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Critique de Gwen21


Ah, la réputation d'un souverain ! Elle lui colle à la couronne mieux que du chewing-gum à une semelle !

(Au passage, on peut dire merci aux Romantiques et aux historiographes du XIXème siècle et de la IIIème République).

Des rois fainéants mérovingiens vautrés dans leurs peaux de bête, un cuissot de chevreuil coincé en travers des mâchoires, au célèbre "Ils n'ont pas de pain; qu'ils mangent de la brioche !" fantasmé de Marie-Antoinette, tous les ingrédients sont là pour faire une bonne soupe populaire propre à stigmatiser les comportements et à exciter les passions. Or, si on peut se passionner pour un domaine comme L Histoire, on se doit aussi de l'aborder avec raison et objectivité, exactement comme un scientifique le ferait d'une expérience dans son laboratoire. On ne tire des conclusions et des théories que des faits, eux-mêmes étayés par des sources historiques ou archéologiques.

Le travail de recherche de qualité que nous livre Paul Murray Kendall dans cette biographie de "l'Universelle Aragne" tend à réhabiliter un homme, un politicien, un roi d'une intelligence supérieure.

Intelligence qui a dû contrarier voire effrayer un bon nombre d'esprits moins fins qui ont vite fait de taxer ce roi au physique disgracieux des qualificatifs peu propres à lui ériger une belle notoriété dans les siècles suivant son règne : sournois, calculateur, rusé, manipulateur, tyrannique, cruel... En prenant de confortables raccourcis, on en arriverait réellement à croire que celui qui de son vivant était déjà désigné comme une araignée prête à piéger ses ennemis dans une toile savamment tissée fut un "mauvais roi".

Qu'est-ce qu'un "mauvais roi" d'ailleurs ? S'agit-il d'un roi lâche, fuyant le champ de bataille ou simplement d'un intellectuel ayant une approche novatrice et visionnaire des alliances politiques et de la diplomatie, voyant au-delà du combat fratricide, au-delà de son règne, ayant... une vision stratégique de son devoir et une grande ambition pour son royaume ? On entend souvent dire que Louis XI n'était pas un roi belliqueux car il préférait payer rubis sur l'ongle ses ennemis pour désamorcer les conflits plutôt que croiser le fer avec eux et s'adonner ainsi au "sport national" de la chevalerie française. Or, Louis XI fut un roi belliqueux (quel souverain ou grand feudataire ne l'était pas au XVème siècle en Europe ?) mais il le fut différemment de ses prédécesseurs et, sans doute plus "intelligemment". Il n'est pas facile de trouver le courage de réformer un système politique et pourtant, qu'a-t-il fait d'autre que cela ?

La biographie de Paul Murray Kendall est un ouvrage passionnant qui rend parfaitement compte de la complexité de l'échiquier politique d'une période charnière pour l'Europe et la France. La chute du puissant duché de Bourgogne avec la mort devant Nancy en 1477 du duc Charles le Téméraire, la succession d'Aragon, la crise dynastique de la maison de Savoie jouxtant le fief du Dauphiné, la Ligue du Bien Public... et la nécessité de (re)construire la France sur des bases durables et d'en faire un état fort et dominateur après une Guerre de Cent ans qui l'a laissée exsangue sont autant de tâches qui ont largement sollicité l'énergie et la matière grise d'un roi pas si "mauvais" qu'on voudrait le faire croire.
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