AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de milan


Mais contrairement à moi, ils avaient honte de céder à leurs désirs". Cette extrait apparaît au milieu du livre. Kerouac y parle de ses voisins qui s'étonnent de le voir passer toutes ses journées, dans la forêt , à ne "rien faire" ou à étudier alors qu'il"est trop vieux pour être étudiant."Et c'est en celà que se trouve toute la frustration et l'admiration que suscite que Kerouac à chacune de mes lectures: Son courage. Il a une vision du monde, de la vie. Vision emplie de générosité, d'empathie, et il vit pleinement cette vision, ne trahit ( ou rarement) aucun de ses principes. Dans les clochards céleste, il raconte ses errances, ses rencontres, ses amis, ses découvertes, ses illuminations. Il est en pleine expérimentation des percepts bouddhistes, en compagnie de "clochards" et en particulier de Japhy, un bûcheron issu de l'Amérique profonde, rencontré lors d'une lecture de poésie dans un bar de San Francisco. Et c'est le coup de foudre idéologique entre les deux. Japhy aussi sillonne le pays, mène une vit de moine, entouré de poésie et de lectures métaphysiques, médite dans sa cabane, reçoit tous les artistes du coin, pratique l'amour libre, mais il est surtout passionné d'alpinisme, passion qu'il veut faire découvrir à Kerouac (Ray smith dans le livre) et Kerouac est bien sur d'accord. Ils traversent donc le pays, partant à la découverte des meilleurs sites pour faire de l'escalade et camper. Japhy apprend à Ray (et à d'autres) les bases de l'escalade et du camping, les techniques de survie, et pour Ray, c'est la découverte d'une autre liberté, encore plus grandiose que celle qu'il connait jusque là, sans doute parce que plus liée à la nature et aux sources de toute vie.Ils escaladent les sommets de Californie, et ça donne lieu à des pensées lumineuses et chaleureuses.....mais drôles parfois, parce que malgré toute sa bonne volonté, Kerouac est humain, et cède parfois à des désirs simples: un bon lit, un vrai repas....une petite envie de luxe, ou au moins d'un minimum de confort, et n'hésite pas alors à maudire et rejeter toutes ses aspirations....pendant juste quelques minutes....le temps du bonheur suivant, celui d'un abri rocheux, magiquement éclairé par un feu de camp, ou alors le plaisir d'être réveillé tous les matins, dans son sac de couchage, par le passage fulgurant d'un colibri. Ray passe d'un type de compagnie à l'autre ( solitude absolue, groupes de poètes, citoyens "normaux") et d'un décor à l'autre ( routes sans fins, forêts majestueuse, villes industrielles asphyxiantes) et transmet ses émotions à la fois sincères et contradictoires, reflets de son ouverture d'âme et de coeur au monde qui l'entoure.Il ne résiste à aucune émotion, les laisse toutes le traverser et les restitue sublimées, honnêtes. L'Amérique que décrit Kerouac est un monstre effrayant, broyant tout sur son passage, dépourvue d'âme. Et pourtant, elle est riche de poètes, d'êtres sensibles et lucides, luttant contre ce qu'elle devient tout en lui rendant hommage, et qui malgré leurs tentatives de fuir le plus loin possible, y reviennent, comme attirés irrésistiblement, l'évoquant à l'infini. Je lis souvent en écoutant de la musique (principalement pour court-circuiter les parasites autour de moi) et jamais une musique n'a semblé convenir à ce point à une lecture: La BO de American Beauty https://www.youtube.com/watch?v=gHxi-HSgNPc Même le titre est parfait, avec un extrait pareil :" Les chiens méditaient aussi, tout debout. Il régnait un calme absolu. Toute la campagne n'était que gel et silence. On n'entendait même pas le le léger bruit d'un lapin ou d'un raton laveur. Rien que le merveilleux silence glacé. Un chien aboya, à sept ou huit kilomètres, du coté de Sandy Cross. Un très , très léger ronronnement de camion s'élevait à quelques vingt kilomètres; du côté de la route 301, dans la nuit. Une fois ou deux retentit dans le lointain le bouhouhou des trains Diesel qui remontaient vers New Yrok ou descendaient vers la Floride, emportant voyageurs ou marchandises. Une nuit bénie. Je tombais aussitôt dans une transe atone, vide de toute réflexion, qui me révéla une fois encore que je pouvais cesser de penser.Je soupirais d'aise en me rappelant que je n'avais plus besoin de penser. Je sentis tout mon corps sombrer dans une extase à laquelle je pouvais enfin croire. J'étais détendu et réconcilié avec le monde éphémère des rêves et des rêveurs. J'avais fait la paix avec le rêve lui même. J'écris ses lignes, les écouteurs plus que vissées aux oreilles, tentant douloureusement de ne pas être envahie par le vacarme de ce qu'il y a de plus vulgaire et abjecte chez l'homme: l'absence totale de beauté, un état bestial dénué de la force de la bête. En cela, je n'ai apparemment pas saisi Kerouac, lui qui ne semble pas connaitre de mépris envers qui que ce soit, il est tour à tour admiratif, craintif et au pire indifférent. Les livres de Kerouac sont de ceux que je suis prête à relire tout de suite ( et c'est le cas à l'instant, en recopiant mes notes), aussitôt la dernière page lue. Les livres de Kerouac sont de ceux qui poussent à parler de soi dans une critique sensée aborder un texte, son style...etc. Parce que les livres de Kerouac ne sont pas juste des livres, ils sont un tête à tête avec un être sensible. Lire Kerouac est dangereux pour le repos de l'âme, à déconseiller.

'American Beauty' - Thomas Newman (from the 'plast
Commenter  J’apprécie          140



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}