-- Dites-le moi. Que doivent faire des hommes d'honneur dans une telle guerre, Ammar ?
-- Se massacrer jusqu'à ce que quelque chose prenne fin en ce monde.
Ser Rezzoni de Sorénica, homme sarcastique, avait enseigné que le fondement d'une pratique de médecin prospère consistait à convaincre les patients de revenir. Les morts, avait-il remarqué, revenaient rarement.
- [...] Chaque peuple a ses fanatiques. Ils viennent, se transforment, reviennent sous un autre aspect.
Les actes des hommes, des traces dans le désert.
Jehane apprenait à accepter que d'autres pussent l'aimer en dehors de sa mère et de son père, et agir en conséquence. Une autre leçon difficile, bizarrement. Enfant, elle n'était pas belle ni d'un charme particulier ; contrariante, exaspérante, voilà qui était plus près de la vérité. Les gens de cette nature ne découvrent pas dans leur jeunesse comment accepter l'amour d'autrui, se dit-elle ; ils n'ont pas assez l'occasion de s'y exercer.
Le prince venu de l'autre côté de l'eau parut soudain plus confiant ; il se redressa sur le tapis. C'était comme s'il avait seulement eu besoin de leurs questions. Tous ceux de l'Al-Rassan qui étaient venus les trouver au fil des années avaient été de grands discoureurs. Ils ne portaient pas de voile, c'en était peut-être la raison. Poètes, chanteurs, hérauts ‒ les mots coulaient comme de l'eau dans cette contrée ; c'était le silence qui y mettait mal à l'aise.
- Y aura-t-il jamais un temps où être née femme ne sera pas une malédiction ?
Miranda avait parlé sans tourner la tête. Où nous pourrons davantage que nous tenir à l'écart, rester braves et les regarder mourir ? ajouta-t-elle.
Les vents soufflaient l'orage, oui, mais parfois ils balayaient aussi les nuages bas qui obscurcissaient le ciel, et sur une hauteur on pouvait alors jouir du spectacle splendide des levers ou des couchers de soleil, ou encore de ces nuits claires et coupantes, lumineuses, où lune bleue et lune blanche semblaient traverser telles des reines un ciel semé d'étoiles aux configurations étincelantes.
Aucun honnête soldat ne pouvait vraiment dire n’avoir jamais connu la peur.
Husari éclata de rire ; ''Ibn Bashir, un boucher n'a pas besoin de plus de cervelle que la viande qui découpe, remercies-en les étoiles de ta naissance. Les Kindaths craignent les Jaddites encore plus que nous ! Ils sont esclaves, dans le nord ! Ici, ils vivent en liberté, ils paient la moité de nos impôts à notre place, et en plus ils achètent ta viande filandreuse même quand ton gros pouce écrase la balance ! ''
Alvar vit des sourires passer dans la foule à ces paroles.
''Aucun d'entre eux n'est mort le Jour de la Douve. ! '' Une autre voix, aussi dure que celle du boucher. Alvar sentit un mouvement près de lui, se rendit compte qu'il était seul.
''Et à quoi cela aurait-il bien pu servir ?'' demanda Ibn Khairan qui s'était avancé dans le soleil; il rengaina son épée en en faisant tout un spectacle, pour leur laisser le temps de bien le regarder.