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Michel Saunier (Traducteur)
EAN : 9782266026444
510 pages
Pocket (01/11/1988)
4.34/5   115 notes
Résumé :
Initialement paru en 1954, ce texte a marqué les esprits dès sa publication.
Kazantzaki revisite en effet les derniers moments de la vie du Christ – marqués par ses rencontres avec Jean-Baptiste et Marie-Madeleine – au cours desquels il aurait été tenté d’échapper à son destin pour mener la vie simple d’un homme marié. Composé en 33 chapitres, comme un écho à l’âge auquel on fait traditionnellement mourir le Christ, ce roman reprend un thème cher à l’auteur, ... >Voir plus
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Ο τελευταίος πειρασμός
Traduction : Michel Saunier - Notons que le titre original signifie "La Dernière Tentation"

ISBN : 978226602644

Ce roman de Kazantzáki, sorti en 1954, lui valut les foudres du Vatican de Pie XII et même une mise à l'Index . de son côté, le clergé orthodoxe, tirant parti du fait que le délit de blasphème existait encore en Grèce, tenta même d'interdire carrément la vente de l'ouvrage dans ce pays. Mais il n'obtint pas gain de cause et, ainsi que cela se passe d'habitude en pareil cas, offrit ainsi au livre une excellente publicité qui lui permit notamment, de cartonner en France - une France il faut le dire où ne sévissaient pas encore les arriérés actuels qui veulent, de gré ou de force, réinstaurer le délit de blasphème mais avant tout, semble-t-il, pour une religion bien précise et qui n'est pas le christianisme.

Qu'y a-t-il donc, me demanderez-vous, dans ce livre, qui soit si terrible et nous fait toucher de près les flammes de l'Enfer ? Oui, je sais, sur Nota Bene, il n'y a pas si longtemps, une chrétienne estampillé bon teint (selon ses seuls dires, précisons-le tout de même ), sous-entendait que mon goût prononcé pour les romans d'épouvante et les films du même genre, lesquels font grande consommation, surtout s'ils viennent des Etats-Unis, de Satan le Roi des Blasphémateurs, trahissait ma nature réelle de Servante du Grand Cornu. Je ne m'attarderai pas sur pareille et si étrange assertion et je vous confesserai donc que le seul "crime" de "La Dernière Tentation" et de son auteur, Níkos Kazantzáki (ou Níkos Kazantzákis, comme vous préférez ) est de mettre l'accent sur la nature humaine de Jésus le Nazaréen.

Le personnage de Jésus, le "fils de Marie", comme on le nomme habituellement à Nazareth, est ici un être qui doute, qui refuse d'écouter la voix divine (il faut dire que, parfois, il la soupçonne d'être inspirée par Satan), qui se révolte même et qui refuse plus ou moins la "mission" qu'il est chargé d'accomplir. C'est un être déchiré, écartelé, qui souffre et qui se torture lui-même, un être qui est "mal dans sa peau" et dont la famille excuse les agissements et les tirades exaltés en le définissant comme "un possédé." C'est aussi un être doux, charpentier de son métier comme son père, Joseph, qui accepte, bien que juif, de construire les croix dont les Romains se servent pour leurs exécutions, un être amoureux de la jolie Marie de Magdala mais qui, au moment où il va lui demander sa main (ou se livrer à un rituel équivalent à cette époque et dans cette civilisation), tombe raide dans une sorte de crise d'épilepsie. La jeune fille en conçoit un tel chagrin qu'elle décide alors d'abandonner son corps à tous les hommes qui passent pourvu qu'ils veuillent bien lui payer ses faveurs. Mais Jésus aime toujours Marie-Madeleine - il l'aimera jusqu'à la fin - même si Marie et Marthe, les soeurs de ce Lazare à la santé si fragile, qu'il ressuscitera un jour tel quel, avec un corps déjà corrompu (imaginez un instant les têtes vaticanes à la lecture de ce détail), tombent elles aussi sous son charme.

Le Jésus de Kazantzáki est comme nous le sommes si souvent : il sent en lui palpiter son âme qui aspire à L Infini mais sa chair la retient car, qu'il soit fils de Dieu ou pas, cette chair est chez lui aussi forte que chez n'importe qui. Il tente tout d'abord de la calmer en se faisant moine dans un couvent du désert mais rien n'y fait. Il s'enfonce alors tout seul dans le désert pour y jeûner et percevoir ainsi la voix du grand Jehovah. Mais là non plus, la réponse n'est pas au rendez-vous ou alors, elle se révèle contradictoire. Revenu à Nazareth, il renie plus ou moins sa mère et les siens en affirmant officiellement que sa famille véritable, ce sont ceux qui deviendront ses apôtres et ceux qui renonceront à tout sur cette terre pour le suivre. Commence alors, pour lui et ses premiers disciples - dont Jean, le futur auteur de "L'Apocalypse" et de l'Evangile qui porte son nom ; Pierre, le pêcheur à la tête dure, véritable girouette qui, effectivement, comme son maître le lui prédit un jour, reniera trois fois celui-ci avant que le coq ait chanté ; et bien sûr Judas Iscariote, surnommé ici "le rouquin" en raison de sa toison et de sa barbe flamboyantes, un Zélote qui attend un Messie guerrier et non angélique mais n'en reste pas moins fasciné par le charisme de Jésus - une période un peu hédoniste. C'est l'été, puis la saison des vendanges : la vie, la joie, battent leur plein.

Âme aussi flamboyante et aussi torturée que celle de l'homme qu'il admire autant qu'il se défie de lui, Judas somme Jésus de se rendre auprès de Jean le Baptiste, le Prophète de Feu qui crie dans le désert et baptise au Jourdain. "S'il te reconnaît comme le Messie," lui dit-il en substance, "alors, moi aussi, je le ferai et je te suivrai jusqu'à la mort."

Jésus doute, doute de plus en plus et à peu près de tout ... Et il est aussi profondément terrifié. Car, au fond de lui, il sait que le Baptiste le reconnaîtra et il tremble et aspire tout à la fois à cette reconnaissance qui, il le sait aussi, le condamne à une mort atroce mais à un destin surhumain. Néanmoins, suivi des futurs apôtres, Judas marchant à leur tête, il traverse la Galilée, la Samarie et une ou deux autres provinces pour demander le baptême à Jean. Et le Baptiste le reconnaît. Immédiatement. Cet homme qui se définit lui-même comme le glaive de Jéhovah voit arriver vers lui son successeur, un autre genre de glaive, qui versera son sang mais ne demandera pas aux autres de verser le leur.

S'inclinant devant la parole du Baptiste, qu'il respecte tant, Judas se fait alors le gardien et le protecteur de Jésus. Une amitié profonde naît entre ces deux hommes pourtant si différents. Une amitié si puissante que, quand le temps arrive pour lui de mourir, Jésus supplie Judas d'accepter le mauvais rôle, celui du traître qui le livrera au Jardin des Oliviers. Et Judas, résigné, Judas, le plus courageux, le meilleur des apôtres, Judas accepte. Pour le Maître qu'il a enfin reconnu, il fera tout - y compris endosser à jamais la plus honteuse des réputations.

Le roman - plus de cinq cents pages en fins caractère chez Pocket - est si long, si dense, avec des pages poétiques si belles et si amples, qu'on ne saurait le raconter en détails. Mais rien qu'avec ce que je viens de vous livrer, vous comprendrez sans peine pourquoi l'Eglise chrétienne dans son ensemble s'est détournée avec épouvante de cet ouvrage pourtant si beau.

Un : Judas n'est pas un félon, il est l'allié de Jésus et, sans lui, la crucifixion n'eût pas été possible. Deux : Jésus ressent, tout comme vous et moi, les affres de la chair et possède une authentique sexualité. Trois : Matthieu, le Publicain, qui a rejoint les disciples, cherche à écrire la vie de Jésus et se révolte contre la voix d'un ange qu'il ne voit pas mais qui lui ordonne de présenter Jésus non comme le fils de Joseph mais bel et bien comme celui de Dieu. Quatre : Jésus lui-même, quand il lit ces pages, se met dans une profonde colère et clame qu'il est le fils de Joseph et de Marie et non celui de Dieu. Cinq : les disciples, y compris Jean, le Bien-Aimé, sont montrés comme des opportunistes à qui l'idée du "Royaume des Cieux" ne parle guère mais qui se verraient bien, une fois Jésus au pouvoir, tétrarques et gouverneurs. Six : Jésus comprend que, après lui, certains déformeront ses paroles et les récupéreront de façon trop matérialiste ; mais il s'incline, réalisant qu'on ne peut vaincre ainsi la nature humaine d'un coup et que, beaucoup plus importantes sont la profondeur, l'humanité généreuse et l'universalité de la Parole qu'il laisse. Sept : la figure de Saül, devenu Paul de Tarse, qui marquera si bien de son empreinte la structure de ce que nous appelons le christianisme que l'on peut penser parfois que cette religion mériterait de se sous-titrer "le paulisme", apparaît également et ce n'est certainement pas un hasard si Kazantzáki souligne la déformation qu'il infligea à la Parole du Christ. Huit et dernier : quand Jésus s'évanouit sur la croix, sous l'effet de l'épuisement et de la douleur, le Malin s'immisce et, sous la forme d'un ange aux ailes vertes, lui fait vivre en rêve une vie humaine longue et couronnée d'enfants et de petits-enfants.

Mais sous l'effet des vapeurs de vinaigre aromatisé qui montent de l'éponge que lui tend, au bout d'une pique, un soldat romain, Jésus reprend conscience. Et alors, sans regret aucun, avec une joie indicible, comprenant que, fils de Dieu ou pas, il n'a pas trahi plus que Judas et est, lui aussi, parvenu au bout de sa "mission", trouve la force de s'écrier : "TOUT EST ACCOMPLI !" Et l'auteur grec de conclure sobrement : "Et c'était comme s'il disait : tout commence."

Tout commence en effet. Et le livre de Kazantzaki nous fait aussi comprendre que tout est susceptible de recommencer. Pour vous, pour votre voisin, pour moi - n'importe quand, n'importe où. Si vous avez lu et si vous appréciez les Evangiles qui ne glorifient que l'aspect divin du Christ, il vous faut également lire "La Dernière Tentation" de Nikos Kazantzáki. C'est un être humain que vous y rencontrerez, un être humain imparfait, qui le sait et qui tente, lentement, péniblement, en se blessant aux pierres du chemin, en s'arrêtant bien souvent, en tentant même tout aussi souvent de revenir sur ses pas parce que l'avenir l'effraie, d'accéder malgré tout à un niveau spirituel supérieur.

Un être qui vous ressemble. Et c'est bien là sa force et la vôtre - la nôtre. Surtout aujourd'hui. ;o)
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Quand les icônes descendent des tableaux et quittent les nichoirs inaccessibles des églises pour redevenir des hommes et des femmes avec un corps qui sue et souffre, des élans de rage et de peur, des espoirs et des doutes...
Que l'on croit ou pas, ce roman profond, incarné et palpitant, écrit comme une prière par un fervent croyant qui renverse les dogmes en ramenant le destin de Jesus à hauteur d'homme, donnant même vie aux paraboles mais sans jamais manquer de respect à son sujet. est absolument fascinant.
J'adore cet auteur, un homme que l'on sent riche et dense , qui n'en finit pas de me dérouter et m'embarquer dans son univers.
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Après avoir lu « L'Évangile selon Jésus-Christ » à Noël, il me paraissait logique d'achever ma phase christique avec « La Dernière Tentation » à Pâques. Les deux livres se ressemblent beaucoup, dans le sens où les auteurs réinterprètent l'histoire de Jésus à leur façon. Nikos Kazantzaki a cependant été le premier à faire de Jésus un personnage de fiction, ce qui lui a valu quelques ennuis à la publication du livre (menaces d'excommunication, mise à l'Index), qui se sont prolongés jusqu'à notre époque (attentats en France dans les cinémas qui ont projeté le film basé sur ce roman).

Le livre mérite-t-il une telle rage (sur la violence qu'il a engendrée, je ne poserai même pas la question) ? Sur l'intention de l'auteur, on ne peut que répondre non. La préface, dans laquelle on imagine l'auteur en larme en lisant la Passion, suffit déjà à clôturer la question. La Dernière Tentation est un livre profondément religieux, qui raconte le combat interne que vit un Jésus tiraillé entre une part divine qui veut accomplir sa mission (répandre son évangile, mourir sur la croix), et une part humaine qui souhaite par dessus tout vivre une vie paisible dans son village, avec une femme et des enfants. Cette tentation, de tout lâcher pour rejoindre une femme qui lui est entièrement dévouée, rongera Jésus tout au long de sa vie d'adulte, surtout dans les moments-clés de son existence.

Si Kazantzaki respecte à la lettre les événements décrits dans la Bible, il prend, il est vrai, pas mal de liberté pour remplir les blancs. On y retrouvera un Jésus amoureux, obligé d'attendre dans un bordel en compagnie d'autres hommes pour parler à Marie-Madeleine, parfois faible, miné par le doute, tenté d'abandonner sa mission… Mais ces passages, s'ils énerveront certainement les fanatiques, ne servent qu'à souligner la violence des émotions qui l'agitent.

Si l'écriture est magnifique, j'ai toutefois eu du mal à m'impliquer vraiment dans le thème du roman : les combats entre la chair et l'esprit, se flageller pour se libérer des tentations du corps, … tout cela m'est quand même assez étranger. J'imagine qu'il faut chez le lecteur une certaine forme de religiosité pour apprécier pleinement le propos que développe l'auteur. L'ironie du sort, c'est que l'oeuvre est désormais défendue par des laïcs qui n'en comprennent pas grand-chose, contre des croyants qui la considèrent comme blasphématoire. Et dans les deux camps, probablement sans l'avoir lue.
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Il n'est pas nécessaire d'être chrétien pour être intéressé, intrigué, parfois même passionné par le personnage de Jésus-Christ. Depuis plus de deux mille ans, historiens et théologiens s'affrontent à coups d'arguments pour définir qui sa divinité, qui son humanité, qui même son existence pure et simple. de quoi alimenter l'éternel débat entre la foi et la vérité historique… D'autant qu'à part les écrits bibliques (et en particulier le Nouveau Testament) qui ne sont en rien des témoignages purement historiques mais une oeuvre didactique aux intentions de prosélytisme (c'est mon avis, mais vous n'êtes pas obligés de me suivre), l'existence de Jésus n'est attestée que par quelques lignes chez Tacite, Suétone, Dion Cassius et Flavius Josèphe, historiens antiques dont l'objectivité est souvent remise en cause. On peut retenir que dans ces années-là, il y a eu en Palestine un homme appelé Jésus, qui a été crucifié et dont la doctrine a été partagée par nombre de croyants. Etait-il homme ? Etait-il Dieu ? Les avis sont partagés.
C'est le sujet même de ce beau roman de Nikos Kazantzakis. Cet écrivain grec (crétois, plus précisément) (1883-1957) nous est connu principalement pour trois romans, tous trois porté au cinéma : « Alexis Zorba » (1946), adapté par Michael Cacoyannis en 1964, sous le titre « Zorba le Grec », avec un extraordinaire Anthony Quinn dans le rôle-titre et une splendide musique (sirtaki) signée Mikis Théodorakis ; « le Christ recrucifié » (1950) adapté en 1957 par Jules Dassin sous le titre « Celui qui doit mourir » avec Jean Servais, Melina Mercouri et Pierre Vaneck ; « La dernière tentation » (c'est le titre exact du roman, rebaptisé après la sortie du film) (1954) adapté par Martin Scorsese en 1988 sous le titre « La Dernière tentation du Christ » avec Wilhelm Dafoe dans le rôle de Jésus et Harvey Keitel dans le rôle de Judas.
Le Jésus de Kazantzakis est un personnage plein de doutes. Il est un homme, c'est certain, il est charpentier, il est même amoureux de sa cousine Marie-Madeleine. Sa rencontre avec son autre cousin Jean-Baptiste va changer sa vie. Après une tentation au désert (l'avant-dernière) il choisit d'assumer sa destinée et prend le chemin que nous connaissons. Mais ses doutes le poursuivent. Alors qu'il est sur la croix, se présente la dernière tentation : celle de vivre la vie normale, ordinaire, d'un homme heureux entre sa femme, ses enfants et ses amis. Cette vision se gâte lorsque ses anciens disciples, Judas en particulier, lui reprochent sa « trahison » et que l'apôtre Paul lui montre la religion née précisément de sa mort sur la croix. Comprenant alors quelle est sa destinée, il déclare « Tout est consommé » et meurt.
Le livre, et le film qui en est tiré ont choqué les traditionnalistes chrétiens, qui y ont vu une atteinte à la divinité de Jésus. Pour moi, elle n'est pas évidente, au contraire il me semble voir dans le roman comme dans le film un message de tolérance et d'humanisme : le fait que Jésus assume son « humanité » le place à notre niveau et nous permet de partager ses doutes et ses convictions et son difficile cheminement. Ce n'est d'ailleurs pas incompatible avec une certaine « divinité » tant que celle-ci est bienveillante (ce qui est le cas).
Nous sommes arrivés à un point où l'intolérance religieuse a atteint un niveau inégalé (et pourtant on a eu de beaux exemples dans le passé !) La foi prend le dessus sur la raison au lieu de cohabiter avec. Il ne sert à rien d'opposer « l'humanité » et « la divinité » de Jésus, il suffit de les accorder. Pour la foi et la raison, c'est pareil. Mais pour ça il faut prendre un peu de recul, accepter d'écouter la partie adverse, et ne juger (si toutefois un jugement est nécessaire) qu'en connaissance de cause.
Cette chronique diffère un peu des précédentes, elle touche à des convictions que chacun porte en soi, et je n'ai pu m'empêcher de donner un avis personnel sur la question. Si quelqu'un s'en est trouvé gêné, qu'il veuille bien me pardonner (je rajoute sur la liste des commissions : un sac et des cendres)
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Lu en anglais.

Seulement un écrivain grecque aurait pu écrire ce chef-d'oeuvre. L'héritage du littérature classique et de la mythologie grecque est évident dans les images riches et l'utilisation des métaphores.

D'un style sublime et technique remarquable, La dernière tentation du Christ nous offre une vue de toute l'expérience humaine. le roman aborde, magnifiquement, des questions universelles : Qu'est-ce que la liberté ? Qu'est-ce que le bonheur ? Quel chemin faut-il choisir pour effectuer le changement, le réforme ou la révolution ; la justice ou le pardon ? Et même, qu'est-ce que la sens de la vie ? Étant un auteur d'un niveau rarement atteint, Kazantzakis n'offre pas de réponse. le plus important, c'est qu'il ne laisse pas la profondeur philosophique de son roman le transformer en une chronique des réflexions ou des idées. La philosophie des personnages est une partie inséparable du récit. le suspens ne s'arrête jamais, l'histoire est claire et juste, le langage est poétique, mais jamais trop qu'il devient prétentieux ou qu'il on empêche de suivre l'histoire.

C'est un livre rare à lire et relire, en savourant phrase après phrase, et mot après mot.
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Citations et extraits (57) Voir plus Ajouter une citation
Devant la grande porte de la tour Jésus s'arrêta :
- Centurion, dit-il, tu me dois une faveur, tu t'en souviens ? Le moment est venu pour moi de te la demander.
- Toute la joie de ma vie, c'est à toi que je la dois, Jésus de Nazareth, répondit Rufus. Parle; tout ce qui est en mon pouvoir, je le ferai.
- Si on me capture, si on m'emprisonne, si on me tue, ne fais rien pour me sauver. Tu me le promets ?
Ils franchissaient à présent la porte de la tour; les sentinelles levèrent les mains et saluèrent le centurion.
- Tu appelles ça une faveur ? demanda Rufus, interdit. Je ne comprends pas les Juifs.
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Le sang de Pierre s'échauffa : - Allez-vous-en tous ! cria-t-il. N'est-ce pas à moi qu'il a dit avant-hier : "Pierre, tu es pierre et c'est sur toi que je construirai la nouvelle Jérusalem" ? - Il n'a pas dit la nouvelle Jerusalem ! Je les ai notées ici, ses paroles, dit Mathieu en frappant sur son cahier, contre sa poitrine. - Qu'est-ce qu'il m'a dit alors, gratte-papier ? Moi c'est ça que j'ai entendu ! dit Pierre, en colère. - Il a dit : "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise." Mon Eglise, pas Jérusalem; il y a une grande différence ! - Et qu'est-ce qu'il m'a promis encore ? cria Pierre; pourquoi t'es tu arrêté ? Ca ne t'arrange pas d'aller plus loin ? Pour les clefs... dis-le donc ! Mathieu, sans empressement, pris son cahier, l'ouvrit et lu : "Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux... " Après ! Après ! cria Pierre, triomphalement. Mathieu avala sa salive, se pencha à nouveau sur le cahier : "Ce que tu lieras sur terre sera lié dans le ciel et ce que tu délieras sur terre sera délié dans le ciel..." Voilà, c'est tout ! - Et tu trouves que ce n'est rien ? C'est moi, vous l'avez tous entendu, qui tiens les clefs; c'est moi qui ouvre et qui ferme le Paradis. Si je veux je vous fais entrer, si je ne veux pas, je ne vous fais pas entrer !
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Paul éclata à son tour :
- Ferme cette bouche éhontée ! lui cria-t-il en se précipitant sur lui. Tais-toi, si les hommes t'entendaient ils en auraient bras et jambes coupées. Dans la pourriture, l'injustice et la pauvreté de ce monde, Jésus le Crucifié, Jésus le Ressuscité était l'unique et précieuse consolation de l'homme honnête et opprimé. Mensonge ou vérité, que m'importe ? Il suffit que le monde soit sauvé !
- Il vaut mieux que le monde se perde par la vérité plutôt que d'être sauvé par le mensonge. Au coeur d'une pareille rédemption se trouve le grand Ver, Satan.
- Qu'est-ce que la vérité ? Qu'est-ce que le mensonge ? La vérité est ce qui donne des ailes à l'homme, ce qui crée de grandes actions et de grandes âmes et ce qui nous fait nous élever de toute notre hauteur au-dessus de la terre. Le mensonge, c'est ce qui rogne les ailes de l'homme.
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Le centurion donna des ordres, on apporta de quoi manger et de quoi boire, on dressa des tables. [...]
Il se pencha vers Jésus :
- Je dois une grande reconnaissance au Dieu que tu adores, dit-il. Donne-le-moi, je l'enverrai à Rome avec les autres dieux.
- Il ira bien tout seul, répondit Jésus, et il sortit dans la cour pour respirer.
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Pilate bailla de nouveau.
- J'ai compris, dit-il d'un air ennuyé, je comprends ton jeu, Jésus de Nazareth, roi des Juifs ! Tu insultes Rome, tu veux me mettre en colère, te faire crucifier, pour devenir toi aussi un héros. Tu as adroitement préparé le tout. J'apprends que tu as déjà commencé à ressusciter les morts, tu ouvres la voie. Ainsi tes Disciples proclameront plus tard que tu n'es pas mort, que tu es ressuscité et monté au ciel... Mais tu arrives trop tard, mon gros malin. Ton truc est éventé, trouves-en un autre. Je ne vais pas te tuer, je ne vais pas faire de toi un héros, tu ne vas pas devenir Dieu comme les autres, ôte-toi cette idée de la tête.
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Videos de Nikos Kazantzakis (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nikos Kazantzakis
Nikos Kazantzakis : Le regard crétois (1974 / France Culture). Nikos Kazantzakis sur l'île d'Égine, en 1927 - Photo : Musée Benaki. Par Richard-Pierre Guiraudou. Les textes, extraits d'“Ascèse”, d'“Alexis Zorba”, de la “Lettre au Greco”, de “Kouros”, de “Toda-Raba” et de “L'Odyssée”, ont été dits par Julien Bertheau, François Chaumette (de la Comédie-Française), Roger Crouzet et Jean-Pierre Leroux. Et c'est Jean Négroni qui a dit le texte de présentation de Richard-Pierre Guiraudou. Avec la participation exceptionnelle de Madame Eléni Kazantzakis, et la voix de Nikos Kazantzakis, recueillie au cours de ses entretiens avec Pierre Sipriot, en 1957. Réalisation de Georges Gaudebert. Diffusion sur France Culture le 1er août 1974. Níkos Kazantzákis (en grec moderne : Νίκος Καζαντζάκης) ou Kazantzaki ou encore Kazantsakis, né le 18 février 1883 à Héraklion, en Crète, et mort le 26 octobre 1957 à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), est un écrivain grec principalement connu pour son roman “Alexis Zorba”, adapté au cinéma sous le titre “Zorba le Grec” (titre original : “Alexis Zorba”) par le réalisateur Michael Cacoyannis, et pour son roman “La Dernière Tentation” (dont le titre a été longtemps détourné au profit du titre du film et désormais republié sous son nom authentique), adapté au cinéma par le réalisateur Martin Scorsese sous le titre “La Dernière Tentation du Christ” (titre original : “The Last Temptation of Christ”). Penseur influencé par Nietzsche et Bergson, dont il suivit l'enseignement à Paris, il fut également tenté par le marxisme et s'intéressa au bouddhisme. « Il a poursuivi une quête tâtonnante qui lui a fait abandonner le christianisme au profit du bouddhisme, puis du marxisme-léninisme, avant de le ramener à Jésus sous l'égide de Saint-François. » Bertrand Westphal (in “Roman et évangile : transposition de l'évangile dans le roman européen”, p. 179) Bien que son œuvre soit marquée d’un réel anticléricalisme, il n’en reste pas moins que son rapport à la religion chrétienne laissa des traces fortes dans sa pensée : goût prononcé de l’ascétisme, dualisme puissant entre corps et esprit, idée du caractère rédempteur de la souffrance… Ainsi la lecture de la vie des saints, qu'il faisait enfant à sa mère, le marqua-t-elle durablement. Mais plus que tout, c’est le modèle christique, et plus particulièrement l’image du Christ montant au Golgotha, qui traverse son œuvre comme un axe fondateur. Bien que libéré de la religion, comme en témoigne sans équivoque son fameux « Je n'espère rien, je ne crains rien, je suis libre », Kazantzákis restera donc l’héritier de cet « idéal Christ » qui se fond aussi, il faut le souligner, avec celui emprunté à la culture éminemment guerrière d’une Crète farouche encore sous le joug turc dans ses années d’enfance.
Sources : France Culture et Wikipédia
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