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3,24

sur 195 notes
Il y a
les seins de Katharine Hepburn
des seins de polos sans manches
des seins de double-mixte
Il y a
les seins de Jean Harlow
Et puis il y a ...
les seins de Makiko

(Extrait revu et corrigé pour l'occasion de "Platine" de Régine Detambel).

"Seins et Oeufs" ("Chichi to Ran" pour la version japonaise) est le deuxième roman de Mieko Kawakami, il a paru au Japon en 2008 et une fois de plus la plume de l'autrice ne m'a pas laissée indifférente tant elle exprime avec un naturel désarmant tout ce qui a attrait au corps de la femme et à son intimité. Avec ce court récit Mieko Kawakami nous offre une parole de femmes, sensible parfois même délicieusement effrontée et qui nous laisse un léger goût d'amertume tant elle pousse à l'introspection.

Mieko Kawakami nous raconte un moment de la vie de trois femmes d'une même famille, chacune rendue à une période charnière de son existence dont la plus jeune des trois est âgée de douze ans : Midoriko. Midoriko qui depuis six mois a décidé de ne plus parler à son entourage sauf par le biais de l'écriture, des petits mots griffonnés ici et là et son journal intime dans lequel elle exprime son mal-être face à son corps qui se transforme sous les effets de la puberté et face à sa maman pour laquelle elle s'inquiète beaucoup (beaucoup trop pour une jeune-fille de douze ans). La maman c'est Makiko, elle a trente-neuf ans et élève seule sa fille depuis une dizaine d'années, elle peine à joindre les deux bouts en travaillant comme hôtesse dans un bar d'Osaka, ce qui ne l'empêche pas de nourrir une obsession pour ses seins qu'elle projette de faire refaire dans un futur très proche. Et enfin Natsu, qui est la soeur cadette de Makiko, chez qui mère et fille vont se rendre le temps d'un court séjour durant lequel elles vont devoir cohabiter toutes les trois tant bien que mal dans le petit appartement tokyoïte.

Si Mieko Kawakami donne la parole à Midoriko par l'intermédiaire de son journal intime c'est Natsu la soeur cadette qui s'approprie la narration de ce récit en nous partageant un point de vue railleur et bien souvent désabusé quand il s'agit d'évoquer sa soeur. On ressent une forme de rancoeur contenue dès les premières pages, rancoeur certainement liée à son propre mal-être car finalement dans cette histoire celle qui est le moins en accord avec son corps n'est pas celle qu'on voudrait bien nous laisser croire.

Midoriko petit poussin trop fragile parviendra-t-elle à sortir de sa coquille à l'issue de ce séjour ? Makiko ira-t-elle au bout de son projet de se faire refaire les seins car malheureusement elle fait partie de ces femmes qui se retrouvent en situation de grande précarité, elle est une "boshi-katei", une mère célibataire, élever seule un enfant au Japon est un véritable parcours du combattant, le marché du travail donnant la priorité aux hommes et la pension alimentaire n'étant pas obligatoire comme en France. Mais paradoxalement ces femmes n'hésitent pas comme Makiko à cumuler les emplois et pour certaines à dépenser 1 500 000 yens pour modifier leur apparence. Comment Makiko pourrait-elle résister ? La chirurgie esthétique est en plein essor au Japon, elle est partout, blanchiment de la peau, augmentation mammaire, chirurgie des paupières pour occidentaliser le regard, publicités, panneaux d'affichage qui vous promettent une vie meilleure, être plus belle pour avoir un bon mari, être plus belle pour avoir un bon travail...
Et même si ne pas aimer certaines parties de notre corps est dans notre nature profonde, nous avons toutes et tous des complexes et nous vivons tant bien que mal avec mais certaines femmes plus fragiles comme Makiko y voient peut-être là un remède miracle pour adoucir le malaise ressenti face aux difficultés de l'existence qui leur est imposée.

J'ai trouvé les trois personnages de ce récit extrêmement touchants, chacun à sa manière : Midoriko qui s'inquiète tellement pour sa maman et qui refuse de voir son corps changer. Comment expliquer à une jeune fille de douze ans qui ne supporte pas l'idée d'avoir les seins qui poussent que sa maman, elle, voudrait se faire opérer pour en avoir plus ? le personnage de Natsu aussi, qui est si dure envers les autres et envers elle-même et qui finalement quand on soulève un peu la carapace laisse entrevoir une profonde solitude, un grand besoin d'amour et une fébrilité certaine face au temps qui passe et à ses effets sur le corps.

Un très joli roman sur la perception que peut avoir une femme sur son corps à différents moments de sa vie et sur l'estime de soi, que je vous invite à lire...

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Trentenaire célibataire, Natsu vit à Tokyo une existence morne et routinière. C'est avec circonspection qu'elle s'apprête à recevoir chez elle sa soeur Makiko et sa nièce Midoriko. Venues d'Osaka pour passer quelques jours dans la capitale, mère et fille sont en froid. A presque quarante ans, Makiko élève seule sa fille adolescente depuis que son mari l'a quittée. Pour subvenir à leurs besoins, elle est hôtesse dans un bar louche. Son voyage a pour but de visiter des cliniques afin de subir une augmentation mammaire. Cette lubie incongrue a provoqué le mutisme de Midoriko qui ne communique plus que par l'intermédiaire d'un carnet dans lequel elle écrit aussi ses pensées. A charge pour Natsu de s'accommoder de ces deux personnalités qui s'opposent et, pourquoi pas, de les réconcilier.

Trois femmes à trois âges de la vie. Trois femmes confrontées à leur féminité, à leur corps, à leur solitude. Trois femmes à la recherche du bonheur.
Natsu aborde la trentaine et commence à penser à la vieillesse. Elle voit sa soeur, son aînée de dix ans, trop maigre, qui commence à se flétrir alors qu'à l'opposé, sa jeune nièce lui donne la nostalgie de rondeurs enfantines et de peau sans défauts. Makiko, à presque quarante ans, se retrouve obsédée par son corps vieillissant et sec. Elle est persuadée qu'en s'offrant une nouvelle paire de seins elle changera sa vie toute entière. Quant à Midoriko, l'éclat de sa jeunesse ne saurait cacher son mal-être. Son corps change, ses seins poussent, bientôt ses règles apparaîtront. Tout cela la désoriente et la dégoûte. Arbitre, malgré elle, de la crise que traversent la mère et la fille, Natsu ne sait pas comment gérer cette soeur obnubilée par ses futurs gros seins et cette nièce muette. Ce sont des oeufs qui décanteront la situation…remettant le rire et les mots au coeur de ce triangle féminin.
En peu de pages et l'air de ne pas y toucher, Mieko Kawakami aborde des sujets profonds qui minent la société japonaise et en particulier la place des femmes. Au Japon, elles se doivent d'être de bonnes mères et de bonnes épouses. Une femme célibataire est cantonnée à des postes subalternes et tant pis si elle est mère célibataire et a plusieurs bouches à nourrir. Une femme se doit aussi de correspondre à certains critères de beauté, ne pas faire de vague, combler son époux. En somme, il n'est pas facile d'être une femme au Japon…comme ailleurs.
Seins et oeufs est un roman surprenant, déstabilisant, qui peu paraître terne au premier abord, mais qui véhicule quelques vérités bien senties. Il faut prendre le temps de lire entre les lignes et de creuser sous la surface.
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Makiko approche la quarantaine. Célibataire avec une enfant à élever, elle se pose des questions sur sa vie. Que faudrait-il changer ? Ses seins, peut-être...

Midoriko, sa fille, une adolescente de douze ans, elle aussi se pose beaucoup de questions. Notamment, sur ses premières règles. C'est répugnant, le sang qui coule entre ses jambes... et ses seins qui poussent. Pourquoi, ne peut-elle pas resté une petite fille ?...

Au milieu, Natsu la tante, qui en terme d'âge se retrouve au milieu de ces deux "femmes". le temps d'un week-end, elle servira de médiatrice entre la mère et la fille. Il faut dire que depuis que Makiko a la lubie obsessionnelle de vouloir se refaire les seins, Midoroki refuse totalement de parler, et ne quitte plus son carnet où elle note ses brèves réponses, ses échanges "verbales".

"Seins et Oeufs", c'est une histoire de femme et de féminité, qui traite du corps, de ces changements à des âges différents et de la perception que l'on a de son propre corps, de sa personnalité. Deux générations et demi pour comprendre son corps, (oser) se regarder dans le miroir et accepter - ou pas - le reflet renvoyé. Avec une Kirin et un Suntory whisky, je suis à l'écoute de ces corps, je les regarde, les observe, perçoit leur méfiance, leur désir, leur dégoût. Et lorsqu'elles m'emmènent au bain public, je suis avec elles, tel un voyeur qui détaille la taille des nichons qui se balancent devant moi. D'ailleurs, Makiko aussi, obsédée par ces atouts féminins, elle les mate, les scrute, les détaille, les qualifie. Elle devient mon mentor en matière de seins, sur leur forme, leur taille, leur couleur...
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Seins et oeufs est un livre satisfaisant au travers duquel j'ai pénétré dans l'univers de la romancière Meiko Kawakzmi, artiste montante de la scène littéraire japonaise et encensée par les critiques. Elle a obtenu le prestigieux prix Akutagawa pour ce roman.

Makiko, hôtesse dans un bar miteux d'Osaka, élève seule sa fille Midoriko après sa séparation avec le père de celle ci. Les deux personnages voyagent à Tokyo et s'installent pour trois jours dans le petit appartement de Natsu, soeur de Makiko qui vit une existence morne de célibataire. Midoriko ne parle plus à son entourage et ne communique plus que par un cahier ou elle écrit ce qu'elle veut communiquer et où elle expose le malaise dans lequel les affres de la puberté la jettent. Sa mère Makiko n'est guère plus raisonnable : fataliste dans sa relation houleuse avec sa fille, elle se réfugie dans son unique obsession qui l'a fait voyager à Tokyo : se faire refaire les seins dans une clinique privée. Coincée entre les deux, Natsu peine à échanger et a faire office de médiateur.

Le style de Kawakami me laisse partagé, il m'a semble que le bon alternait avec le banal. Les passages où l'adolescente écrit dans son carnet sont très efficaces : l'écriture est réaliste et correspond bien à une personne de cet âge, les émotions sont là, alternant entre tristesse, dégoût et incompréhension de la part de Midoriko, ce qui en fait un personnage attachant. Enfin, un soupçon de cynisme vient pimenter le tout.
Je suis moins convaincu par la narratrice, Natsu, qui parle de manière un peu plate et nous ennuie parfois en faisant preuve d' une certaine placidité.
Il n'en reste pas moins que la scène des oeufs conserve une certaine puissance qui vient rehausser l'intensité de ce livre.

Ce que j'ai trouvé intéressant dans ce livre c'est la manière dont l'auteur parvient à nous montrer les problèmes auquel la gente féminine est confrontée au Japon : ces femmes doivent se débrouiller seules si elles n'ont pas de mari pour avoir des revenus, elle sont cantonnées au travaux pénibles et peu gratifiants : il est difficile pour des femmes de vivre de manière autonome au Japon, comme nous le montre Kawakami au travers des parcours de Natsu et Makiko.
De plus ces femmes subissent un mal plus général qui est dénoncé par beaucoup d'auteurs nippons dans leurs livres : elles souffrent d'une impossibilité de communiquer entre générations et individus qui sévit même au sein de chaque famille, comme le montre la relation de Makiko et de sa fille qui ne parviennent pas à se comprendre et à échanger sans conflits. La figure de Natsu illustre aussi ce phénomène : elle ne comprend pas sa soeur qui lui semble presque être à certains passages du livre une étrangère. Pour pallier ce déficit d'échanges, les individus se réfugient dans un univers personnel artificiel et absurde qui a le mérite de maintenir l' illusion d'un monde stable et protecteur pour les individus. L'obsession de Makiko pour se faire refaire les seins ne vise t-elle pas à masquer un vide existentiel, à oublier qu'elle n'arrive par à parler avec sa fille ?
La moindre chose qui perturbe cet ordre des choses bouscule le personnage qui perd ses repères, comme Midoriko qui voit son corps changer avec la puberté.

Kawakami livre un roman intelligent qui porte un style personnel affirmé. Je me rallie à tous ceux qui aiment cet écrivain. Je lirai d'autres livres d'elle avec plaisir.

PS : ce qui est intéressant est que j'ai pu être intéressé par ce livre même si il abordait des thèmes féminins.
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"Seins et oeufs" est un livre que j'attendais de lire avec impatience. Inutile de dire à quel point j'ai été contente de le trouver à la bibliothèque (j'aime beaucoup aller à la bibliothèque découvrir, puis rafler, les nouveautés de la semaine, je me sens toujours comme une chercheuse de pépites d'or dans le Yukon. Digression qui n'a absolument rien à voir, mais comme je suis dans ma propre critique, je le reconnais volontiers :) ) pour pouvoir enfin poser les yeux dessus. Las, ma joie a été refroidie, et rapidement.

J'ai eu énormément de mal à entrer dans l'histoire, dont je n'ai pas vu (et ne vois toujours pas, malgré cette critique) l'intérêt. "Seins et oeufs" raconte l'histoire de la relation difficile entre Makiko et Midoriko, qui viennent passer quelques jours chez Natsu (la soeur de Makiko) à Tokyo. Cette relation entre mère et fille n'était déjà pas bien brillante puisqu'à l'issue d'une dispute, Midoriko refuse de parler à sa mère et note ce qu'elle a à dire dans un carnet, mais elle s'est encore plus dégradée depuis que Makiko a décidé de se refaire les seins (c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle et sa fille sont à Tokyo). Opération dont elle ne cesse de rebattre les oreilles (et nos yeux par la même occasion) à sa soeur.

Le roman est choral, à la fois narré par Natsu, de manière classique, à la première personne, et par Midoriko, à travers des extraits de son journal intime.
Ce procédé aurait pu être une bonne idée, sauf que les personnages ne sont pas bien consistants (surtout Makiko, dont on n'a pas accès à l'intériorité, à supposer qu'elle en ait une, d'après ce que Natsu dit d'elle), et les propos manquent singulièrement de relief et d'originalité, alors qu'ils sont censés être le sujet central de l'histoire : Natsu aborde la trentaine et s'interroge sur le début de sa vieillesse, reflétée par le corps trop maigre de Makiko (qui est de dix ans son aînée) et la perfection enfantine de Midoriko (qui est âgée de douze ans), tandis que cette dernière évoque son mal-être, ses regrets d'être sur terre, son refus de grandir (ce qui explique qu'elle prenne aussi mal l'envie de sa mère de se faire refaire les seins, symbole de la maternité et de l'âge adulte) et sa volonté de ce fait de ne jamais avoir d'enfants.

Bref, un roman sur le rapport à sa propre féminité envisagé par trois figures féminines, et les thèmes qui en découlent (la maternité, etc.) dont le thème est traité un peu trop superficiellement.
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Je tenais à découvrir le court roman qui a révélé Mieko Kawakami, que je tiens pour l'un des meilleurs écrivains japonais actuels, deux sexes confondus. Lauréat du prix Akutagawa, je savais que ce n'était pourtant pas son meilleur, loin s'en faut. Au verdict, ce fut plutôt une assez bonne surprise.

Le décor est planté d'une famille incomplète et dysfonctionnelle, les trois femmes que nous suivons sont assez barrées. Natsu doit avoir environ 30 ans et reçoit chez elle à Tokyo sa soeur aînée Makiko, qui s'est retrouvée mère célibataire de Midoriko. Les deux femmes vivent à Osaka et ne roulent pas sur l'or, Makiko étant hôtesse de bar. Makiko est venue avec une obsession en tête, se faire refaire les seins, et entend bien passer au bistouri dans une clinique de Ginza. Midoriko est clairement prise dans les affres de la crise d'adolescence, elle a décidé de ne plus parler autrement qu'en écrivant sur un carnet, et trouve tout répugnant, à commencer par se voir devenir peu à peu une femme, avec l'irruption des règles, le mystère de l'ovulation et tout le toutim.

Les trois femmes traînent leur dégaine maigrichonne, leur ennui et leur avarice de mots pendant ces quelques jours, dans des échanges et situations où l'absurde n'est jamais loin. le texte tourne largement autour de cette obsession de ses petits seins piteux à refaire, et franchement on ressort instruit sur les trois techniques possibles, leurs avantages et inconvénients ! Derrière une apparente banalité, Mieko Kawakami livre un texte plus profond qu'il n'y paraît sur le mal de vivre dans un univers de solitude, dans une société japonaise où les femmes sont souvent en souffrance. Au Japon, ça ne se fait pas de faire des enfants hors mariage. Les mères célibataires y sont assez nombreuses et mal vues, peu aidées financièrement, et condamnées pour s'en sortir à faire de petits boulots. Les adolescents ont bien du mal à se projeter dans la vraie vie, par manque de sens, ils n'ont pas envie de faire des enfants et fonder une famille.

Dans ce roman, les trois femmes vont-elles finir par enfin se regarder et s'écouter, et tirer un fil pour peut-être, qui sait, faire de ce court séjour un nouveau point de départ pour retisser un vrai lien familial ?

Mieko Kawakami use d'un style sobre, pudique voire assez sec, mais non dénué d'un humour pour exposer cette sorte de huis-clos féminin, qui pourrait très bien faire l'objet d'une mise en scène théâtrale. Avec le recul de quelques années et plusieurs excellents romans parus depuis, on se dit que ce roman augurait déjà d'une suite de carrière talentueuse.
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"On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs" dit le dicton et lorsque les non-dits éclatent, l'abcès se vide pour construire une relation plus forte.
Voilà, en quelque sorte, le conseil que divulgue Mieko Kawakami (philosophe,actrice,comédienne et romancière japonaise, qui en 2008 a été élue Femme de l'année par le magazine Vogue Japan) dans son roman (très) psychologique Seins et oeufs dont la trame se déroule à Tokyo, alors qu'une mère ( "Makiko" hôtesse de bar maigrichonne un brin vulgaire portée sur la bière car abandonnée par son mari et rejetée par sa fille, vient, avec sa fille "Midoriko" adolescente mal dans sa peau livrée à elle-même, chez sa soeur célibataire "Natsu" compatissante, avant de faire augmenter le volume de ses seins).
Comme toujours les Editions Actes Sud ont su choisir très judicieusement leur auteur étranger qui évoque ici les relations houleuses mère-fille à l'adolescence et le problème de féminité rencontré par trois générations de femmes d'une même famille.
Qu'est-ce qui fait qu'une adolescente, du jour au lendemain, ne communique plus que par "journal de conversation" interposé?
Que se passe-t-il dans sa tête? Sur ses origines? le désir du couple qui l'a conçue? Quelles sont les violences réprimées? A-t-elle peur de sa propre beauté qui la met en rivalité avec sa mère?Des changements de son corps?
Pourquoi une mère, sans vie sexuelle apparente, désire-t-elle une chirurgie mammaire jusqu'à la fixation? Comment vit-elle sa féminité? Quels sont ses complexes?Remontent-ils à l'enfance?Qu'est-ce que la normalité?
De Natsu, on ne sait pas grand chose, car sa voix (qui alterne avec le journal de Midoriko) ne s'élève que pour commenter, pourtant c'est elle qui saura "allumer une petite lumière de plaisir" dans le regard éteint de sa nièce. Ce qu'elle verra à la fin dans son miroir, cachée derrière une image affable, à nous de l'imaginer:d'où le talent de l'auteur!
L'écriture très imagée de Mieko Kawakami est teintée d'humour: Midoriko a des jambes longilignes de "flamant rose", les seins de Makiko ressemblent à une "piqure de moustique"...
L'ambiance angoissante qui tourne à l'hystérie est fort bien rendue.
A lire et à découvrir: Mieko Kawakami très en vogue sur "la scène artistique et intellectuelle japonaise". Elle a d'ailleurs obtenu un prix pour Seins et oeufs!
Ce roman m'a évoqué: Ces années blanches de Julie Jacob Coeur pour l'adolescence mal vécue et le Pavillon des enfants fous de Valérie Valère pour le bien que peut apporter l'écriture exutoire chez une adolescente perturbée.
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Relecture de Seins et Oeufs de Kawakami Mieko. Lorsque je l'avais lu la première fois à sa sortie en 2012, je n'avais pas accroché. Et la grande scène finale m'avait paru d'un ridicule inouï.

Cette seconde lecture m'a permis d'appréhender différemment ce roman. Natsu, la narratrice, trentenaire célibataire, doit recevoir pour trois jours et deux nuits sa soeur aînée Makiko, 39 ans, divorcée, et la fille de celle-ci Midoriko, 11 ans, dans son studio à Tokyo. Sa soeur et sa nièce vivent à Osaka; elles ne se voient donc pas souvent.

Murakami Mieko a opté pour une structure à deux voix dont les paragraphes s'intercalent. En italique figurent les propos de Midoriko dans son journal. En écriture normale, le récit de Natsu. Quelques descriptions et les échanges rapportés aux onomatopées près. La communication, force est de constater, n'est guère brillante. Midoriko n'adresse plus la parole à sa mère et se contente d'écrire ce qu'elle a à dire sur son carnet depuis six mois. Makiko, elle, tombé dans une épuisante logorrhée sur son désir de se faire opérer pour avoir de plus gros seins. Et Natsu... elle fait ce qu'elle peut, consciente de ne pas trouver les mots adéquats ni pour l'une ni pour l'autre.

Si Makiko semble démarrer une crise de la quarantaine mammaire, sa fille voit se profiler la puberté, les changements corporels, les saignements des règles avec tout ce que ça implique d'ovulation, de fécondation, etc. Tout ça la répugne violemment au point de ne pas vouloir d'enfant et de regretter d'être née si c'est pour subir ces modifications non désirées. C'est vrai que c'est une période difficile que la puberté avec ces hormones qui explosent de partout et ajoutent des rondeurs et des courbes, des contraintes mensuelles. On l'oublie souvent, une fois qu'on l'a dépassée, ne voyant plus - comme Natsu - que la peau fine et sans ridule, le corps respirant la jeunesse...

L'auteure met en scène un trio féminin en proie à des questionnements et des angoisses, sans trouver le moyen de se parler. Avec les incompréhensions que cela peut engendrer. Elles sont touchantes, au final, ces trois femmes. Elles sont chacune à un moment éprouvant de leur existence. Elle crée sur une courte période un quasi huis-clos où tout ce qui mijote depuis déjà un bon moment se met à bouillonner dans la chaleur étouffante de la capitale en plein été.

Reste que je continue de trouver la grande scène un peu trop exagérée à mon goût. Même si, parvenues au paroxysme de la non-communication, il ne leur restait plus que ça à faire peut-être. Quoi donc, me demanderez-vous? Decouvrez le directement avec ce titre plutôt décalé. Court (108 pages) mais qui en dit long sur les rapports familiaux, entre soeurs ou mère-fille.

En conclusion, une seconde lecture bénéfique. Même si Seins et Oeufs ne figurera pas parmi mes meilleurs souvenirs littéraires japonais. Son troisième roman, Heaven, me tente néanmoins beaucoup par son résumé.
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Etonnant et touchant
Deux récits alternent dans ce court roman:
-Le récit de Natsu, célibataire trentenaire. Elle raconte la visite de sa soeur ainée et de sa nièce à Tokyo. Makiko, quarante ans, élève seule sa fille. Elle travaille comme hôtesse dans un bar de seconde zone à Osaka. Depuis six mois, Midoriko, onze ans, ne parle plus. Elle communique via un carnet. Sa mère vient à Tokyo pour se faire remodeler les seins. Elle est intarissable sur la question...
-Les extraits du journal intime de Midoriko. Elle aurait préféré ne pas naître et observe dégoûtée les transformations inéluctables de son corps.

J'ai beaucoup aimé ce court roman, cash, vif, moderne et tragi-comique. Des instantanés de vie qui esquissent une réflexion sur la féminité, sur la place de la maternité au Japon mais aussi sur la difficulté à communiquer au sein de la famille. le regard de Natsu est décapant sur sa soeur et sa nièce. Elle les observe avec humour et tendresse tout en étant impuissante à les aider. Aussi s'efforce-t-elle surtout de ne pas envenimer la situation. La mère et la fille sont touchantes. Mal dans leur peau, mal dans leur corps de femme qu'elles observent de l'extérieur. Elles vont parvenir à se dire les choses d'une manière très originale à la fin.

Prix Akutagawa 2007


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Mieko Kawakami nous décrit dans ce court roman le malaise de plusieurs femmes, de leur rapport à leur corps, de leurs rapports familial, et de leur place dans la société.


La première qui ouvre ce roman est Midoriko, la jeune fille d'une douzaine d'années qui est en révolte. Parce que sa mère n'est pas assez présente, ou que le dialogue passe mal (elle aurait voulu ne pas être née). le dictionnaire devient sa référence "Alors quand on cherche des mots à la chaîne, on finit par faire tout le tour du dictionnaire ?" se demande-t-elle. Et Midoriko va essayer de comprendre les métamorphoses de son corps d'adolescente à travers des définitions de dictionnaire. Dans son journal, elle écrit des notes très touchantes : pleine d'émotion et avec beaucoup de révoltes, des mots qu'elle ne peut qu'écrire et ne peux pas dire à sa mère. "Par exemple on peut dire détester, ou être dégoûtée de. Mais je trouve que c'est répugnant, ça donne mieux l'idée. Alors je m'entraîne à écrire le mot. Répugnant. Répugnant"

Midoriko est comme une chrysalide dans son cocon, qui voit avec étonnement et dégout les modifications des son corps, qui les refuse "Aujourd'hui, nous allons encore parler des seins. Je n'en avais pas, et maintenant ils me poussent.Je ne leur ai pourtant rien demandé. Pourquoi ils poussent ? D'où ils sortent ? Pourquoi je ne reste pas comme j'étais ? " et qui s'interroge sur le fonctionnement du monde qui l'entoure. Surtout l'incompréhension pour sa mère qui ne pense qu'à se refaire les seins. Elle voudrait disparaitre, ne plus exister retourner dans la matrice utérine ou dans le Robocon de son enfance.

Puis, Natsu la soeur de Makiko, la tante de Midoriko : qui les héberge et assiste comme témoin étranger à leurs problèmes, tout en essayant de les comprendre et de leur faire plaisir.

Kawakami nous livre une histoire bien menée de femmes au japon, une description des relations mère-fille, des incompréhensions et du manque de dialogue entre elles. Il me reste une interrogation sur le titre, oeufs pour ovules ou pour l'omelette finale ?
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