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Critique de Osmanthe


Dans ce roman nous suivons la destinée de Kikuji Mitani, trentenaire célibataire aisé dont les parents sont morts aujourd'hui. Il ne sait pas trop quoi faire de sa vie, pris dans les errements de la modernisation à l'oeuvre de la société japonaise et la nostalgie des rites anciens.

Kikuji est marqué à jamais par l'image d'horribles taches brunes vues sur la poitrine de Chikako Kurimoto, qui fut brièvement l'une des maîtresses de son père défunt, celui-ci ayant davantage aimé sa rivale Mme Ota.

Kikuji est attaché au rituel de la cérémonie du thé, et va retrouver régulièrement ces deux femmes ayant connu son père…Chikako est intrusive, sans-gêne, jalouse et méchante, et va s'atteler, comme pour se venger de son père, à pourrir dans une sorte de fausse amitié vénéneuse la vie sentimentale de Kikuji. Celui-ci ne va pas manquer, comme autrefois son père, de tomber sous le charme de la douce Mme Ota. Mais c'est sans compter la présence au cours d'une cérémonie du thé, de la toute jeune et jolie Yukiko Inamura, comme sortie d'un rêve et tout auréolée de son furoshiki (carré d'étoffe) de soie rose aux motifs d'oiseaux blancs, ainsi que de la très discrète fille de Mme Ota, Fumiko, qui ressemble trop à sa mère pour ne pas générer quelque émoi chez Kikuji…

Comme souvent dans les grands romans classiques japonais, Kawabata nous offre un jeu très psychologique où le héros masculin est le jouet de femmes tantôt perverses et diaboliques, tantôt fragiles, mystérieuses, évanescentes.
L'atmosphère est ici pesante, on sent que des drames vont survenir d'une situation dès le départ malsaine…Kikuji revit les mêmes émois avec les femmes qui ont marqué son père, comme une sorte de fatalité, de destin presque héréditaire et quelque peu vicieux.

Le rythme est lent, l'histoire semble peu riche en évènements, on pourra trouver que l'auteur fait des montagnes de choses sans grand intérêt pour construire ses dialogues et les relations entre ses personnages…Pourtant cela fonctionne, dès lors qu'on fait l'effort de se projeter dans la psychologie et les traditions nippones…On est frappé en particulier par le rôle central de la cérémonie du thé et des objets qui y sont attachés comme les tasses, présentées comme de véritables objets d'art, et qui véhiculent en permanence les souvenirs, transmettent les sentiments de génération en génération, suscitant l'imagination et les émotions des personnages.

Malgré une réserve sur la fin semi-ouverte pas assez soignée à mon goût, j'ai trouvé là un beau roman, pas ennuyant, tant le plaisir de goûter le style d'une grande élégance classique et poétique a été puissant. C'est un formidable vecteur pour nous faire partager l'art et l'expérience sensorielle de la cérémonie du thé, les émotions qui animent les personnages, et donner une forte acuité aux images qui frappent l'imagination du lecteur (les taches de Chikako, les objets précieux, la tenue vestimentaire et les accessoires de Yukiko...).

Un agréable moment de lecture à déguster comme un thé vert précieux du Japon.
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