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Critique de brumaire


J'ai aimé le dernier livre de Jean-Paul Kauffmann. L'embarras à écrire une critique un tant soit peu intelligente sur le sujet n'en est que plus certain. Dans quelle case déposer ce livre ? Reportage ? Histoire napoléonienne ? Voyage ? essai moral et politique ? la requête est vaine ; ce livre n'entre pas dans une catégorie spécifique, comme son auteur . le journaliste Kauffmann est frère des Tesson, Rolin,Chatwin,Lacarrière, leur propos n'est pas uniquement d'étonner le pékin avec des enfilades de kilomètres parcourus comme un peu les Poussin l'avaient fait dans Africa Trek (au demeurant extraordinaire odyssée), leur propos c'est aussi de convoquer l'histoire. Géographie ET histoire, le couple infernal qu'affectionne Regis Debray pour expliquer le monde. Et aussi littérature. Car Kauffmann comme les autres est cultivé. Sylvain Tesson nous abreuve du journal de Jünger et Jean-Paul Kauffmann est un exégète du Colonel Chabert. N'y voyez aucune malice ; c'est bien l'ancien colonel de cavalerie présumé mort à Eylau , le héros De Balzac qui va servir de fil rouge à ce livre.
Tout commence en février ...1807. Eylau une bataille, un carnage ; victoire pour les français mais aussi revendiquée comme telle par les russes. En 2007 pour les commémorations de la bataille Jean-Paul Kauffmann et sa famille rejoignent Kaliningrad distante de quarante kilomètres du champ de bataille. Kaliningrad c'est l'ancienne Koeningsberg, la ville prussienne de Kant annexée par les russes en 1945. Staline a expulsé les allemands et les a remplacé par une population majoritairement slave. C'est l'outre-mer de la Russie sauf qu'ici ce qui sépare l'enclave (l'oblast) de la mère- patrie c'est de la terre. Enclavée entre la Lituanie et la Pologne ce ne peut-être qu'un territoire outre-terre. Et nous voilà revenu au colonel Chabert, revenu lui aussi d'outre-terre pour demander des comptes neuf ans après. Et pendant que nous y sommes l'auteur ne serait-il pas lui aussi revenu d'un "outre-terre" ? car la blessure est là, toujours présente : les trois ans de captivité passées au Liban dans les années 1980.
Vous avez compris que ce livre est à lire sur plusieurs niveaux. Les quêtes de Jean-Paul sont à la fois historiques et tout à fait personnelles. D'où aussi un aspect rhapsodique dans la succession des chapitres. D'une savante digression sur la cavalerie napoléonienne on passe à un séjour à La Bastide-Murat (village natal de Murat), puis a une relation aigre-douce avec un "fâcheux" : un français qui a fait le voyage pour les commémorations . Tout cela soupoudré de considérations bienvenues sur la ville de Kaliningrad. Et toujours comme leitmotiv le colonel Chabert, le tableau de Jean-Baptiste Gros (Napoléon 1er sur le champ de bataille d'Eylau-Le Louvre) dont Kauffmann a scruté chaque détail, et aussi ce foutu clocher qu'on voit dans le tableau et dans lequel l'auteur aimerait tant monter pour embrasser tout le champ de bataille. Et dans lequel il ne montera pas. L'église luthérienne désaffectée qui le porte est une enclave privée. Elle fait partie d'un conglomérat qui fabrique des vitrines réfrigérées. Ainsi se termine abruptement (il nous en a tellement parlé de ce clocher qu'on pense qu'il va y a aller malgré les gardes et l'aspect vétuste ! ), un des meilleurs livres lus depuis un semestre.
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