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Sylvie Regnault-Gatier (Traducteur)
EAN : 9782253046738
157 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.89/5   229 notes
Résumé :
" La plupart des professionnels du Go aiment aussi d'autres jeux, mais la passion du Maître présentait un caractère particulier : l'incapacité de jouer tranquillement, en laissant les choses suivre leur cours. Sa patience, son endurance s'avéraient infinies. Il jouait jour et nuit, pris par une obsession qui devenait troublante. Il s'agissait peut-être moins de dissiper des idées noires ou de charmer son ennui que d'une sorte d'abandon total au démon du jeu. "
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Dans une auberge de la campagne japonaise, un terrible duel est sur le point de commencer. D'un côté, maitre Shusai, 65 ans, vieux et à la santé fragile, mais possédant encore pleinement ses capacités intellectuelles, au sommet de son art. de l'autre côté, Otaké, 30 ans, jeune et impétueux mais une des rares personnes qu'on croit capable d'opposer une véritable résistance au maitre. À travers eux se joue également le choc des générations. La vieillesse, attachée aux traditions, et la jeunesse, ambitieuse, qui croit que son temps est venu… Et, entre les deux, ce jeu de go. Je connais à peine ce jeu et je le regrette. Ça ne m'a pas empêché de comprendre l'histoire mais assuréement des enjeux liés à la partie m'ont échappé.

L'auteur Yasunari Kawabata a choisi de raconter ce duel à travers les yeux d'Uragami. C'est un journaliste. S'il se débrouille correctement au jeu de go, il n'est pas un joueur professionnel. Donc, s'il est capable d'analyser quelques coups et d'en comprendre la portée, son attention est ailleurs. Chez les joueur, surtout. Il étudie avec attention les réactions de chacun, les signes de faiblesse chez l'un, les mouvements passés presque inaperçus chez l'autre. Il s'entretien même avec eux pendant les pauses, se risquant à une partie d'échec ou de mahjong. Ce point de vue extérieur au jeu, un peu détaché, nous fait réellement comprendre que le jeu de go n'est que le prétexte. L'important, ce sont les joueurs.

Pour le Maître, le jeu de go est art, presque un rituel. Il joue avec méticulosité et patience, médite son coup. Pendant cette méditation, il est absorbé, songeur, à un point tel qu'il accable d'ennui son opposant. Otaké, le représentant de la jeunesse, joue pour gagner. Il joue avec rapiditié et nerf. Deux conceptions complètement différentes du jeu. Et sans doute de la vie, également, et de la direction que devrait prendre le Japon en 1941. Laissons tomber les traditions et fonçons tête première dans la modernité !

Mais le Maître se sent mal, plusieurs suggèrent qu'on annule le tournoi. Shusai refuse, il souhaite continuer jusqu'au bout, même s'il faut espacer les rencontres au point de les étaler (et de l'épuiser) sur plusieurs mois. Peut-être sent-il la fin approcher et désire-t-il terminer en grand ? C'est un peu triste. Uragami est témoin de cette tragédie dont beaucoup se souviendront par la suite.

Pour résumer, le maitre ou le tournoi de go, c'est à la fois un affrontement, une analyse psychologique et le portrait d'une nation à un moment charnière. le tout dans un décor poétique, écrit par un prix Nobel à la plume sensible, lente et délicate mais également ferme. Je ne me lasse pas du style de Kawabata. Si vous ne le connaissez pas, vous devez absolument le découvrir.
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En 1938, Shusai, le ''Maître invincible'', met son titre en jeu pour la dernière fois. Il a 65 ans, son corps le lâche mais sa capacité à s'immerger totalement dans une partie de go reste intacte. En face de lui, Otaké, 30 ans, a durement combattu contre ses concurrents pour avoir l'honneur d'affronter le Maître. La partie durera 6 mois, interrompue par les ennuis de santé du Maître. Uragami, journaliste, est envoyé par sa rédaction pour suivre ce combat historique entre celui qui incarne la tradition ancestrale du go et le représentant de la jeune garde.


KAWABATA qui, pour les besoins du roman, devient Uragami, n'en demeure pas moins le témoin privilégié de ce mémorable tournoi de go. Et, comme il pratique le jeu sans être un expert, il s'est plutôt attaché à décrire la personnalité des protagonistes et les enjeux de cet affrontement.
La bataille du go est aussi une bataille d'ego. La Maître, sage et discret en apparence, entend tout de même faire savoir que son grand âge et son statut lui donnent des prérogatives et se laisse parfois aller à une forme d'autorité que le jeune Otaké a souvent du mal à tolérer. Il est certes respectueux mais veut aussi que l'on suive les règles et chaque entorse dictée par son adversaire donne lieu à de longues négociations. Otaké menace d'abandonner, on négocie, on le raisonne, il cède, conscient de sa position délicate. Peut-il être celui qui aura empêché le Maître d'aller jusqu'au bout de son tournoi d'adieu ? Soumis au jugement de ses pairs, il se doit de continuer même si affronter un homme vieillissant et diminué le met dans une situation ambiguë. Qu'il perde ou qu'il gagne, on discutera sans fin sur l'issue de la partie.
Rendant compte des tensions, des enjeux, le journaliste se veut impartial mais ne peut empêcher de laisser transparaître son respect et sa tendresse pour le Maître, l'homme du passé, le garant d'un go qui tient plus de l'art que du jeu, un combattant prêt à laisser ses dernières forces, sa vie même, dans cette ultime partie.
Derrière le silence de la concentration, derrière le calme apparent, derrière les visages impénétrables, c'est une guerre qui est déclarée et on en connaît l'issue. le Maître va s'éteindre et, avec lui, une page se tourne sur le Japon ancestral et traditionnel.
Entre lenteur poétique et tension palpable, ce petit roman va bien au-delà du jeu proprement dit, même si les parties sont très détaillées, pour cueillir aussi bien ceux qui sont au fait de la stratégie du go, que ceux qui n'y connaissent rien.
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Dès la première phrase, le lecteur apprend qu'au matin du 18 janvier 1940 mourait le Maître de Go Shusai, vingt et unième de la dynastie des Honimbo. Deux ans auparavant, un grand quotidien de Tokyo avait confié au narrateur le soin de suivre son dernier tournoi. La partie commença le 26 juin 1938 dans un restaurant de la capitale et se termina le 4 décembre de la même année dans une auberge d'Ito. Cette ultime partie dura donc six mois, interrompus pendant trois mois en raison de l'hospitalisation du Maître. Sa maladie rendit le tournoi pathétique et lui coûta la vie.
Kawabata a réellement tenu une chronique de cette partie pour un journal. Mais le livre va bien au-delà du reportage et ne sortit qu'en 1952. Il est d'une richesse extraordinaire.

Le Go est un jeu de plateau qui simule un affrontement militaire. le but du jeu est d'envahir le camp de son adversaire. le Maître a les pions blancs et son adversaire les noirs. Pour le Maître (dans les yeux du reporter M.Uragami) c'est une lutte à mort à l'intérieur de lui-même. Une lutte contre le Temps. le Maître est tellement concentré dans sa partie, qu'il est hors du monde dans ce vide qui rappelle celui du Nô. le jeu de Go comme le Nô est très codifié, très ritualisé, très dramatique en lui-même et tout est bien expliqué. On comprend aussi que la situation critique du Maître appelle de nouvelles règles, des changements de lieu,« des coups scellés » qui permettent d'interrompre la partie pendant des semaines. Pendant ces journées de congé, les joueurs, leurs disciples, les arbitres et les journalistes aiment jouer à d'autres jeux comme les Echecs orientaux, le billard ou le Mahjong. Il y a aussi une scène intéressante dans laquelle le narrateur fait une partie de Go avec un Américain plutôt très dilettante dans un train. Et il médite sur l'approche différente du jeu par l'étranger. On imagine que les joueurs refont inlassablement la partie, envisagent les nouveaux coups, révisent leur stratégie.
Et puis soudain les coups s'accélèrent.

Le Maître représente bien sûr la tradition aristocratique et son adversaire Otaké, la jeune garde moderniste. le Maître trouve normal d'avoir des prérogatives et en profite largement en demandant des modifications des règles ou des ajournements. le jeune et impétueux Otaké voudrait être traité à égalité mais il est également très soucieux de son image. Il se trouve face à un dilemme en jouant contre le Maître plus âgé dont la santé est défaillante. D'un côté, il doit être respectueux et compréhensif, mais d'un autre côté, il a également des droits garantis par les conditions du tournoi, et il trouve injuste que le Maître continue d'attendre que les conditions du tournoi soient modifiées pour sa convenance personnelle. Et cela ressemble à une situation sans issue : s'il gagne la partie, on dira qu'il a cruellement battu un vieil homme malade et s'il perd, on dira qu'il a pathétiquement sombré face à un vieil homme malade. le narrateur s'attarde davantage sur le Maître. Il observe l'avancée inexorable de la vieillesse et de la maladie sur son visage, au sourcil près et puis son difficile combat pour n'en rien laisser paraître. Sa concentration est impressionnante. Son immobilité, son élégance.
Avec beaucoup de subtilité et par petites touches blanches, Kawabata rend hommage à sa dignité et à son art.
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Fichtre ! Je m'aperçois que je n'ai encore pas rédigé de critique d'un livre de Kawabata. Mes lectures de cet auteur ne sont pas récentes hélas. Je mélange un peu tout. Des paysages de neige, des relations humaines à peines effleurées à Izu, des agissements parfois peu avouables pour de belles endormies, la peur de la mort pour un vieillard au son du grondement d'une montagne… Mais l'intrigue dont je me souviens le plus reste celle, finalement assez simple du « Maître ou le tournoi de go ». J'ai eu l'occasion, à la fin des années 80 de voir une mise en scène théâtrale à Paris où Michel Bouquet interprétait le rôle principal du maître. Ce qui a ravivé mes souvenirs, ma lecture de ce roman étant antérieure. de plus, je pratique un peu le Go. Entre notre jeu d'échec et de dames, l'échiquier du Go, appelé goban, peut être considéré comme la représentation du monde sur lequel on déplace des pions. Les choix de jeu représentent donc nos choix de vie. Encercler l'adversaire pour lui prendre le plus de territoire possible. Kawabata en fait donc une allégorie. Une lutte à mort ! Un vieux maître quasiment mourant, représentant le monde « d'avant » joue contre un jeune loup incarnant le monde « nouveau ». Cette partie s'étalera sur plusieurs années si mes souvenirs sont bons, jusqu'à la mort du vieux maître. Comme toujours, chez Kawabata, c'est ce qui est « dit » entre les mots qui est important. Les relations ne sont jamais franches. Les non-dits sont d'une importance capitale. Un frémissement peut générer un cataclysme. Il faut savoir adhérer à une lenteur absolument nécessaire et s'imprégner de l'atmosphère, de l'ambiance.
Je me donne envie de relire ce roman !
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Drame en 130 coups, sous la lumière ondulante du soleil d'automne sur la fleur du jardin.
La tension lancinante et mélancolique saisit le lecteur par tous les sens dans ce court roman, tant son esprit est dirigé dans de nombreuses directions : sur les traits du vieux maître qui joue là sa dernière partie avant de tirer sa révérence dans le déshonneur avec la noblesse qui lui sied; sur son jeune adversaire vindicatif et pourtant tout aussi mis à mal physiquement que le Meiji par l'âpreté du combat; sur les réactions des spectateurs de ce tournoi historique signant la disparition d'une certaine idée du Japon; sur la nature fluctuante et limpide, si subtilement amenée dans le récit qu'elle semble être un acteur du jeu; sur le damier enfin, reproduit régulièrement au fil des pages pour marquer l'avancement de la partie, et sur lequel on arrive à percevoir, même sans connaissance du jeu de go, les ressorts de la tragédie humaine en cours et même une certaine forme de cosmogonie universelle à travers l'agencement des pions blancs et noirs.
Un récit fascinant, tout en retenue et amertume.
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
L'éventail serré dans le poing, le Maître se leva ; il empruntait tout naturellement l'attitude d'un samouraï qui saisit sa dague. Il s'assit devant le damier, les doigts de la main gauche glissés dans le hakama, la jupe de cérémonie, l'autre un peu fermée. Il leva la tête, le regard droit. Otaké prit place en face de lui. Après s'être incliné devant son adversaire, il saisit le bol rempli de pions noirs sur le damier pour le poser à sa droite. Il salua pour la seconde fois puis, immobile, ferma les yeux.
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Aucune autre nation n'a peut-être créé de jeu qui soit aussi intellectuel que le go, ou que les échecs à l'orientale. On ne pourrait sans doute envisager, nulle part ailleurs au monde, un tournoi qui dure quatre-vingts heures, étalées sur trois mois. Le go, comme la cérémonie du thé, comme le No, se serait-il enfoncé de plus en plus loin dans les replis profonds de la tradition japonaise?
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Une insomnie ne paraissait pas un motif tout à fait suffisant pour remettre une séance. L'étiquette du Go veut d'ailleurs qu'un joueur respecte ses engagements, quand bien même son père se trouverait à l'article de la mort, quand bien même il serait, lui, à la limite de ses forces.
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Le Maître, pendant son dernier tournoi, ne fut-il pas victime d'un certain rationalisme moderne attaché à des prescriptions tatillonnes mais ignorant tout de l'esthétique du Go ? d'un rationalisme ignorant le respect dû aux anciens, les égards que se doivent les hommes ? De la voie de Go, la beauté du Japon, de l'Orient a fui. Seules y règnent la science et la loi. L'avancement de dan en dan, déterminant dans la vie du joueur, devient un système pointilleux de comptabilité. Désormais, on ne lutte que pour vaincre, sans respecter de marge où revive la grâce du Go considéré comme un des beaux-arts. Les gens de notre temps veulent mener le combat dans des conditions de justice abstraite, même pour défier le Maître en personne.
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Le Maître ne se laissa sans doute pas attirer dans ce tournoi par la seule puissance d'un grand quotidien ni par l'importance du cachet, mais aussi par le souci réel de son art. La combativité l'animait sans conteste. Il ne se serait probablement pas embarqué dans cette affaire s'il avait envisagé de perdre et l'on aurait dit que sa vie s'était achevée sur la chute de sa couronne d'invincibilité. Il avait suivi son extraordinaire destin jusqu'au bout. Peut-on suggérer que, pour le mieux suivre, il s'était lui-même floué ?
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Vidéo de Yasunari Kawabata
Extrait du livre audio "Les Belles Endormies" de Yasunari Kawabata lu par Dominique Sanda. Parution CD et numérique le 10 août 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/les-belles-endormies-9791035404031/
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