L'alliance du mal

Vivre en couple était pour lui synonyme de frustrations, de privation de liberté. Il avait vécu un cuisant échec amoureux et une rupture difficile, avant de le connaître. Tommy l’avait vaguement compris. La belle affaire ! Ça arrivait à tout le monde. Il suffisait de se secouer un peu et de mordre dans la vie à pleines dents pour rencontrer rapidement quelqu’un d’autre. Mais Andrew s’était replié sur lui-même. Il vivait retranché et s’était fabriqué un carcan qui dissimulait ses émotions. Même à son meilleur ami, il ne se livrait qu’au compte-gouttes, avec prudence.

Il essaya de deviner son âge. Mais c’était difficile, avec les putes qui fumaient du crack. Quand ce n’était pas la drogue qui les abîmait, leur hygiène de vie déplorable s’en chargeait. Il se dit qu’elle aurait pu être jolie, si seulement elle s’était arrangée un peu. Il décida qu’elle devait avoir dans les vingt-cinq, vingt-six ans. Ça ne figurait pas sur son casier judiciaire… Max se demanda si elle-même se souvenait de sa date de naissance.

Depuis que Nora l’avait quitté, il savait que la création littéraire était incompatible avec une vie à deux. Être sans cesse obligé de faire des concessions, se culpabiliser quand on n’y parvenait pas, être dérangé dans son travail par quelqu’un qui a sans cesse quelque chose à vous dire, avoir droit à une scène si l’on décide de s’isoler une semaine ou deux pour décrocher… Tout cela était insupportable. Il préférait, de très loin, la solitude.

Elle bomba fièrement le torse. Parfaitement ! Elle n’était plus aux ordres ! Autrefois, jamais elle n’aurait osé se rebeller contre lui. Mais, à présent, c’était différent. Jared comprendrait bientôt qu’elle n’était plus une petite fille qui obéit au doigt et à l’œil, mais une femme, avec un enfant à élever. Jared, lui, vivait toujours dans le passé. Il était même retourné habiter chez sa mère, en sortant de prison.

Il aurait préféré un bureau plus grand, mais cette vue magnifique en imposait, et l’immeuble était le plus prisé et le plus chic du centre-ville. C’était un peu trop cher pour lui, mais le sacrifice valait le coup. Il ressentait une sensation de pouvoir à contempler de si haut ses concitoyens. Il avait travaillé dur pour conquérir leur admiration. Il n’allait pas se laisser démolir, si près du but.