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EAN : 9782493909411
113 pages
Collection Proche (24/08/2023)
3.76/5   353 notes
Résumé :
J'étais là, un bébé parfait dans les bras, et mon corps déchiré. Dans mon orgueil comme dans mon innocence, j'ai pensé que tout s'arrêtait, alors qu'au contraire, tout commençait.

Un soir de novembre, en pyjama sur le parking de la clinique, Julia Kerninon hésite à fuir. Son premier enfant vient de naître et, malgré le bonheur apparent, elle perd pied, submergée par les doutes et la peur des contraintes. Sa vie d'avant lui revient comme un appel au la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (85) Voir plus Ajouter une critique
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sur 353 notes
Ce court texte autobiographique prolonge le magnifique Liv Maria en faisant écho aux préoccupations de son personnage principal qui cherchait à faire cohabiter les différentes facette de sa personnalité sans perdre sa liberté.

Avec une franchise incroyable, Julia Kerninon raconte à travers son propre ressenti le dilemme devenir mère / rester femme, ouvrant son roman sur sa volonté de fuir, sur le parking de la maternité, lorsqu'elle doit rentrer chez elle avec son premier né, sans lui. Dans le récit de son cheminement intérieur jusqu'à la sérénité, les souvenirs refluent comme un appel au grand large, de la noyade à la terre ferme.

Julia Kerninon excelle à sonder l'intime. de sa plume précise et virevoltante, elle raconte avec justesse et sensibilité les basculements successifs d'une vie, ses amours passionnels, ses nuits de liberté, son vagabondage avant de se fixer en tant que compagne avec le père de ses fils. Lui qui lui a fait choisir une vie raisonnable et en accepter ses platitudes inévitables. Elle lui rend un hommage très amoureux. Il n'y a rien de révolutionnaire ou d'iconoclaste dans son texte, mais elle le fait avec une telle franchise, avec une telle confiance en le lecteur que cela touche.

"Après la jeunesse, après la douleur, les erreurs, les tentatives, j'ai traversé la cascade. J'ai cessé d'être une enfant, je suis devenue une mère. Je suis restée un écrivain."

Oui, il est difficile de faire coïncider toutes les identités d'une vie. Elle le dit tellement bien que chaque page recèle des passages, des phrases qui parlent et emportent.

« Je pense que je suis leur mère qui volait des billes et des pommes, je suis leur mère qui séduisait des hommes. Je suis leur mère qui faisait l'amour debout, sans bruit, je suis leur mère qui a menti, leur mère qui a trompé, leur mère pleine d'orgueil et d'avidité, leur mère peureuse, leur mère suicidaire, leur mère ambitieuse, je suis leur mère humiliée, leur mère abusée, leur mère bafouée, je suis leur mère timide, claustrophobe, indéfendable, je suis leur mère dont le coeur autrefois battait jamais si fort que dans des terminaux d'aéroport, leur mère qui a fui encore et encore, leur mère qui a promis des enfants à des hommes qu'ils ne connaitront jamais, je suis leur mère avec les choses inavouables que j'ai faites, que je fais, que je sais. Je suis leur mère avec le souvenir de la cocaïne frottée contre les gencives, et quand le médecin de famille me demande si je me drogue, je dis que j'ai arrêté parce que c'est vrai, mais je ne comprends pas ses yeux qui s'écarquillent. (... ) J'essaie désespérément d'accéder à la décence, mais je ne comprends pas sa surprise – je ne comprends pas pourquoi les années sans enfants j'aurais dû me comporter déjà comme parent.(…) Si peu d'années sont passées et me voici la mère de deux enfants pour toujours. Il n'y a pas de mots pour dire combien j'ai changé, mais il n'y en a pas non plus pour décrire la solidité de l'ancienne moi cachée dans la nouvelle, dure comme un noyau de pêche. »

Et dans son roman déclaration d'amour à la liberté, à son compagnon, à ses enfants, j'ai particulièrement goûté sa façon d'envisager les livres comme compagnons d'une vie au cours de laquelle on évolue. Les livres pour se raccrocher au réel, salvateurs, protecteurs, pour bâtir une nouvelle identité en accordant les multiples évolutions. L'auteure convoque ceux de Rainer Maria Rilke, William Faulkner, Ted Hugues ou encore Imre Kertesz, en incluant des citations insérées dans le récit comme autant d'amulettes ou de mantras.
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Incandescente, vibrante et impudique Julia Kerninon se livre à nous dans cet ouvrage.
J'avais beaucoup aimé son roman Liv Maria avec son héroïne sauvage, déterminée, chancelante. A la lecture de cette autobiographie, il est évident que Julia Kerninon n'a eu qu'à puiser dans son intimité pour dépeindre la rage de vivre de Liv.
L'autrice se remémore la jeune femme libre qu'elle a été de vingt ans à la naissance de ses enfants, dont la venue au monde a profondément bouleversé le mode de vie et de pensée.
Jeune, entière, elle s'est donnée, a aimé sans se poser la question d'être aimée en retour.
Pas de tiédeur ici, la chaleur est volcanique, Julia bouillonne, éructe, vomit ses tripes, les met sur la table, les trifouille avec délectation, les exhibe et s'en repait.
Sans vulgarité, Julia s'offre sans rougir, à nous de détourner le regard après tout, si ça ne nous plait pas. Un peu secouée au début, j'ai eu un mouvement de recul, tout ce déballage, en quoi est-ce nécessaire ? Et puis, j'ai été happée par ces courtes pages condensées très fortes en émotions.
Et c'est ce que j'aime dans une lecture, que le sol s'ouvre sous mes pieds, me happe, perdre mes repères, que l'auteur m'emmène ailleurs.
Si ce livre avait été écrit par un homme, on aurait dit, c'est sans filtre, puissant. Eh bien oui, c'est puissant, cash, extrêmement égocentrique et dérangeant, c'est Julia sous toutes les coutures, ça sent l'insomnie, la sueur, la douleur, le sexe, l'amour … la vie quoi !
J'ai aimé sa description d'une maternité qui ramène brutalement à la réalité animale, la sensualité fière et primitive de la mère qui allaite son nouveau-né. Lorsque la petite tête instinctivement happe le téton pour la première fois, la femme devient mère, fulgurante sensation d'être une femelle allaitant son petit, s'inscrivant dans la lignée immémorielle de l'humanité et celle de sa propre famille.
Alors, merci Julia, pour cette bonne claque, j'ai aimé ta liberté, ton cri, j'en redemande, tu peux compter sur moi, je serai au rendez-vous de ton prochain roman …
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« J'essayais d'être une mère, je ne savais pas par où commencer, la maternité était un cercle de feu dans lequel je ne parvenais pas à me tenir. »
La maternité est un bouleversement pour Julia Kerninon qui, un instant, pense à fuir ses nouvelles responsabilités. L'autrice de Liv Maria nous raconte sans filtre ces moments où elle a cru perdre pied et ce nouveau rôle de mère qu'elle apprivoise peu à peu. Il y a une ambivalence entre la femme sans enfants, fille libre, insouciante, et celle qui lui succède après deux naissances.

« Si peu d'années sont passées et me voici la mère de deux enfants, pour toujours. Il n'y a pas de mots pour dire combien j'ai changé, mais il n'y en a pas non plus pour décrire la solidité de l'ancienne moi cachée dans la nouvelle, dure comme un noyau de pêche. »

Surfant sans cesse entre passé et présent, Julia Kerninon se raconte avec sincérité lorsqu'elle évoque les hommes qu'elle a aimés, ses nuits de vagabondage, jusqu'au jour où elle rencontre celui qui deviendra le père de ses enfants. le dilemme, c'est comment concilier sa vie de mère avec celle d'écrivain. Car écrire est sa vie.
« Tous les jours, j'aime mes enfants, je travaille, et j'essaie d'être un meilleur écrivain.
Les livres ont aussi une grande importance, ils l'aident à traverser la vie. Elle évoque Rilke ou Faulkner et, au détour d'une page, elle cite un poème de Walt Whitman qui colle parfaitement à sa réalité : « Enfants ensemble, l'un à l'autre attachés/ ne nous quittant jamais l'un l'autre… ».

J'ai trouvé extrêmement touchante cette franchise totale, cette intimité révélée sans afféterie. de plus, l'écriture est nerveuse, ça claque et ça secoue. Julia Kerninon nous empoigne, nous impressionne, nous émeut et on se sent familière de cette femme qui ne cache rien. Même pas peur pour avouer sa lassitude d'une vie de famille qui peut sembler idyllique.

« Parfois je me sens tellement passagère clandestine, je suis tellement fatiguée de cette vie de famille… »

C'est court, c'est puissant et on sort de cette lecture un peu sonné car, en parlant d'elle, elle parle aussi au nom des femmes confrontées à la maternité et cette lucidité, cette franchise m'ont fait du bien.



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Toucher la terre ferme est un court récit autobiographique d'une tranche de la vie de Julia Kerninon, jeune auteure française que j'avais découverte dans son magnifique premier roman intitulé Buvard.
Le thème de ce livre pourrait être considéré comme ordinaire, puisqu'il s'agit de parler de maternité, mais n'attendez pas ici que Julia Kerninon vienne vous parler de l'attente béate d'une femme devenant ronde de bonheur.
Au travers de sa propre expérience de la maternité, Julia Kerninon m'a entraîné, - pour ne pas dire happé, vers un chemin difficile pour elle.
J'ai été saisi dès le début des pages par le tangage des mots, comme un océan tumultueux au bord ultime du naufrage, où l'auteure nous parle du mal de mère.
C'est une confidence, c'est une confession sans concession, une voix intime, c'est un cri parfois impudique, je l'avoue, mais je le crois nécessaire et indispensable pour donner du sens au texte. Elle ouvre son coeur, parle de son corps, partage ses blessures.
Dans cette quête vers elle-même, elle se questionne, elle se traque, elle devient sujet d'observation. Ce pourrait être intrusif et malsain, c'est juste beau. Elle fait ce pas de côté en nous prenant la main et nous montrant ce qui est, ce qui fut, peut-être ce qui sera.
Le ton honnête avec lequel elle nous convie force le respect, amène à l'empathie. J'espère vous convaincre par mon propos que l'empathie, c'est littéralement ce lecteur masculin que je suis qui a su se plonger dans le corps et l'âme de cette femme en proie aux turbulences d'une maternité chaotique.
C'est aussi l'image d'une personne solitaire qui est venue à moi. Ou plutôt une personne seule parmi les autres, ses proches, ses enfants plus tard.
L'existence à laquelle sa vie s'adosse est mêlée de vertiges, de rencontres et de déroutes.
Elle parle de la vie avant son premier enfant comme d'un monde merveilleux et extraordinaire, du moins c'est ce qu'elle ressent avec le recul.
Durant cette vie d'avant, elle est aussi une lectrice compulsive et qui écrit désormais, qui publie, qui se nourrit autant de sa vie que de ses lectures. William Faulkner et Rainer Maria Rilke deviennent alors des amis proches, qui vont l'aider dans son cheminement. Preuve que les grands écrivains que nous aimons veillent sur nous et nos existences, nous inspirent peut-être... Moi je le crois en tous cas.
La maternité, c'est peut-être cette barque qui l'entraîne vers une terre qui deviendra un jour stable. Parfois elle regrette presque l'inconfort des histoires d'amour d'avant qui la mettait en totale insécurité.
Se croire insubmersible.
Les pages où elle revient sur ses pas sont incandescentes comme le désir, comme la liberté, comme un oiseau inondé de lumière et traversant ce ciel enflammé.
Elle a peut-être, comme on dit, brûlé la chandelle par les deux bouts.
L'impudeur, est-ce celle de parler d'un corps parfois saturé d'ivresse et de fatigue, surtout à l'approche de son premier enfant ?
Dire ce déséquilibre au bord de l'abîme ?
Parfois elles se souvient de gestes d'amour, ou bien on le disait comme cela, on les nommait comme cela. Pourrait-elle aimer comme cela aujourd'hui ? Elle ne regrette pourtant rien, elle s'éloigne simplement d'un rivage, emportée par la maternité.
L'impudeur, c'est peut-être aussi oser s'avouer que la paix d'une famille, celle d'un couple, une famille qui s'agrandit, devient un péril nouveau tout simplement parce que c'est un territoire inconnu. Quelque chose de calme et d'apaisant. Ce n'est peut-être pas encore une terre où le pied peut se poser fermement.
Elle ne cache rien, ni ses peurs, ni ses failles, ni ses trahisons...
Aborder la maternité, ce fut tout d'abord pour Julia Kerninon l'occasion de se poser cette question presque anodine : « Est-ce que tout s'arrête là ou bien qu'au contraire, tout commence. »
J'ai été emporté par une écriture incroyablement belle, poétique, puissante, elle m'a aidé peut-être plus facilement à entendre ce que l'auteure voulait me dire.
Julia Kerninon dit la manière de réconcilier ce qui a pu être déchiré dans son cheminement difficile de femme avant d'être mère.
La maternité pour elle, c'est « cette impression d'avoir été fendue en deux par une hache, écartelée en étoile, points cardinaux, rose des sables. » Ce corps nouveau d'elle qu'elle a ainsi découvert dans la maternité.
Ce bébé, cet être attendu comme une nouvelle personne qui va venir sur terre, c'est tout d'abord une douleur qui l'éventre, lui fait mal.
Elle se sent parfois maladroite et brutale lorsqu'elle contemple ébahie l'amour de ses proches pour leurs propres enfants. J'ai pensé qu'elle osait dire ici ce que d'autres femmes, d'autres mères n'osent jamais se l'avouer.
Elle essaie désespérément d'être une mère, d'être une femme, tout en revenant sans cesse à sa propre enfance. Je voyais par moment se dessiner pour elle au fond du paysage une ville natale, mais plus j'avançais dans le récit et plus cette ville natale semblait disparaître comme à jamais, comme quelque chose qui n'aurait été qu'une simple enchantement, un mirage posé sur l'horizon d'un désert.
Mettre au monde son premier enfant c'est pour Julia Kerninon comme rester éveillée aux premières heures du jour, vaincre enfin sa peur, fermer des portes... Pousser la barque vers l'autre rivage...
Plus tard, elle a cessé d'être une enfant, elle est devenue une mère...
C'est aussi un livre qui dit la difficulté infinie d'apprendre à aimer, d'apprendre à être aimée et pour cela il touche au coeur.
Elle tangue, elle tente de tenir debout, à la verticale de ses désirs encore vivants, de ses illusions qui partent en lambeaux. Au loin, il y a un territoire dont elle s'approche, est-ce une terre ferme ? Où le pied ne tremblera pas ? du moins il suffit d'y croire, il suffit d'y poser le premier pas, puis le suivant.
Là-bas, sur l'autre rivage de sa vie, ses enfants l'attendent, qu'elle aime cependant, qui l'ont transformée, qui l'ont aidé dans ses renoncements, qui l'ont aidée à accepter de vivre avec le danger, puis savoir s'en éloigner. La barque avance, toute proche de l'autre rive...
J'ai tangué dans ce texte bouleversant.
Toucher la terre ferme. Enfin...
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«Je vais continuer à vivre ma vie invivable»

Après nous avoir régalé avec Liv Maria, formidable roman paru fin 2020, Julia Kerninon se confie à travers un récit intime. L'émouvante confession d'une jeune femme devenue mère.

En refermant ce récit bouleversant, je ne sais si j'en ai le plus admiré l'écriture qui vous entraine au fil des pages, vous bouscule et vous fait découvrir combien la force de ces mots alignés peut vous ramener à votre propre histoire, à vos propres lectures ou si c'est le courage de cette confession intime, très intime, qui m'a bouleversé. Toujours est-il que Julia Kerninon a rassemblé en un peu plus de 100 pages une philosophie de l'existence, un bréviaire pour les temps futurs – notamment pour ses deux enfants –, une superbe déclaration d'amour et une non moins superbe déclaration d'indépendance. Sans oublier le besoin vital de lire et d'écrire.
Une histoire, son histoire, qui commence par un constat auquel tous les parents doivent faire face, souvent sans en mesurer les conséquences: donner naissance à un enfant va bouleverser votre vie. Celle que vous connaissiez avant. Et pour les mères, ce grand chambardement commence dès la grossesse. Une période difficile car c'est celle des questions sans réponse. Serai-je une bonne mère? Et d'abord qu'est-ce qu'une bonne mère? Comment va se passer l'accouchement? Vais-je souffrir? Comment vais-je faire pour concilier mon rôle de mère, d'épouse et mon activité professionnelle? Au fil des jours ces craintes deviennent de vraies angoisses. Même si en fin de compte l'accouchement qui s'annonçait délicat se passe plutôt bien. Et l'enfant déposé entre les bras de sa mère justifie laisse derrière lui les souffrances endurées. «J'ai compris qu'il n'y aurait pas de retour, seulement des échappées. Que pour la première fois j'avais vraiment pris une décision. Debout dans le noir, sous les étoiles, j'ai pensé que je pourrais faire face à ça. J'étais perdue, mais pas dépourvue. Les livres que j'avais lus, ce seraient eux qui me sauveraient, qui me protégeraient. Les livres qui m'avaient faite, et tout ce qui s'était passé, tout ce que j'avais aimé, resté intact dans ma mémoire, armes et bagages, brindilles, murmures, balbutiements, sédiments formant mon histoire et mon identité.»
Une histoire qu'il faut désormais revisiter à l'aune de cette naissance, celle qui fait de Madame Kerninon le dernier maillon des autres Madame Kerninon, la grand-mère aujourd'hui disparue et la mère devenue avec cette naissance grand-mère. Cette mère si aimante qu'il a fallu fuir pour se construire, cet amour étouffant dont il a fallu s'émanciper. «Je suis partie à l'étranger, et je suis progressivement devenue étrangère. Je suis partie dans d'autres pays, et je suis moi aussi devenue un autre pays. Je me suis fait un continent de désordre, de travail, d'écriture, de livres, un état de papiers de bonbons, de révolte et de bains chauds, de cendriers posés en équilibre sur la fenêtre et de petits déjeuners au lit. Je maitrise toujours la langue de mes parents, mais j'ai appris à en parler de nouvelles, j'ai appris à poser des questions, appris à tenir une conversation, appris à respecter mon désir, j'ai cessé d'être péremptoire, j'ai arrêté de penser que l'amour se méritait, arrêté de penser que j'étais responsable de tout. J'ai fait des choix. Je suis devenue quelqu'un.» de cette vie, de cette jeunesse avide de découvertes, Julia Kerninon ne fait pas un récit nostalgique mais plutôt une expérience enrichissante. Quand elle refaisait le monde au petit matin avec les copines, quand elle découvrait l'amour dans les bras d'un écrivain beaucoup plus âgé qu'elle, mais qui lui écrivait de si beaux mots d'amour, quand elle le trompait avec un profil bien différent, un athlète taillé pour le plaisir. Puis vint l'été de ses 25 ans, quand elle s'est installée à Paris. «Là-bas, j'ai eu une vie à la fois trépidante et très triste, et j'avais déjà prévu de quitter la ville quand, à la fin d'une fête d'anniversaire, j'ai accepté de rentrer à pied de Belleville à Montmartre avec un ami d'amis qui vivait à quelques rues de chez moi. C'était la première fois que je le voyais.» Alors elle n'imaginait pas qu'elle avait rencontré l'homme de sa vie. Un homme qui, pour les pages que lui consacre Julia, pourra se dire qu'il a réussi sa vie. Même et surtout parce que ce n'était pas gagné d'avance.
Avec lui, elle a construit un couple avec deux enfants. Oui maintenant, elle a touché la terre ferme.


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critiques presse (3)
LActualite
03 mai 2022
La façon qu’a l’autrice de parler de notre santé mentale collective est empreinte de tendresse et de bienveillance.
Lire la critique sur le site : LActualite
LeDevoir
29 avril 2022
Julia Kerninon cherche à réconcilier femme et mère dans «Toucher la terre ferme», un essai sur la maternité.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LaPresse
24 mars 2022
Perd-on son essence en donnant la vie ? Est-ce que les femmes diluent leurs capacités intellectuelles dans les tâches quotidiennes liées aux enfants ? Si en lisant ces questions vous avez l'impression d'être dans un livre d'Elena Ferrante, c'est normal. C'est que l'autrice française Julia Kerninon vient alimenter à sa manière ces interrogations qui habitent de nombreuses femmes dans le remuant Toucher la terre ferme, prolongeant sa réflexion existentielle sur le rapport à la maternité amorcée dans son roman Liv Maria, mais de manière plus frontale puisqu'elle en est cette fois elle-même le sujet d'observation.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (84) Voir plus Ajouter une citation
Je me souviens de la première fois où il m'a dit je t'aime, quelques mois après notre rencontre, à Berlin, sa voix voyageant dans des ondes téléphoniques entre Wedding et Prenzlauer Berg, une voix étranglée qui m'a rappelé celle de tous les hommes qui m'avaient dit qu'ils m'aimaient, parce que c'était souvent arrivé la nuit, dans des téléphones, ce ton urgent, véhément, tendu ou peut-être parce qu'on n’entend jamais aussi bien ces deux mots que dans un téléphone, quand on peut se concentrer presque parfaitement sur le son et la façon dont il résonne en nous. Je n'ai pas deviné, à ce moment-là, que la prochaine personne qui me dirait qu'elle m'aimait serait notre premier enfant. (p.63)
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La dernière fois que j'avais entendu quelqu'un dire Madame Kerninon, le titre ne s'adressait pas à moi mais à ma grand-mère diminuée, défaite, allongée sans force sur son lit de la maison de retraite, qui levait la tête en souriant quand elle entendait prononcer son nom, ayant absolument oublié qui elle était, aussi abasourdie que moi désormais. Pendant plusieurs années après sa mort, plus personne ne s'était appelé comme ça, et alors que je m’apprêtais à devenir mère, c'était le premier héritage que je recevais, le signe net de ma poursuite de cette lignée de femmes Kerninon, des femmes brunes, tannées, dures à la tâche, dures tout court, butées, secrètes, prudes, de mauvaise foi. Pendant l'accouchement, j'ai eu des moments de flou, où je me débattais avec la douleur, et j'entendais ce nom résonner dans la chambre blanche. C’est bien Madame Kerninon, alors que je savais que la véritable Madame Kerninon était morte depuis 5 ans déjà et qu'elle me manquait tous les matins. C’est bien, Madame Kerninon, c'est bien, alors que j'étais en train de transformer ma mère en grand-mère, et de la rapprocher de sa mort elle aussi. De la chasser du cercle de lumière. (p.79)
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J'avais toujours pensé que je deviendrais quelqu'un d'autre à l'instant précis où il sortirait de moi. J'avais cru que la lumière s'éteindrait et se rallumerait d'un coup, comme dans les soirées surprises d'anniversaire. Je me voyais mourir et revenir à la vie, débarrassée de moi-même, réinventée, lavée, ardoise magique, pharaon. J'avais pensé que ce serait irrésistible. J'avais peur de me noyer dans ses yeux et de n'en jamais revenir, emportée par le courant comme ça avait failli m'arriver, un jour, au large de Long Island. J'avais peur que mon enfant soit un poids de plomb au bout du filin de mon zeppelin, mais je croyais aussi que cette autre personne que je deviendrais serait naturellement douée pour tout ce qui s'annoncerait, et que ce serait elle qui s'occuperait de tout ça.
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Dans les premières semaines, je me rappelle avoir regardé mon corps de fraîche accouchée, avec sa peau défaite et la ligne brune sur mon ventre qui ne partirait jamais, je le savais, et c'était un corps qui ne parlait que de sacrifice, de lait, de fatigue, d'instinct maternel, et pourtant j'avais aussi la conscience aiguë de la cicatrice près de mon œil, des deux lignes pâles laissées sur mon poignet par une lame de rasoir, et du tatouage bleu sur ma hanche, signe de loyauté, d'amour infini pour un homme qui n'était pas son père, et depuis longtemps parti sans se retourner. Mon corps, qui faisait tenir tout ça ensemble - qui allaitait, qui berçait, qui portait, qui conduisait, qui cuisinait, qui embrassait, qui suçait, qui travaillait - mon corps racontait son histoire, rocher devenu galet peut-être, mais toujours indéniablement caillou à la fin, ayant changé de forme mais pas de nature.
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Parfois, je me sens tellement passagère clandestine, je suis tellement fatiguée de cette vie de famille, j'ai l'impression que plus rien ne m'y accroche d'autre que la décence, la loyauté, que je caresse un fantasme dans lequel je remplis la petite valise avec laquelle je suis arrivée dans la vie de cet homme, j'y mets mes vêtements préférés, mes livres, mon ordinateur, l'oiseau en laiton mordoré qui trône sur mon bureau, le petit lapin en porcelaine qui tient dans ma paume comme un talisman, et je pars. Je marche jusqu’à la gare au bout de la rue, je prends un train comme je partais au travail autrefois, je vais dans une ville inconnue, je loue un petit appartement, on me remet les clés, je paye, je remercie, je ferme la porte, j’ouvre la valise, je pose mes affaires à leur place, je m’assois à mon bureau, j’allume une cigarette, et je reprends le cours de ma vie. (p.112)
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Vidéo de Julia Kerninon
Lecture par l'autrice & Julia Kerninon Rencontre animée par Jennifer Padjemi Années 80 dans le nord de l'Angleterre. Yrsa grandit avec son frère Roo et sa mère infirmière. Démunie, leur mère les confie à leurs grands-parents, membres de l'Église Adventiste du 7e jour. Au fil des ans, Yrsa subit, de façon insidieuse puis frontale et traumatique, l'emprise des hommes sur son corps transformé.
Le récit d'Yrsa est le contrepied poétique et touchant au male gaze, par la voix mutante d'une enfant, d'une soeur, d'une ado, d'une escort, d'une poétesse dans l'âme, d'une femme en plein empowerment. La Vie précieuse est un ultra-moderne récit de formation, qui rappelle les effets de composition cinglants de la réalisatrice Michaela Coel (série I May Destroy You) et les envolées pleines de vie et de rage de Kae Tempest. Libre, déterminée, militante féministe et intersectionnelle, Yrsa Daley-Ward a imposé sa voix dans le monde entier, saluée par le Pen Prize du meilleur roman autobiographique. Elle a par ailleurs collaboré avec Beyoncé en 2020 pour le film et l'album Black is King.
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