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EAN : 9782020055864
Seuil (01/06/1980)
3.47/5   43 notes
Résumé :
« Pour y aller, c’est très simple. Tu prends le métro à Kirov, après Marx tu changes à Place-de-la-Révolution, tu descends à Maïakovski, puis laissant derrière toi l’hôtel Pékin, tu longes la ceinture des jardins sur le trottoir qui fait face à l’ambassade du Chili, et tu tournes à gauche dans la rue du Prolétaire rouge, celle qui se trouve avant le théâtre de marionnettes d’Obraztsov. Impossible de te tromper. Il n’y a qu’un restaurant. » Un restaurant de Moscou. L... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Deux militants communistes décident de partir vivre deux ans en URSS (1976?). C'est donc en dehors de toutes visites officielles, que les auteurs s'immergent, et nous avec, dans le quotidien du monde communiste.
Fatalement, le rideau tombe. Tant et si bien que les auteurs, de retour en France, auront beaucoup de difficultés à se décider à écrire et publier le récit de leur voyage.
Loin de l'épopée mélo-dramatique d'un Soljenitsyne, qui focalise l'attention sur les conditions de vie extrêmes du goulag, on a ici un véritable compte rendu de la vie quotidienne des citoyens soviétiques sous l'ère Brejnev. Tout le mérite de cet ouvrage est de montrer, d'un point de vue pourtant communiste, la pesanteur de la vie russe de l'époque.

En URSS Jean Kehayan est employé comme « traducteur ». En réalité, après sa rédaction, le texte est déjà traduit en français par un soviétique. Ensuite Kehayan vérifie que le français est correct : « aucune connaissance en russe n'est nécessaire ! »
Nina et lui sont frappés par l'uniformité de l'ameublement dans les appartements soviétiques, comme celui des vêtements. Tant qu'ils portaient des vêtements à la française, tout le monde était au petit soin pour eux. Ils s'aperçurent que, dès qu'ils troquèrent ceux-ci contre les vêtements disponibles sur le marché russe, l'intérêt des gens pour eux diminua radicalement.

On pourrait croire qu'avec l'amélioration des conditions économiques, dans les années 70, un semblant de démocratie apparaîtrait... Il n'en est rien. Tout les déplacements en véhicule, hors agglomération sont contrôlés. Les voitures étrangères sont particulièrement surveillées.
Il est évident qu'il ne vaut mieux pas critiquer le Parti. Mais pire, ceux qui ne confient pas leurs enfants à l'organisation des Pionniers (organisation éducative proche du Parti) sont perçus comme « différents » et deviennent suspects. Rentrer au Parti est un véritable parcours du combattant. C'est qu'il faut présenter mains blanches pour intégrer l'aristocratie ! Tout est fait pour que le citoyen perde son temps à chercher comment se nourrir et ne se pose jamais de questions politiques. Les discussions politiques sont d'ailleurs très rares et tournent vite courts tant on a peur des représailles.
Avec un certain talent d'écriture, l'URSS des années 70 nous est contée et n'a rien du paradis sur terre...
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Conseillée par la bibliothécaire de l'INALCO où je travaillais dans les années 80, j'ai lu ce livre - que je possède encore - avant de partir en expatriation familiale en ex-R.D.A.

A l'époque, une telle expatriation avait un goût d'aventure, et c'en était une. On vous regardait avec admiration ou commisération, selon l'état d'esprit de votre interlocuteur. Mais rien, aucune lecture, aucun avis, ne remplace l'expérience vécue, incarnée. La citation que j'ai choisie représente mon quotidien de mère de famille durant deux années complètes. Je le dis sans amertume car je mesure d'autant mieux aujourd'hui les ravages de l'hyper-consommation.

Le choc des cultures était de toute nature. Entre autre, la déconvenue de certains expatriés de conviction communiste, qui se voyaient rejetés par les gens du cru, collègues de travail ou connaissances. Ceux-ci ne pouvaient comprendre, je cite Nina Kéhayan : ... "que l'on pût être membre d'un parti communiste de façon désintéressée dans un pays comme la France, où l'on trouve de tout, où l'on possède une voiture personnelle à trente ans". L'idéologie cédait le pas à un quotidien trop difficile et au manque de liberté dans un monde qui évoluait.

Cependant, dans ce contexte difficile, des amours sont nées, des amitiés se sont nouées et perdurent de nos jours. Quelles que soient les circonstances, il est impossible d'empêcher la rencontre. Même si je conserve très vivace le souvenir des difficultés endurées, par nous bien sûr, mais surtout par les peuples que nous côtoyons, ce qui reste prégnant, c'est d'avoir pu vivre en leur compagnie un moment de l'histoire, et de continuer l'histoire avec eux.
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Chronique d'un quotidien de désillusions de deux convictions face à une réalité de société bien différente.
Tableau d'une politique et de sa société, celle que l'on ne peut trouver dans aucuns chapitres de manuels, quel qu'ils soient.
A lire et découvrir sans hésitations pour une approche, peut être un peu plus honnête de certaines lignes politiques.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Nous nous en rendrons compte au cours d'un voyage à Riga, la capitale de la Lettonie.

Une heure de balade suffit pour comprendre la fascination qu'exercent sur les Russes leurs Républiques du nord. Bien que le fond de l'air soit soviétique par les taxis, les autobus; l'uniformité des bâtiments publics, il flotte sur la ville une atmosphère de décontraction et de bonne humeur. Ce n'est pas par hasard si, à l'heure des vacances, des millions de Russes se précipitent vers le nord, transformant les côtes de la Baltique en Côte d'Azur, et provoquant ainsi une hausse stupéfiante des prix de locations. Chaque mètre carré vaut de l'or, chaque parcelle de sable au soleil se gagne durement. La présence nombreuse d'Allemands de l'Ouest et de Scandinaves n'est pas étrangère à cette fièvre.

La plupart des dignitaires viennent ici se reposer. Peut-être se remémorent-ils, que de ces lieux historiques, Lénine s'est enfui à pied vers la Finlande sur la mer gelée...
A Riga, l'avenue centrale porte le nom du père de la Révolution. En un quart de siècle, elle aété successivement baptisés: avenue de la république, puis Adolphe Hitler, puis Joseph Staline, jusqu'à sa dénomination actuelle. Mais la capitale lettone est passée à travers ces tourments de l'Histoire en conservant ses clochers d'ardoise pointus, son élégance puritaine, son sens religieux si profond et sa haine avouée des Russes qu'elle considère comme des colonisateurs. Malgré l'intense soviétisation des postes clés, rien ne laisse entrevoir la possibilité de gommer ce sentiment que l'on perçoit en toute occasion.

Projetant de passer une soirée dans une boîte de nuit, nous étions allés nous y inscrire à l'avance et nous acquitter du prix d'entrée comme le veut la coutume. L'employée ne prit aucune précaution oratoire ou diplomatique pour nous signifier qu'elle nous acceptait mais qui'il n'y avait pas de place pour nos amis russes. Protestations, tentatives de corruption. Rien n'y fit. La charmante Lettone avait visiblement un éventail de choix pour ses cosmétiques, ses parfums et ses besoins en dollars. Nos compagnons furent moins scandalisés que nous, trouvant déjà miraculeux de venir ici sans visa, de s'assoir à une terrasse de café pour boire une bière fraîche ou du whisky importé moyennant quelques roubles supplémentaires. Ici, la surprise est à tous les coins de rue: niveau de vie plus élevé, qualité de la construction, entretien des routes. Autre motif d'étonnement: comme en Angleterre, le lait et le journal sont portés chaque matin et déposés à même le sol devant les pavillons individuels. Mais si par extraordinaire une bouteille disparaissait, l'accusé serait évidemment un touriste russe.

Et cette ironie ! Au marché kolkhozien de la ville, nous émerveillant d'avoir enfin découvert ces coussins jusque-là introuvables, et et nous en approvisionnant pour plusieurs amis, quelle ne fut fut pas notre surprise en entendant le vendeur se moquer ouvertement de la propagande soviétique: "Je comprends votre bonheur, j'ai encore lu hier dans la Pravda qu'il y avait pénurie de coussins à Paris."

A la fin d'un concert d'orgue pour lequel nous avions pu nous procurer des billets de façon parfaitement légale, nos amis russes réussirent à couper court à toute tentative de discussion sur la qualité de la civilisation de cette oasis en déclarant: "S'ils ont tout ça, en fin de compte, c'est bien grâce à nous et à notre aide désintéressée." Élégante manière, y compris pour des gens intelligents, de se retrancher derrière l'argumentation officielle "grand russienne."p.128 à 130,"
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Propos d'un scientifique sur les files d'attente :
« La plupart des gens, me dit-il, ne se posent pas de questions et n'imaginent même pas que les choses puissent se faire autrement. On les a si bien habitués à passer une partie de leur vie dans les dédales de la bureaucratie qu'ils ne remettent pas en cause ce genre de structure. Si c'est ainsi qu'en a décidé notre gouvernement, c'est que l'on ne pouvait faire autrement et c'est donc bien. Mais pour nous, ceux que l'on appelle les intellectuels, il ne fait pas de doute que ce type d'organisation est volontairement maintenu : plus l'on consacre de temps à ce genre de choses, moins on le passe à d'autres, qui risqueraient d'être dangereuses : lorsque je perds un dimanche matin ici, à bavarder avec mon fils, je ne discute pas avec mes amis, ni même avec ma femme. Je suis moins porté à la réflexion et donc à la contestation.
[…] L'essentiel pour notre gouvernement est de nous faire perdre le plus de temps possible, de faire en sorte que notre temps libre le soit en fait le moins possible. »
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 Propos d'un peintre sur la dissidence :
"Ce terme est fabriqué par le KGB pour entacher d'une notion péjorative le concept d'opposant. Officiellement, il n'y a pas d'opposants en URSS. Il y a seulement des voyous, des fous et des individus qui s'adonnent à des activités antisoviétiques. Que diriez-vous si la presse française qualifiait Georges Marchais de dissident par rapport à Georges Pompidou ? Il est vrai que chez vous l'opposition est radicale et se prononce pour un changement complet de société. Ici, personne à ma connaissance ne veut renverser le socialisme, on souhaite simplement abolir l'exploitation de l'homme par l'Etat, revenir aux sources, revivre l'enthousiasme créatif qui fut celui des années vingt, lorsque nos aînés avaient des possibilités d'une dimension extraordinaire pour pallier la famine et la misère économique."
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Les problèmes d'organisation de la vie familiale et de consommation sont tels qu'ils occupent la majeure partie des conversations féminines. Bien que privilégiés par l'importance de nos revenus, j'ai gardé vivace l'angoisse qui m'étreignait régulièrement à ne pouvoir libérer mon cerveau de ces préoccupations obsédantes. J'avais la sensation de m'abrutir en efforts d'imagination pour confectionner un repas avec ce que j'avais pu trouver au hasard de mes longues recherches dans les magasins du quartier.
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