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Critique de Stemilou


Ce livre plus carnet de voyage que roman nous emmène dans l'Egypte de 1985. Premiers écrits de l'auteur basés sur des notes prises durant son voyage qui dura deux mois. Une préface de l'auteur lui-même nous explique comment ce livre a vu le jour, qu'est ce qui l'a conduit si loin de chez lui.

Il est question de ses rencontres, ses opinions sur l'état économique et social du pays, de ses déconvenues au pays des pharaons. Un pays coincé entre son désir de modernité et son élan vers le passé, un passé riche en évènements. L'Egypte est gouvernée à ce moment par Sadate, ouverte vers l'extérieur, vers le capitalisme mais la population est de plus en plus pauvre, nombre d'habitants enchaîne les boulots comme ce chauffeur de taxi qui est en fait principalement policier.
Il nous dépeint une société en manque d'éducation, les enfants devant très tôt travailler pour aider leur famille, une société se tournant davantage vers l'islam et où le fondamentalisme commence à gagner du terrain.

A son arrivé l'auteur est confronté à un problème de taille : la circulation.

Tournant le dos à l'agitation de la place Ramleh, j'ai tenté de traverser la rue. L'expérience peut se révéler éprouvante pour les nerfs, dans un pays où le Code de la route paraît comporter les règles suivantes : ignorer les feux de croisement, les panneaux « stop » et les passages pour piétons ; maintenir la plus vive allure même dans les artères embouteillées ; ne jamais indiquer un changement de direction, le klaxon devant toujours être préféré à l'usage des clignotants ; refuser systématiquement la priorité et considérer tout piéton comme une cible possible…

Il passe par le Caire, Alexandrie, Siwa, Assouan…. Et décrit une langueur dans le style de vie :

Avec son charme de photo sépia, Alexandrie était incontestablement une ville attirante. Il y avait quelque chose de confortable dans son délabrement, quelque chose qui vous invitait à explorer votre tendance à l'oisiveté, une fois que vous aviez percé à jour ses mythes trompeurs. Je me serais bien vu m'installer à New Capri, traîner tous les matins au café Athineos, écouter du Mahler chez Moustapha, me joindre au salon hebdomadaire de Sarwat, et me laisser aller à la paresse. C'était un danger inhérent à cet endroit, cette langueur qui finissait par décourager toute ambition ou désir d'aller de l'avant.

Ses rencontres avec les égyptiens de toute classe sociale : paysan, moine, chauffeur de taxi, enseignant… lui donne l'envie de découverte ; mais aussi ses rencontres avec les étrangers de passage, malgré le fait qu'il évite comme la peste tout lieu touristique, lui laisse un goût amer

« Ils sont toujours comme ça, les Egyptiens » : l'Occident baisse son regard sur le tiers-monde et recule, dépité. Et sa déception s'exprime principalement de deux façons : 1) le raisonnement du « Pourquoi ne sont-ils pas comme nous ? », où les gencives malades, les chameliers corrompus et les guides blasés sont cités comme preuves irréfutables de la stagnation perpétuelle à laquelle des contrées comme l'Egypte seraient condamnées ; 2) L'école du « Contemplez ces opprimés », dont les tenants, si bien épinglés par V.S. Naipaul, aiment faire de petits tours parmi les pauvres, proclamer leur solidarité avec les victimes éternelles du colonialisme et en rajouter des tartines sur leur confortable culpabilité.
A Louxor, ces deux mentalités paraissent se fondre l'une dans l'autre : tout en se plaignant de l'inaptitude des indigènes avec des accents presque impériaux, l'Occidental pouvait également se payer le luxe de reprocher au tourisme de les avoir transformés en serfs complaisants. Dans les deux cas, tout cela se résumait à des clichés.

Tourisme de masse et touristes se comportant comme des maîtres, l'auteur fuit tout cela pour se réfugié parmi les égyptiens, voyageant avec son sac à dos et ses carnets de note.
Un livre mi-roman mi-carnet de route publié pour la première fois en français et toujours interdit en Egypte, un documentaire sur les moeurs, style de vie, conflit de religion entre coptes et musulmans, problèmes sociopolitiques mais le tout loin des clichés. Relève des contradictions comme des bédouins qui regardent les séries américaines ou des moines experts en informatique et communication. Et une chose frappante, ce désir absolue d'une administration destinée à rendre fou ces administrés, à leur rendre la tâche difficile, où une demande de visa peut prendre cinq heures.

D'ailleurs l'auteur dit à la fin de l'ouvrage à propos du barrage d'Assouan :

Le contraste ne pouvait être plus frappant : au sud, l'Egypte mythique ; au nord, l'effort de modernité ; au sud, l'Afrique ; au nord, l'Europe. Perché sur le grand rêve technologique d'un pays en développement, je me suis senti en équilibre précaire entre ces deux univers qui venaient se rejoindre ici. Tous les dilemmes égyptiens semblaient converger dans ce barrage massif, devenu le symbole des énergies contradictoires à l'oeuvre en Egypte. Mythes et réalités s'étaient donné rendez-vous ici, avec d'un côté le fleuve dispensateur de puissance et de vie, de l'autre le lac et sa promesse d'éternité.

Très simple à lire et extrêmement dépaysant, c'est un livre pour les vacances !



A voir pour agrémenter la lecture, un carnet de route web :

http://carnet-de-voyage-en-egypte.blogspot.com/
Lien : http://stemilou.over-blog.co..
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