi j'ai mangé mon _ _ _

chien
père
papy
bébé

10 questions
1429 lecteurs ont répondu
Thèmes : enfants , familles , familleCréer un quiz sur ce livre

{* *}