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Ce livre est une compilation des chroniques que Gilles Kepel, universitaire spécialiste du monde arabe et parlant l'arabe, a tenues sur France Culture entre les étés 2015 et 2016 sur les événements concernant le monde islamique (sunnite et chiite) et leur répercussion en France, en Europe et dans tout le monde occidental. Elle est précédée d'un prologue qui remet les événements dans une perspective historique et présente notamment ce que l'auteur appelle "la 3eme génération du djihadisme" (initiée dès 2005 par les écrits du prédicateur Abu Musab al-Suri, repris ensuite par le porte-parole de Daech al-Adnani), qui à la différence de la stratégie employée par al-Qaida, s'appuie sur des individus ou des groupes qui agissent sur leur territoire, de façon très autonome et pratiquement sans formation préalable. Précédée en 2012 par les attentats perpétrés à Toulouse par Mohamed Merah, l'année 2016 a hélas fournit plusieurs exemples de mise en oeuvre de cette stratégie. Cette stratégie vise délibérément à pousser les populations occidentales (et tout particulièrement en Europe, identifiée comme le maillon faible de l'Occident) à réagir par la violence, voire des "progroms", à l'égard des musulmans provoquant alors une fracture dans notre société qui permettra à terme le triomphe de l'islam sur les "mécréants". le livre se termine par un épilogue d'une soixantaine de pages qui approfondit certains aspects de la situation en France, en particulier l'accusation d'"islamophobie" qui est adressée à ceux qui tentent d'éclairer le djihadisme par une compréhension historique, politique et sociologique de l'islam, et notamment de sa composante traditionaliste et littéraliste dite "salafiste" qui a pris son essort en Arabie Saoudite et dans les Pays du Golfe. Gilles Kepel dénonce à cet égard l'attitude de certains mouvements (dont le CCIF) qu'il qualifie d'"islamo-gauchistes" qui réfutent le terme de "djihadisme" car il ne s'agit pour eux que d'une réaction d'un peuple colonisé envers son colonisateur. Pour ces mouvements, toute analyse intégrant des paramètres liés d'une façon ou d'une autre à l'islam est jugée "islamophobe", cherchant de cette façon à victimiser tous les musulmans. Bien sûr, Gilles Kepel récuse également tous ceux qui en France (et ils sont nombreux) visent à tirer électoralement parti des attentats pour "montrer du doigt les immigrés ou l'islam de manière à cristalliser un clivage à base ethno-religieuse". Sans tomber dans l'un ou l'autre de ces excès, prônant une analyse réfléchie des mouvements qui secouent aujourd'hui les sociétés islamiques et occidentales, j'ai trouvé ce livre très précieux pour mieux comprendre les évènements tragiques qui ont frappé l'Europe et le Moyen Orient ces deux dernières années.
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Un entretien qui a eu lieu ne janvier 2016 au Théâtre de la Bastille
Terreur dans l'hexagone (https://www.librest.com/livres/terreur-dans-l-hexagone--genese-du-djihad-francais-gilles-kepel_0-3722415_9782072706196.html?ctx=d20abe26ffb097980ee19a4f1cdfe7aa) (Gallimard, 2016)
Présentation de l'éditeur :
Pendant les dix ans qui séparent les émeutes de l'automne 2005 des attentats de 2015 contre Charlie Hebdo puis le Bataclan, la France voit se creuser de nouvelles lignes de faille. La jeunesse issue de l'immigration postcoloniale en constitue le principal enjeu symbolique. Celle-ci contribue à la victoire de François Hollande aux élections de 2012. Mais la marginalisation économique, sociale et politique, entre autres facteurs, pousse certains à rechercher un modèle d'« islam intégral » et à se projeter dans une « djihadosphère » qui promeut la rupture avec l'Occident « mécréant ». le changement de génération de l'islam de France et les mutations de l'idéologie du djihadisme sous l'influence des réseaux sociaux produisent le creuset d'où sortiront les Français exaltés par le champ de bataille syro-irakien. Fin 2015, près de mille d'entre eux l'ont rejoint et cent cinquante y ont trouvé la mort, sans compter ceux qui perpètrent leurs attentats en France. Dans le même temps, la montée en puissance de l'extrême droite et les succès électoraux du Front national renforcent la polarisation de la société, dont les fondements sont aujourd'hui menacés de manière inédite par ceux qui veulent déclencher, dans la terreur et la désolation, la guerre civile. C'est à dénouer les fils de ce drame qu'est consacré ce livre.
Biographie
Gilles Kepel, spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain, anime le séminaire « Violence et dogme » à l'École normale supérieure et enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris. Il a récemment publié aux Éditions Gallimard Passion arabe (2013) et Passion française (2014). Antoine Jardin, spécialiste de la sociologie politique des quartiers populaires, est ingénieur de recherche au CNRS.