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Rosie Pinhas-Delpuech (Traducteur)
EAN : 9782742773893
253 pages
Actes Sud (06/03/2008)
3.82/5   11 notes
Résumé :
Paru en 1992, Pipelines, d'Etgar Keret, signait l'entrée fracassante, sur la scène littéraire israélienne, d'un écrivain qui s'imposait d'emblée comme un inventeur de formes capables de traduire, à l'intention de générations nouvelles, un monde à tous égards entré en mutation et qu'ébranlaient, en Israël comme ailleurs, de violentes et multiples convulsions. Si les textes qui composent Pipelines portent l'empreinte d'un surréalisme métaphysique qui rappelle Kafka ou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Etonnant. Je n'ose pas dire détonnant, je sens qu'une bombe va exploser au coin de la rue. BOUM, une mine, des soldats morts. Tac-tac-tac, des Palestiniens criblés de balles… Et comme cela fait des années que la situation dure et perdure – et pourtant je suis d'un âge canonique – BOOM, je découvre ce bouquin, que j'aurais pu trouver dans la poche de treillis d'un soldat israélien, laissé là pour mort. Peut-être même que cela fait un an qu'il le lit, à la hauteur d'une nouvelle par semaine, si je sais bien compter, il y a donc cinquante-deux nouvelles, des shorts-stories, dans ce livre. Et j'aime ce genre-là, les micro-histoires à la Brautigan ou à la Carver, car il m'en apprend pas mal sur le pays, sur les gens, sur le quotidien. Sur l'adolescence de l'auteur et la préoccupation du service militaire.

Dans « Pipelines », j'y découvre beaucoup d'histoires autour de l'armée et du service militaire - presque omniprésent, des arabes moustachus, et aussi un autre moustachu plus aryen d'une autre époque. Et au milieu de la banalité de ce quotidien, parfois des morts, parfois des décombres ou des tunnels qui mèneraient au Paradis, ou à l'Enfer. Et pour décompresser, il y a du loufoque, de l'incongru, du mystère et par moment une pointe de fantastique – ou disons, d'imaginaire. Un esprit totalement décalé. Lorsque je commence une histoire, je n'imagine pas du tout dans quel kibboutz l'écrivain va m'embarquer…

Etgar Keret semble particulièrement aimé ce genre de format, ce n'est ni son premier, ni son dernier. Il aime faire court, il aime bousculer la chute, au bout d'une page ou deux, guère plus, au-delà ça devint une guerre de lassitude. Alors l'écrivain préfère rester dans l'instant, une idée, trente lignes, et BOOM, la fin abrupte et brutale, comme un enfant palestinien qui marche sur les abords d'une route poussiéreuse et saute malencontreusement sur une mine. Voilà, c'est ça les nouvelles de Etgar, je n'ai pas le temps de m'ennuyer, j'avance et je ferme les yeux, jusqu'à ce que je rentre dans un mur, sur une patrouille militaire, voir même dans un pipeline. Et j'ai beaucoup aimé. Peut-être même que j'y reviendrai, après tout, je crois que c'est la première fois que j'entre en terre israélienne… Peut-être même qu'après ça, je vais également m'écouter quelques micro-improvisations de Keith Jarrett, là je suis fourni, en prenant une bière, non merci à cette heure-ci pas de café, en imaginant la construction d'un biéroduc jusqu'à la poussière de mes terres…
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J'ai été surprise par l'accumulation des quelques 50 textes ultra-courts qui nous transportent dans des univers très différents les uns des autres avec force personnages attachants, perdus ou déjantés.
On découvre des histoires toujours en prise avec le réel et qui de manière souvent drolatique dévient comme si de rien n'était vers un fantastique surprenant toujours son lecteur . Nous nous sentons souvent un peu cois devant les chutes brutales et inattendues.
L'auteur a écrit ses premières nouvelles alors qu'il effectuait son service militaire et que son meilleur ami venait de se suicider.
Elles ont été un échappatoire à son quotidien intolérable.
Ces histoires courtes et ciselées nous réveillent en nous dérangeant. Elle semblent portées par une impulsion irrépressible dont on ressent la force dans la densité de ces courts récits ramassés sur eux-mêmes.
Le tragi-comique a trouvé une nouvelle forme pour se déployer avec humour, poésie, profondeur et un brin de férocité sous la plume de cet écrivain qui me rend curieuse et dont je ne vais pas tarder à lire d'autres titres.
Quelques pépites : "Houbeza"un magnifique petit conte sur le bonheur;
"Berceuse pour le temps", un texte somptueux sur le temps qui s'arrête en enfance à l'heure de la berceuse;
"Katzenstein"un texte drôle pour dire la souffrance d'un homme comparé depuis l'enfance aux performances d'un fameux Katzenstein, et qui fini en enfer, rongé par la jalousie à en devenir fou;
"Pipelines", une histoire de suicide à la mode fantastique.
http://sylvie-lectures.blogspot.com/2008/05/pipelines-etgar-keret.html
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Alors cet ouvrage est assez difficile à décrire. Il comporte une cinquantaine de textes, comme autant de tableaux liliputiens à observer derrière de petites portes en bois peint écaillé ou de lourds rideaux de velours rouge

Oscillant entre le poétique, le désuet, le vulgaire, le cruel et le (grand) cru, la teinte de ces nouvelles se nacre et s'irise souvent d'abstrait et d'absurde, entre amourettes et service militaire.

Vraiment inclassable on pense tantôt à Kafka, tantôt à Basara (recemment lu), ou encore un trip de grand n'importe quoi à la Alona Kimhi

(...)
http://lelabo.blogspot.com/2008/08/edgar-keret-pipelines.html
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Chaque semaine c'est la même histoire. Vendredi, quatre heures et quart, j'ai déjà enfilé ma tenue de sport, Ya'acov doit passer me chercher dans cinq minutes et c'est alors qu'elle dit : "Et si tu n'y allais pas aujourd'hui ? Tu sais bien que mon père se vexe quand tu ne restes pas pour la bénédiction du shabbat." Et chaque fois, je dois lui expliquer que je travaille comme un âne, que je fais des heures supplémentaires pour payer la maison de retraite de son père, et que le vendredi après-midi est mon seul moment de libre pour voir les copains, jouer au foot et oublier un peu les soucis. Et chaque semaine, elle me répète : "Mon père me demande si je suis veuve et pourquoi mon mari n'est pas à table." Alors je lui conseille de dire à ce vieil emmerdeur qu'elle est devenue veuve et que s'il veut que le mari de sa femme ressuscite qu'il cesse de nous pomper le pognon et déménage de sa maison de retraite cinq étoiles pour un endroit moins cher. Et cette chienne, me réponds toujours : "Je t'assure, Moshé, avec un mari comme toit, mieux vaudrait être veuve."
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Le fils du chef du Mossad ne savait pas qu'il était le fils du chef du Mossad. Il croyait que son père était entrepreneur en travaux de terrassement. Et chaque matin, quand le père sortait du tiroir inférieur son Beretta et inspectait une par une dans le chargeur les spéciales 38 mm, il croyait que c'était à cause des Arabes des territoires avec lesquels il travaillait. Le fils du chef du Mossad avait de longues jambes maigres et un drôle de prénom. Il s'appelait Alex, en souvenir d'un ami de son père tué pendant la guerre des Six Jours. Et quand on voyait le fils du chef du Mossad en été, vêtu d'un short, se balançant sur ses fines échasses blanches, on l'aurait cru sur le point de s'écrouler. Et ce prénom, Alex. Il avait si peu l'air d'un fils du chef du Mossad qu'on pensait forcément à une nouvelle mystification du père, pour dissimuler son identité véritable.
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En arrivant sur l'Alexanderplatz, nous heurtâmes un cadavre. Ludwig le retourna maladroitement sur le dos et essaya, sans la moindre notion d'anatomie, de lui prendre le pouls là où il n'avait jamais battu. C'était le cadavre d'une jeune femme dont la robe était imbibée de sang. Bien qu'elle fût morte, son visage paraissait livide de douleur. Ludwig appuya son fusil contre la grille d'une maison et prit la jeune fille dans ses bras. Nous ne pouvions l'enterrer nulle part. Il la déposa délicatement sur le siège arrière d'une Volkswagen ouverte, garée non loin de là. Il ôta son manteau et recouvrit le cadavre souffrant. Puis il retourna prendre le vieux fusil et nous continuâmes notre promenade. "Quelle étrange nuit, dit Ludwig d'une voix tremblante, les mains autour de la taille comme pour essayer d'arrêter le froid. J'ai donné mon manteau à la jeune fille et je ne sais même pas son nom. Au diable, dit-il de plus en plus gelé, je ne connais même pas la couleur de ses yeux."
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Les soldats se sont excusés devant elle d'avoir tiré sur moi. Il faisait obscur, la frontière était proche et le tuyau en aluminium que je transportais ressemblait à un fusil. J'aurais dû réagir à leurs appels, mais comme d'habitude je les ai ignorés. Elle a pleuré si joliment, c'étaient des pleurs vierges en quelque sorte, ceux d'un être qui n'avait connu que de bonnes choses dans la vie.
Ils lui ont parlé des trois balles qui m'ont touché, deux à la base de la colonne vertébrale, de mon cri de douleur... non, je n'ai pas eu mal, mais j'ai fait semblant comme toutes les fois où j'ai chuchoté "je t'aime" alors que dans mon cœur je disais “pétasse" à toutes les femmes avant elle.
Les larmes coulaient, caressaient ses pommettes saillantes et délicates, glissaient le long du galbe de son cou. Et l'officier, le plus jeune des deux, a posé la main sur son épaule comme pour la soutenir, sa lèvre inférieure a frémi, elle a senti le désir de l'homme.
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Hans et moi, nous n'avions rien d'autre en commun que le cancer du cerveau dont nous étions atteints. Lui était un vieillard ratatiné qui parlait un hébreu saccadé, et moi un gars du pays, grand et gros, qui n'avait pas encore atteint la quarantaine. Pourtant, à partager une chambre qui n'avait pas été rafraîchie, nous nous sentions comme de vieux amis. "C'est parce que toi et moi nous sommes des malades terminal", expliquait Hans. J'aimais son hébreu approximatif, surtout quand il me qualifiait de "malade terminal", comme si je m'étais trouvé dans un aéroport bruyant d'où je me serais apprêté à m'envoler pour ailleurs, pour un endroit différent.
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Videos de Etgar Keret (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Etgar Keret
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