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Critique de ODP31


Et si la Covid 19 était sorti de l'imagination d'Etgar Keret ?
Pas impossible tant ce que nous traversons depuis le début du confinement aurait pu trouver sa place sans détonner dans le dernier recueil de nouvelles un peu barrées de l'auteur israélien.
Il aurait peut-être intitulé son récit « A la recherche du masque perdu » ou « Sexe avec gestes barrières » et il nous aurait fait rire et réfléchir sur l'inconscience de soi et la relativité de nos existences.
Les 22 nouvelles qui composent « Incident au fond de la galaxie » font souvent le pari de l'absurde, défient parfois la réalité en duel et pactisent avec l'humour et le fantastique pour damner certaines de nos turpitudes.
« Ne fais pas ça ! » suit par exemple un veuf et son fils qui voient un homme prêt à se suicider du quatrième étage d'un immeuble. le petit veut une glace et voir le désespéré s'envoler comme un super héros tandis que le père fait tout pour le sauver. Il lui parle avec ses tripes et en quelques pages, l'auteur questionne avec force et finesse la capacité à surmonter ou pas la perte d'un être cher.
D'autres nouvelles abordent la solitude de façon plus légère comme « Tod » qui supplie son ami écrivain de lui pondre une histoire qui lui permettrait de coucher avec une fille. Autre question existentielle autour du même thème. Que fait un poisson rouge la nuit pendant que chacun dort seul avec ses rêves ?
Keret, c'est le Schengen de la nouvelle, celui qui efface les frontières terrestres pour laisser passer les âmes à la douane. Il mélange le virtuel et le réel comme un plat de tagliatelles. Il clone Hitler pour assouvir la vengeance des descendants de ses victimes, il menace d'expulser un ange au royaume du barbecue car ce dernier affiche une mine trop triste depuis la mort de Dieu.
Il est important de ne pas lire toutes les histoires d'un trait. Ce n'est pas un recueil pour soiffard. Il m'a fallu laisser un peu de temps passer pour détecter tous les cépages de ces nouvelles. Pas une lecture cul sec pour pilier de comptoir ! Il faut garder les idées claires pour trinquer avec Etgar.
J'ai dû un peu gamberger pour comprendre pourquoi une épave de voiture compactée était devenue une table de salon et pourquoi un amnésique soigné dans un centre de réalité virtuelle pouvait tomber sous le charme d'un hologramme. Ou l'inverse…
Que dire aussi de cette histoire de B.A où une bourgeoise et ses copines trouvent un sens à leur vie en faisant des câlins à des SDF ? Elles découvrent que c'est plus gratifiant qu'un diner mondain de bienfaisance.
Dans la même veine, un homme riche mais trop seul décide de fêter son anniversaire tous les jours en rachetant les anniversaires d'inconnus à prix d'or. L'argent fait son bonheur, la joie égoïste de déchirer des papiers-cadeaux au mépris du pathétique.
Vous pouvez rajouter aussi au menu un couple stérile qui adopte un chien agressif, un dépucelé trop reconnaissant et un homme-canon qui tombe de haut.
Au final, un ensemble que j'ai trouvé inégal mais pas aussi foutraque que mon billet peut le laisser supposer car toutes ces histoires sont des déviations qui nous ramènent avec humour à nos impasses : le deuil, la solitude, la religion et le sens de l'histoire.
Une galaxie facétieuse pour pensées corrosives en orbite.
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