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Citations sur Tangente vers l'est (70)

Il soulève un pan de rideau et jette un œil à travers la vitre, côté couloir. Dehors, c'est toujours la même nuit chromée et le train qui roule sans faillir, franchissant un à un les fuseaux horaires, désagrégeant le temps à mesure qu'il parcourt l'espace ; le train qui compacte ou dilate les heures, concrétionne les minutes, étire les secondes, progresse arrimé au sol et pourtant désynchronisé des horloges de la Terre : le train comme un vaisseau spatial.
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On crie, on chante, on ouvre des bouteilles de vodka à la chaine, on partage des gâteaux, on fond en larmes, une femme s’évanouit d’émotion, une autre déclame un poème, un couple danse, tout le monde parle en même temps, personne ne s’écoute, et dans l’euphorie générale Hélène oublie Aliocha détenu dans son dos pour se fondre dans le brouhaha inintelligible, imaginer les louanges superlatives, les saillies lyriques, le concours d’hyperboles – un vieil homme au bout du wagon se frappe le torse en criant nous les Russes sommes peut-être pauvres, mais nous avons le Baïkal ! La plus grande réserve d’eau douce de la Terre !
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Le lac [Baïkal]
est tour à tour la mer intérieure et le ciel inversé,
le gouffre et le sanctuaire, l'abysse et la pureté,
le tabernacle et le diamant,
il est l'œil bleu de la Terre, la beauté du monde
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Putain la Sibérie ! Voilà ce qu’il pense une pierre dans le ventre, et comme pris de panique à l’idée de s’enfoncer plus avant dans ce qu’il sait être une terre de bannissement, oubliette géante de l’empire tsariste avant de virer pays du goulag. Un périmètre interdit, une zone mutique et sans visage. Un trou noir. La cadence du train, monotone, loin d’ankyloser son angoisse, l’agite et la ravive, déroule les files de déportés pioches à la main dans les tempêtes de neige, rameute les baraques frêles alignées au milieu de nulle part, les cheveux que le gel a collé la nuit contre les sols de planches, les cadavres raidis sous le permafrost, images tremblées d’un territoire dont on ne revient pas.
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"Le silence est tel après le vacarme du train que chaque bruit explose, vit sa vie de bruit, un crissement d'herbe, un froissement de plume, une plaque de terre qui craque, l'écho de leur présence sous le ciel qui se charge en encre, toutes sonorités qui sont comme la dorsale de l'espace, et leurs voix elles aussi sont d'une autre matière."
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« Le Transsibérien. La ligne mythique : deux rails en forme de ligne de fuite qui la conduiraient jusqu’au Pacifique. La piste de la liberté qui donnait sur l’océan. » (p. 62)
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…le cœur d’Aliocha bastonne dans sa poitrine quand le train, lui, progresse droit à vitesse constante, tout comme progresse désormais la terreur du garçon : au bout des rails, il y aura la caserne et la diedovchina, le bizutage des appelés, et lorsqu’il sera là-bas, si les conscrits de deuxième année lui brûlent la verge à la cigarette, lui font lécher les latrines, le privent de sommeil ou l’enculent, il sera seul, personne ne pourra rien pour lui.
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Ne sait-il pas qu'en territoire hostile la solution est toujours collective ?
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Apprendre la patience. Rester calme, ne pas faire n’importe quoi, parler à n’importe qui ou descendre n’importe où, et par exemple dans l’un de ces gros bourgs que le Transsibérien a fait surgir de terre et qui faufilent le rail comme les boules d’un collier - maisons de bois aux cheminées fumantes, silhouettes qui traversent des jardins soignés, chiens qui aboient derrière des palissades -, il doit renoncer à ces gares isolées, à ces villages faciles à fouiller où il se ferait aisément repérer. Patience Aliocha, patience ! Le jeune homme s’approche de la vitre, son regard passe outre son visage reflété : dehors compacte et ténébreuse, océanique, la forêt sibérienne est là, et s’y enfoncer serait comme pénétrer l’eau noire avec des pierres au fond des poches, et Aliocha veut vivre.
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Le paysage défile maintenant par les ouvertures de la cellule grise qu'ils ont occupée ensemble, à touche-touche, unis dans les mêmes soubresauts, dans les mêmes accélérations et les mêmes ralentissement, où ils ont mélangé la fumée de leurs clopes et la chaleur de leurs souffles. Aliocha retient sa respiration, il n'est pas suppliant, il n'est pas une victime, il est comme elle, il s'enfuit, c'est tout. La femme pose ses yeux dans ceux du garçon - une clairière se lève dans le petit jour sale, très verte -, se mord les lèvres, suis-moi.
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