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EAN : 9782330002404
112 pages
Actes Sud (01/02/2012)
3.24/5   195 notes
Résumé :
La narratrice de ce roman se prénomme Natchan.
Célibataire, elle vit à Tokyo. Au début du livre, sa sœur aînée Makiko, bientôt quarante ans et sa nièce Midoriko à peine treize ans, débarquent chez elle, lui imposent leur présence et plus précisément leurs problèmes. Car Makiko semble avoir profondément changé depuis que son mari l’a quittée.

A Osaka, seule avec sa fille, une obsession s’est peu à peu emparée de tout son être : le projet de modi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (48) Voir plus Ajouter une critique
3,24

sur 195 notes
Il y a
les seins de Katharine Hepburn
des seins de polos sans manches
des seins de double-mixte
Il y a
les seins de Jean Harlow
Et puis il y a ...
les seins de Makiko

(Extrait revu et corrigé pour l'occasion de "Platine" de Régine Detambel).

"Seins et Oeufs" ("Chichi to Ran" pour la version japonaise) est le deuxième roman de Mieko Kawakami, il a paru au Japon en 2008 et une fois de plus la plume de l'autrice ne m'a pas laissée indifférente tant elle exprime avec un naturel désarmant tout ce qui a attrait au corps de la femme et à son intimité. Avec ce court récit Mieko Kawakami nous offre une parole de femmes, sensible parfois même délicieusement effrontée et qui nous laisse un léger goût d'amertume tant elle pousse à l'introspection.

Mieko Kawakami nous raconte un moment de la vie de trois femmes d'une même famille, chacune rendue à une période charnière de son existence dont la plus jeune des trois est âgée de douze ans : Midoriko. Midoriko qui depuis six mois a décidé de ne plus parler à son entourage sauf par le biais de l'écriture, des petits mots griffonnés ici et là et son journal intime dans lequel elle exprime son mal-être face à son corps qui se transforme sous les effets de la puberté et face à sa maman pour laquelle elle s'inquiète beaucoup (beaucoup trop pour une jeune-fille de douze ans). La maman c'est Makiko, elle a trente-neuf ans et élève seule sa fille depuis une dizaine d'années, elle peine à joindre les deux bouts en travaillant comme hôtesse dans un bar d'Osaka, ce qui ne l'empêche pas de nourrir une obsession pour ses seins qu'elle projette de faire refaire dans un futur très proche. Et enfin Natsu, qui est la soeur cadette de Makiko, chez qui mère et fille vont se rendre le temps d'un court séjour durant lequel elles vont devoir cohabiter toutes les trois tant bien que mal dans le petit appartement tokyoïte.

Si Mieko Kawakami donne la parole à Midoriko par l'intermédiaire de son journal intime c'est Natsu la soeur cadette qui s'approprie la narration de ce récit en nous partageant un point de vue railleur et bien souvent désabusé quand il s'agit d'évoquer sa soeur. On ressent une forme de rancoeur contenue dès les premières pages, rancoeur certainement liée à son propre mal-être car finalement dans cette histoire celle qui est le moins en accord avec son corps n'est pas celle qu'on voudrait bien nous laisser croire.

Midoriko petit poussin trop fragile parviendra-t-elle à sortir de sa coquille à l'issue de ce séjour ? Makiko ira-t-elle au bout de son projet de se faire refaire les seins car malheureusement elle fait partie de ces femmes qui se retrouvent en situation de grande précarité, elle est une "boshi-katei", une mère célibataire, élever seule un enfant au Japon est un véritable parcours du combattant, le marché du travail donnant la priorité aux hommes et la pension alimentaire n'étant pas obligatoire comme en France. Mais paradoxalement ces femmes n'hésitent pas comme Makiko à cumuler les emplois et pour certaines à dépenser 1 500 000 yens pour modifier leur apparence. Comment Makiko pourrait-elle résister ? La chirurgie esthétique est en plein essor au Japon, elle est partout, blanchiment de la peau, augmentation mammaire, chirurgie des paupières pour occidentaliser le regard, publicités, panneaux d'affichage qui vous promettent une vie meilleure, être plus belle pour avoir un bon mari, être plus belle pour avoir un bon travail...
Et même si ne pas aimer certaines parties de notre corps est dans notre nature profonde, nous avons toutes et tous des complexes et nous vivons tant bien que mal avec mais certaines femmes plus fragiles comme Makiko y voient peut-être là un remède miracle pour adoucir le malaise ressenti face aux difficultés de l'existence qui leur est imposée.

J'ai trouvé les trois personnages de ce récit extrêmement touchants, chacun à sa manière : Midoriko qui s'inquiète tellement pour sa maman et qui refuse de voir son corps changer. Comment expliquer à une jeune fille de douze ans qui ne supporte pas l'idée d'avoir les seins qui poussent que sa maman, elle, voudrait se faire opérer pour en avoir plus ? le personnage de Natsu aussi, qui est si dure envers les autres et envers elle-même et qui finalement quand on soulève un peu la carapace laisse entrevoir une profonde solitude, un grand besoin d'amour et une fébrilité certaine face au temps qui passe et à ses effets sur le corps.

Un très joli roman sur la perception que peut avoir une femme sur son corps à différents moments de sa vie et sur l'estime de soi, que je vous invite à lire...

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Trentenaire célibataire, Natsu vit à Tokyo une existence morne et routinière. C'est avec circonspection qu'elle s'apprête à recevoir chez elle sa soeur Makiko et sa nièce Midoriko. Venues d'Osaka pour passer quelques jours dans la capitale, mère et fille sont en froid. A presque quarante ans, Makiko élève seule sa fille adolescente depuis que son mari l'a quittée. Pour subvenir à leurs besoins, elle est hôtesse dans un bar louche. Son voyage a pour but de visiter des cliniques afin de subir une augmentation mammaire. Cette lubie incongrue a provoqué le mutisme de Midoriko qui ne communique plus que par l'intermédiaire d'un carnet dans lequel elle écrit aussi ses pensées. A charge pour Natsu de s'accommoder de ces deux personnalités qui s'opposent et, pourquoi pas, de les réconcilier.

Trois femmes à trois âges de la vie. Trois femmes confrontées à leur féminité, à leur corps, à leur solitude. Trois femmes à la recherche du bonheur.
Natsu aborde la trentaine et commence à penser à la vieillesse. Elle voit sa soeur, son aînée de dix ans, trop maigre, qui commence à se flétrir alors qu'à l'opposé, sa jeune nièce lui donne la nostalgie de rondeurs enfantines et de peau sans défauts. Makiko, à presque quarante ans, se retrouve obsédée par son corps vieillissant et sec. Elle est persuadée qu'en s'offrant une nouvelle paire de seins elle changera sa vie toute entière. Quant à Midoriko, l'éclat de sa jeunesse ne saurait cacher son mal-être. Son corps change, ses seins poussent, bientôt ses règles apparaîtront. Tout cela la désoriente et la dégoûte. Arbitre, malgré elle, de la crise que traversent la mère et la fille, Natsu ne sait pas comment gérer cette soeur obnubilée par ses futurs gros seins et cette nièce muette. Ce sont des oeufs qui décanteront la situation…remettant le rire et les mots au coeur de ce triangle féminin.
En peu de pages et l'air de ne pas y toucher, Mieko Kawakami aborde des sujets profonds qui minent la société japonaise et en particulier la place des femmes. Au Japon, elles se doivent d'être de bonnes mères et de bonnes épouses. Une femme célibataire est cantonnée à des postes subalternes et tant pis si elle est mère célibataire et a plusieurs bouches à nourrir. Une femme se doit aussi de correspondre à certains critères de beauté, ne pas faire de vague, combler son époux. En somme, il n'est pas facile d'être une femme au Japon…comme ailleurs.
Seins et oeufs est un roman surprenant, déstabilisant, qui peu paraître terne au premier abord, mais qui véhicule quelques vérités bien senties. Il faut prendre le temps de lire entre les lignes et de creuser sous la surface.
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Makiko approche la quarantaine. Célibataire avec une enfant à élever, elle se pose des questions sur sa vie. Que faudrait-il changer ? Ses seins, peut-être...

Midoriko, sa fille, une adolescente de douze ans, elle aussi se pose beaucoup de questions. Notamment, sur ses premières règles. C'est répugnant, le sang qui coule entre ses jambes... et ses seins qui poussent. Pourquoi, ne peut-elle pas resté une petite fille ?...

Au milieu, Natsu la tante, qui en terme d'âge se retrouve au milieu de ces deux "femmes". le temps d'un week-end, elle servira de médiatrice entre la mère et la fille. Il faut dire que depuis que Makiko a la lubie obsessionnelle de vouloir se refaire les seins, Midoroki refuse totalement de parler, et ne quitte plus son carnet où elle note ses brèves réponses, ses échanges "verbales".

"Seins et Oeufs", c'est une histoire de femme et de féminité, qui traite du corps, de ces changements à des âges différents et de la perception que l'on a de son propre corps, de sa personnalité. Deux générations et demi pour comprendre son corps, (oser) se regarder dans le miroir et accepter - ou pas - le reflet renvoyé. Avec une Kirin et un Suntory whisky, je suis à l'écoute de ces corps, je les regarde, les observe, perçoit leur méfiance, leur désir, leur dégoût. Et lorsqu'elles m'emmènent au bain public, je suis avec elles, tel un voyeur qui détaille la taille des nichons qui se balancent devant moi. D'ailleurs, Makiko aussi, obsédée par ces atouts féminins, elle les mate, les scrute, les détaille, les qualifie. Elle devient mon mentor en matière de seins, sur leur forme, leur taille, leur couleur...
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Seins et oeufs est un livre satisfaisant au travers duquel j'ai pénétré dans l'univers de la romancière Meiko Kawakzmi, artiste montante de la scène littéraire japonaise et encensée par les critiques. Elle a obtenu le prestigieux prix Akutagawa pour ce roman.

Makiko, hôtesse dans un bar miteux d'Osaka, élève seule sa fille Midoriko après sa séparation avec le père de celle ci. Les deux personnages voyagent à Tokyo et s'installent pour trois jours dans le petit appartement de Natsu, soeur de Makiko qui vit une existence morne de célibataire. Midoriko ne parle plus à son entourage et ne communique plus que par un cahier ou elle écrit ce qu'elle veut communiquer et où elle expose le malaise dans lequel les affres de la puberté la jettent. Sa mère Makiko n'est guère plus raisonnable : fataliste dans sa relation houleuse avec sa fille, elle se réfugie dans son unique obsession qui l'a fait voyager à Tokyo : se faire refaire les seins dans une clinique privée. Coincée entre les deux, Natsu peine à échanger et a faire office de médiateur.

Le style de Kawakami me laisse partagé, il m'a semble que le bon alternait avec le banal. Les passages où l'adolescente écrit dans son carnet sont très efficaces : l'écriture est réaliste et correspond bien à une personne de cet âge, les émotions sont là, alternant entre tristesse, dégoût et incompréhension de la part de Midoriko, ce qui en fait un personnage attachant. Enfin, un soupçon de cynisme vient pimenter le tout.
Je suis moins convaincu par la narratrice, Natsu, qui parle de manière un peu plate et nous ennuie parfois en faisant preuve d' une certaine placidité.
Il n'en reste pas moins que la scène des oeufs conserve une certaine puissance qui vient rehausser l'intensité de ce livre.

Ce que j'ai trouvé intéressant dans ce livre c'est la manière dont l'auteur parvient à nous montrer les problèmes auquel la gente féminine est confrontée au Japon : ces femmes doivent se débrouiller seules si elles n'ont pas de mari pour avoir des revenus, elle sont cantonnées au travaux pénibles et peu gratifiants : il est difficile pour des femmes de vivre de manière autonome au Japon, comme nous le montre Kawakami au travers des parcours de Natsu et Makiko.
De plus ces femmes subissent un mal plus général qui est dénoncé par beaucoup d'auteurs nippons dans leurs livres : elles souffrent d'une impossibilité de communiquer entre générations et individus qui sévit même au sein de chaque famille, comme le montre la relation de Makiko et de sa fille qui ne parviennent pas à se comprendre et à échanger sans conflits. La figure de Natsu illustre aussi ce phénomène : elle ne comprend pas sa soeur qui lui semble presque être à certains passages du livre une étrangère. Pour pallier ce déficit d'échanges, les individus se réfugient dans un univers personnel artificiel et absurde qui a le mérite de maintenir l' illusion d'un monde stable et protecteur pour les individus. L'obsession de Makiko pour se faire refaire les seins ne vise t-elle pas à masquer un vide existentiel, à oublier qu'elle n'arrive par à parler avec sa fille ?
La moindre chose qui perturbe cet ordre des choses bouscule le personnage qui perd ses repères, comme Midoriko qui voit son corps changer avec la puberté.

Kawakami livre un roman intelligent qui porte un style personnel affirmé. Je me rallie à tous ceux qui aiment cet écrivain. Je lirai d'autres livres d'elle avec plaisir.

PS : ce qui est intéressant est que j'ai pu être intéressé par ce livre même si il abordait des thèmes féminins.
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"Seins et oeufs" est un livre que j'attendais de lire avec impatience. Inutile de dire à quel point j'ai été contente de le trouver à la bibliothèque (j'aime beaucoup aller à la bibliothèque découvrir, puis rafler, les nouveautés de la semaine, je me sens toujours comme une chercheuse de pépites d'or dans le Yukon. Digression qui n'a absolument rien à voir, mais comme je suis dans ma propre critique, je le reconnais volontiers :) ) pour pouvoir enfin poser les yeux dessus. Las, ma joie a été refroidie, et rapidement.

J'ai eu énormément de mal à entrer dans l'histoire, dont je n'ai pas vu (et ne vois toujours pas, malgré cette critique) l'intérêt. "Seins et oeufs" raconte l'histoire de la relation difficile entre Makiko et Midoriko, qui viennent passer quelques jours chez Natsu (la soeur de Makiko) à Tokyo. Cette relation entre mère et fille n'était déjà pas bien brillante puisqu'à l'issue d'une dispute, Midoriko refuse de parler à sa mère et note ce qu'elle a à dire dans un carnet, mais elle s'est encore plus dégradée depuis que Makiko a décidé de se refaire les seins (c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle et sa fille sont à Tokyo). Opération dont elle ne cesse de rebattre les oreilles (et nos yeux par la même occasion) à sa soeur.

Le roman est choral, à la fois narré par Natsu, de manière classique, à la première personne, et par Midoriko, à travers des extraits de son journal intime.
Ce procédé aurait pu être une bonne idée, sauf que les personnages ne sont pas bien consistants (surtout Makiko, dont on n'a pas accès à l'intériorité, à supposer qu'elle en ait une, d'après ce que Natsu dit d'elle), et les propos manquent singulièrement de relief et d'originalité, alors qu'ils sont censés être le sujet central de l'histoire : Natsu aborde la trentaine et s'interroge sur le début de sa vieillesse, reflétée par le corps trop maigre de Makiko (qui est de dix ans son aînée) et la perfection enfantine de Midoriko (qui est âgée de douze ans), tandis que cette dernière évoque son mal-être, ses regrets d'être sur terre, son refus de grandir (ce qui explique qu'elle prenne aussi mal l'envie de sa mère de se faire refaire les seins, symbole de la maternité et de l'âge adulte) et sa volonté de ce fait de ne jamais avoir d'enfants.

Bref, un roman sur le rapport à sa propre féminité envisagé par trois figures féminines, et les thèmes qui en découlent (la maternité, etc.) dont le thème est traité un peu trop superficiellement.
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critiques presse (3)
LePoint
19 mars 2012
Mieko Kawakami réussit dans ce petit livre à faire entendre une voix originale sur le malaise de la femme japonaise d'aujourd'hui, les dérives des fantasmes esthétiques et, de manière plus universelle, le sentiment d'étrangeté à son propre corps.
Lire la critique sur le site : LePoint
Bibliobs
19 mars 2012
C'est une tragicomédie crue, et cruelle. Et un passionnant instantané de vie féminine dans le Japon d'aujourd'hui.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
16 mars 2012
L'écriture de Mieko Kawakami se pose avec insistance et compassion sur le corps des femmes, dans ses recoins les plus intimes.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Pour joindre les deux bouts, bien sûr elle a l'allocation aux familles monoparentales, mais bon, c'est pas avec deux gouttes d'eau qu'on refroidit une pierre qui a été au feu comme on dit, alors juste après son divorce elle a travaillé dans un supermarché, à mi-temps dans une usine, comme caissière-empaqueteuse, et a fait un tas d'autres petits boulots. Mais ça ne suffisait pas pour vivre et élever sa fille, alors elle est devenue hôtesse. Pour elle qui est plutôt timide et effacée, faire la conversation avec les clients dans un bar n'a pas dû être facile. Mais après être passée de bar en bar, ma foi, ça fait trois ans qu'elle n'a plus bougé.
À part la patronne, une mama classique dans la cinquantaine, il y a deux filles d'une vingtaine d'années. Pas particulièrement des beautés ni des lumières ces deux-là, et il leur arrive un peu trop souvent de ne pas venir sans même passer un coup de fil. Sans compter qu'elles ne se foulent pas au service du client, toujours à regarder leur montre et à ne parler que d'elles. À vrai dire on les garde juste parce que ce serait plus embêtant qu'autre chose qu'elles s'en aillent...
"Faut supporter", c'est le mot de la mama ça, mais tout de même. Il faut dire que Makiko non plus n'est pas un parangon de beauté ni une virtuose de la conversation. Ce n'est pas vraiment comme si le succès de la boutique reposait sur elle, ce serait plutôt qu'on la garde par bonté, disons.
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On appelle ça un ovule, mais le vrai mot c'est ovocyte. Alors pourquoi est-ce qu'on dit ovule ? Pour faire la paire avec spermatozoïde. Qui dit spermatozoïde dit ovule. Avant, j'allais à la bibliothèque de l'école, mais pour emprunter des livres c'est compliqué, et puis il n'y en a pas beaucoup, c'est tout serré, c'est sombre, et dès que quelqu'un arrive il regarde pour savoir ce que tu lis, c'est répugnant. Alors maintenant je vais à la vraie bibliothèque avant de rentrer à la maison. Au moins je peux utiliser les ordis autant que je veux. Et puis j'en ai marre de l'école. C'est nul. Oui, je sais, c'est nul de dire que c'est nul, parce que l'école, c'est juste un mauvais moment à passer, alors que la maison c'est pas pareil. J'ai du mal à penser aux deux en même temps.
Mais avec du papier et un stylo, je peux écrire ce que je veux où je veux, ça ne coûte rien, c'est chouette. Ce qui s'appelle mettre ses idées sur le papier. Par exemple on peut dire détester, ou être dégoûtée de. Mais je trouve que c'est répugnant, ça donne mieux l'idée. Alors je m'entraîne à écrire le mot. Répugnant. Répugnant.

Midoriko
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En ce lieu de la nudité, les visages, qui en temps normal portent sans doute l'identité de chacune, ont perdu leur individualité.
Ici, ce sont les corps qui marchent, qui parlent, qui pensent. Au coeur de chaque geste et de chaque action, il y a le corps et rien d'autre.
Et soudain, alors que je suis des yeux ces corps qui passent devant moi, je rencontre ce sentiment de brutale étrangeté qui vous prend par surprise quand on écrit ou qu'on regarde trop longtemps un caractère chinois, ou même un caractère syllabique : on voit un i et on est soudain pris d'un doute : ça s'écrit comme ça, un i ? Incrédulité devant l'évidence de ces corps de femmes si insistants qu'ils en deviennent irréels. Et pourquoi que c'est gonflé, là ? Et pourquoi qu'au bout il y a un bouton ? Et c'est quoi ces formes molles ? Et pourquoi il y a deux jambes ? Et pourquoi qu'elles sont tellement arquées ? Finalement je ne sais plus ce que je regarde, ou peut-être au contraire vois-je tout ça d'un oeil trop neuf. Pour me sortir de cette oppression, je dis :

- Rhô, voyons Makiko, qu'est-ce que tu regardes depuis tout à l'heure ?
- Hein ? Bah, les nichons, me répond-elle en toute spontanéité.
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Makiko a trente-neuf ans, quarante à la fin de l'année. Elle est actuellement hôtesse dans un bar. Si je dis ça, on va croire qu'on a tout compris, mais d'abord des hôtesses il y en a de toutes sortes. En fonction du quartier, on peut deviner le salaire, le type de clientèle, le type de services. Bien sûr, à Osaka, il y a des quartiers de bars où on boit comme à l'abattoir, mais celui où travaille Makiko, c'est dans le quartier de Kyôbashi. C'est très local, disons, pas du tout le genre d'endroit où on va pour trouver quelque chose de classieux. C'est rempli de nomiya où on consomme debout et de game centers aux couleurs fanées, où contre une librairie indépendante dont la bicoque penche d'un côté on trouve un restaurant de viande grillée long et étroit comme un couloir, lui-même accolé à un club de rencontres clinquant à piquer les yeux ; ensuite on a un restaurant de fugu, sauf que dès la première bouchée tu peux être sûre que celui-là n'a jamais vu de vrai fugu de sa vie ni de près ni de loin, le fond sonore est gracieusement offert par le pachinko d'à côté, il y a des loupiotes qui clignotent, un café très, mais alors très sombre avec des tables de mah-jong intégrées, un graveur de sceaux où personne n'a jamais vu le moindre employé ni le moindre client, et cetera et cetera ; on entend des hurlements de disputes, des rires, il y a des montagnes de bouteilles de bière cassées sur le côté de la rue, c'est un capharnaüm indescriptible. Mais faut pas croire, en fait c'est un endroit de profonde humanité, pas prétentieux, où le petit commerce est surtout... petit.
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Un instant de silence. Puis elle me montre un autre corps, bien plus jeune, une vingtaine d'années, peut-être.
- Elle a déjà des chaussettes à son âge...
- Han ?
- Les grosses poitrines, c'est bien, mais comme c'est du tissu adipeux, voilà le résultat quand ça s'en va. Les seins, c'est comme des ballons d'eau : tant que c'est plein tout va bien, mais ensuite, ça finit en chaussettes. Regarde ça, on ne dirait pas deux chaussettes d'homme qui pendent ? dit-elle à voix basse tout en s'enfonçant dans le bain laiteux jusqu'au menton.
Effectivement, quand la jeune femme se penche en avant, ça pendouille. Ou ça balance, si on veut. Il y a de la longueur mais pas d'épaisseur. Y a pas à dire, leur surnom leur va bien. Ce n'est pas des choses à dire mais je me prends à me demander comment elle fait quand elle se retourne dans son lit, la nuit... C'est encore moins des choses à dire, mais quand elle se les fait pétrir, ça donne quoi ? Remarque, si ça se trouve elle ne se les fait pas pétrir, elle les donne à tenir dans la main... Charmantes, les images qui me viennent...
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