Un bijou!
Les jeux subtils du vouvoiement et du tutoiement, dans une langue qui tutoie dieu et voussoie sa belle-mère.
Un régal de finesse, pour enfin comprendre pourquoi on peut tutoyer un collègue de travail et dire vous à sa meilleure amie, et finalement se féliciter d'user d'une langue qui permet tant de précision par la grâce d'un pronom.
Commenter  J’apprécie         110
Instructif et amusant.
Pour compléter le livre, le cas suédois est très intéressant.
Il ressemble un peu à l'exemple italien
le "tu" était utilisé, mais le cas le plus employé était la troisième personne du singulier, au singulier ou au pluriel. le n"ni" équivalent du vous français était peu utilisé et ressenti comme peu cordial
La troisième personne est resté très largement utilisé jusqu'au milieu du vingtième siècle, et a été abandonné largement à la suite une intervention gouvernementale. Aujourd'hui la troisième personne est totalement abandonné, sauf pour le Roi et la Reine
Mais certains jeunes utilisent le"ni" par snobisme, et par admiration de cultures étrangères (France, Pays Anglo-saxons) où le vous ou le you sont couramment usités.
Commenter  J’apprécie         30
L'auteur de cet essai n'est ni linguiste, ni sociologue. Il explique dès les premières pages que son travail n'a donc ni la rigueur scientifique, ni l'exhaustivité qu'on pourrait attendre. Absence de volonté de systématisation donc, mais somme de remarques, d'anecdotes très agréable à parcourir, une fois admis le parti pris par l'auteur. Celui-ci, qui puise ses exemples dans la littérature, la politique, la religion, la publicité, l'histoire ou sa vie personnelle, nous montre que le choix entre tu et vous n'est pas seulement lié au regard porté à l'interlocuteur, mais qu'il dit aussi quelque chose du locuteur qui fait ce choix. La mise en page du livre est particulièrement réussie.
Commenter  J’apprécie         10
Car depuis l'époque des Valois - une chronique du XVIème siècle rapporte que des coups de fouet attendaient celui qui se serait avisé de "faire le compagnon" avec François 1er et de "lui donner d'un toy par le nez" (comprenons "lui dire "tu "en face") -, il ne saurait être question de tutoyer le roi. C'est à peine, au fond, si on a le droit de le vouvoyer : l'étiquette impose la troisième personne du singulier ("Sa Majesté" ou "Votre Majesté", c'est-à-dire celle qui, d'un point de vue linguistique, désigne un être qui "n'est pas un protagoniste de l'acte d'énonciation" : cela signifie qu'on ne parle pas au roi (ce qui supposerait qu'il y a une réciprocité possible entre le locuteur et lui), mais on parle du roi, même en sa présence. En pratique, dès qu'il s'agit d'adresser au roi un peu plus que quelques mots, le vous retrouve droit de cité. Tout dépend des circonstances et de votre statut. Dans Les Fables de La Fontaine, si le pauvre agneau qui s'apprête à être dévoré par le roi-loup s'en tient à la troisième personne ("Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté / Ne se mette pas en colère / Mais plutôt qu'elle considère..."), le renard, qui évolue dans l'entourage du roi-lion, peut se permettre un vouvoiement plus libre : "Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi."
Si l'on écrivait un jour une histoire de l'ethos présidentiel, les vous et les tu y auraient leur place. Les grands vouvoyeurs, Charles de Gaulle et François Mitterrand, se veulent inaccessibles : ils se sculptent une statue, celle du "Général", celle du "Sphinx". Jacques Chirac le tutoyeur, lui, mise tout sur la proximité. Nicolas Sarkozy endosse le rôle de l'hypertutoyeur comme il enfile un T-shirt siglé "NYPD" avant d'aller se faire filmer en plein jogging.
Talents Cultura Romans 2021 : Les envolés d'Étienne Kern