L'affaire, qui sera relatée par les journaux, commence en 2013 quand Makan est plaqué au sol en bas de chez lui par les policiers qui ont cru arrêter celui qu'ils poursuivaient. Sa mère, qui se trouvait là tout simplement pour expliquer cette interpellation inattendue de son fils en bas de leur appartement d'HLM, perdra un oeil suite au lancement d'une grenade (GMD). le frère de Makan, qui était là, perdra une partie de l'ouïe. Tout cela, parce que les agents de police ont pris Makan pour quelqu'un d'autre, persuadés qu'ils ont reconnu l'individu qu'ils recherchaient. A la suite de cet événement, les deux frères seront mis en examen, un long procès opposera la partie civile et la police. Un autre en appel. Six ans après, Makan est innocenté, mais les policiers ne seront pas condamnés. Comme il le dit, si les habitants n'avaient pas filmé ces scènes, « nous serions certainement en prison ». « « Rébellion et violences sur personne dépositaire de l'autorité publique ». J'avais beau m'y attendre, l'annonce du motif de ma garde à vue m'assomme. Ils se sont trompés, ils se trompent, ce n'est pas moi du tout qu'ils cherchent. Ça ne me ressemble pas ! » (p. 25)
Sur le moment, pendant cette garde à vue, Makan – paniqué – se retrouve envahi par des questions : que va devenir cette affaire, comment il pourra justifier cet événement au travail, est-ce qu'il se retrouvera avec un casier judiciaire marqué... « Ma vie va-t-elle être gâchée par erreur, leur erreur ? Comme ça, sur un coup de hasard, par faute de malchance – parce que je suis banlieusard ? Parce que les policiers ont lâché le dialogue, privilégié la violence ? Que valent mes mots face à ceux de tous ces hommes en uniforme ? » (p. 25-26).
Au fil des pages, l'auteur nous dénouera l'impact de ces événements sur sa vie et celle de sa famille, et plus encore fera comprendre comment toutes ces années passées avec un poids prouver son innocence l'ont menée vers la perte de l'équilibre et la dépression.
Makan Kebe explique la raison de ce livre : se réapproprier son histoire, l'histoire de sa famille, qui a été cousue par d'autres, concoctée à la va-vite et servie par les médias à l'occasion des procès. C'est lui qui prend la parole, enfin, sur ses propres conditions, dans son propre espace, avec cet outil libérateur : l'écriture. L'écriture, qui transforme une fragilité, une vulnérabilité, une sensibilité, en une force.