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Je remercie les Éditions du Seuil et Babelio pour l'envoi, dans le cadre d'une opération masse critique spéciale, de ce beau cadeau que constitue l'ultime enquête de Bernie Gunther par le regretté Philip Kerr.

Avant de me plonger dans une nouvelle aventure du policier Gunther, je réfléchis très fort si je n'ai rien oublié d'important ou urgent qui risque de venir perturber ma lecture et si mon gang de félins a assez de nourriture, de lait et de friandises pour ne pas venir quémander dans les quelques heures qui vont suivre.

Cette quatorzième enquête de Bernie Gunther est sortie l'année dernière en Angleterre, un an après la mort de Philip Kerr d'un cancer en mars 2018 à l'âge de 62 ans seulement.

Pour cette dernière enquête l'auteur nous ramène à l'Allemagne de Weimar qui a succédé à l'empire des Hohenzollern après la défaite de la Première Guerre mondiale et la fuite de l'empereur Guillaume II (1859-1941) aux Pays-Bas.
Nous sommes en 1928 et notre héros est nommé inspecteur de police à la Kripo ("Kriminalpolizei" - police criminelle) de Berlin par le grand chef Bernhard Weiss (1880-1951), avocat et Juif, qui sera bientôt obligé par les nazis de s'exiler en Angleterre.

Berlin avec plus de 4 millions d'habitants est surpeuplée et une inflation historique a en 1923 condamné une bonne partie de cette population à la misère. Ce sont comme souvent les femmes qui trinquent le plus. Réduites au chômage après la perte de leur emploi dans l'armement pendant la guerre et fréquemment supposées prendre soin d'un mari rentré du front invalide ou estropié. Fatalement, un bon nombre de femmes et filles se feront, pour simplement survivre, prostituée occasionnelle ou trouveront le chemin des cabarets qui polluent dans la capitale allemande. Et des cabarets plus sinistres et vulgaires que celui que l'inoubliable Liza Minnelli nous a présenté dans le film célèbre de 1972, inspiré par les best-sellers de Christopher Isherwood "Adieu Berlin" et "Berlin Stories".

Et notre Bernie est chargé d'un dossier type pour l'époque et l'endroit officiellement et inoffensivement nommé "l'affaire Station Porte de Silésie". Une horrible histoire de jeunes prostituées assassinées et scalpées. Sur le lieu du crime aucune trace exploitable ni de scalp !

En épluchant le dossier, l'inspecteur fait la connaissance des pauvres victimes qui sont ainsi présentées au lecteur.
Il y a :
- Mathilde Luz, 27 ans, trouvée dans sa robe de C&A avec son eau de Cologne 4711, qui s'est faite "shontes" (putain en Yiddish) pour payer son loyer. D'après le rapport d'autopsie, elle était enceinte.
- Helen Strauch, 24 ans, dont les parents avaient divorcé et la mère s'était jetée, même pas 9 ans avant, dans le Landwehrkanal. C'est en perdant son boulot dans une brasserie que la jeune Helen a décidé de tapiner.
- Louise Pabst, un travesti prénommé à la naissance Fritz, qui travaillait chez Wertheim (une grande surface) le jour et qui fréquentait la nuit des cabarets. Comme les autres, il/elle a été frappé d'un coup de marteau qui lui a brisé la nuque, mais Pabst a survécu et se trouve à l'hôpital, sans avoir, comme porteur de perruque, été scalpé.
- Eva Angerstein, 27 ans aussi, sténographe chez Siemens et prostituée de fin de mois, lorsqu'il lui manquait des sous juste avant de recevoir sa paie. Mode opératoire de l'assassin pareil et aucun témoin.

J'arrête ici ma petite présentation en soulignant que pour Bernie Gunther l'enquête ne sera nullement une sinécure, compte tenu du peu d'indices dont dispose la police : que l'assassin fume des cigares, porte des boutons de manchette de franc-maçon, et a probablement des devises étrangères dans sa poche.
Pabst, à l'hôpital, ne se souvient de rien, mais un passant a entendu quelqu'un dans les parages siffloter une mélodie de "L'apprenti sorcier" du compositeur français, Paul Dukas.

Cette intrigue policière, qui comporte de sacrées surprises, est située dans une Sodome et Gomorrhe moderne et européenne, comme toujours très bien recherché et documenté par l'auteur.

Le décès de cet auteur est une perte importante pour la littérature policière de qualité. Peu avant sa mort un éditeur anglais avait qualifié Philip Kerr comme "le Graham Greene de notre temps". C'est exact qu'ils avaient tous les 2 le don de l'observation minutieuse et de la formulation originale et élégante. Tous les 2 ils ont eu la même aversion d'injustice et de corruption, comme Greene de ce maire connu du Midi de la France.
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Je remercie les Editions du Seuil et Masse critique pour ce magnifique cadeau !

Metropolis est un polar historique à l'humour et à l'analyse acerbes et qui possède une cadence parfaitement rythmée.

Roman posthume qui vient boucler la boucle des zigzags temporels dans lesquels nous ont entraîné Philip Kerr, couvrant presque trois décennies ; la toute première enquête de Bernie Gunther nous arrive après toutes les autres et cela ne fait que rajouter une meilleure compréhension de son parcours et d'insuffler encore de l'épaisseur au personnage qu'on a côtoyé sur tant d'aventures.
Le jeune Bernie Gunther qui débute à la Kripo en a déjà vu passablement d'horreurs mais il est encore optimiste et croit encore à l'ordre et à la justice.

L'auteur écossais fait un joli parallèle entre Berlin et Babylone. Berlin en 1928 est absurde et laide, gangrenée par des excès de violence, de décadence et infectée par des stigmates de la guerre, qui continue à distiller des criminels organisés en gangs, des fous et des déviés. Néanmoins elle demeure paradoxalement une ville merveilleusement stimulante.

Bernie Gunther est parti avec Philip Kerr.
Ses aphorismes ne nous arracheront plus de sourires et les valeurs humaines qu'il défend et qui transcendent toutes les horreurs qu'il a pu traverser demeureront intactes.
Ses quatorze enquêtes nous auront tant appris et passionné !
Son cynisme mâtiné d'idéalisme survivra et fera encore le bonheur de beaucoup de lecteurs !!

Pour ceux qui n'ont pas encore fait connaissance avec l'oeuvre passionnante de Philip Kerr et qui désirent suivre l'ordre chronologique de ses aventures, désormais, le feuilleton peut se lire en suivant le fil historique (les tomes 14-1-2-12-8-9-10-3-4-5-6-7-11-13).

Je conclus mon humble hommage à ce grand auteur avec ce texte paru dans le Monde :
« Avec son héros avançant sur une ligne de crête, d'une viscérale ambivalence, Philip Kerr a tracé une nouvelle voie dans le polar comme dans le roman historique. Résultat : une fresque réaliste et terrifiante, véritable morceau de philosophie morale et politique ».


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Il y a très longtemps que je voulais découvrir l'univers de Bernie Gunther, dont la « Trilogie berlinoise » me nargue effrontément sur une étagère de ma bibliothèque (quelle idée aussi d'avoir opté pour le modèle poche qui fait mille pages et pèse plus de cinq cents grammes, quand on n'a plus beaucoup de force dans les mains…

Quand on me l'a gentiment proposé au cours d'une masse critique spéciale de Babelio, je n'ai pas hésité plus d'une demi-seconde, car il s'agissait de sa première enquête donc cela me permettait de faire la connaissance de Bernie.

L'action se situe en 1928, à Berlin, sous la République de Weimar, alors que frémissent déjà la moustache d'Hitler, ses Sections d'Assaut tristement célèbres, les violences perpétrées contre tout ce qui les dérangent…

Trois prostituées sont retrouvées assassinées et scalpées par un mystérieux tueur que l'on surnommé Winnetou, l'une d'entre elle étant la fille d'un mafieux.

Le tueur nargue la police et joue avec elle, en laissant des indices trompeurs pour les envoyer sur de fausses pistes. Brusquement, il change de victimes et s'en prend aux hommes qui ont été blessés pendant la guerre et se retrouvent à mendier, dans leurs petits charriots roulants, aux sorties du métro. Il écrit un texte à un journal justifiant ses crimes par la nécessité de nettoyer Berlin de tous les inutiles… il se fait appeler « Gnadenschuss », coup de grâce.

J'ai beaucoup aimé découvrir le Berlin de 1928, aux côtés de Bernie, la société allemande de la métropole de l'époque, les références à l'Histoire, la faim, la chute de la monnaie, la montée du Nazisme, le racisme ambiant, mais aussi la culture car on croise Fritz Lang et sa compagne de l'époque Thea von Harbou, le milieu du théâtre…

J'ai lu beaucoup de livres sur la période du Nazisme, la seconde guerre mondiale, mais je connais moins bien la République de Weimar et la manière dont Philip Kerr mêle ses héros avec des personnages ayant existé, aussi bien dans la police qu'au gouvernement, aux acteurs, entre autres m'a beaucoup plu.

Bernie Gunther est un héros intéressant et sympathique, dont j'ai aimé découvrir l'univers, la manière de vivre, les cauchemars liés aux souffrances passées dans les tranchées, qu'il tente d'oublier dans l'alcool, les méthodes d'investigation ainsi que ses relations avec les autres, qu'il s'agisse de ses collègues ou des femmes et que j'ai hâte de retrouver…

Un grand merci à Babelio et aux éditions Seuil qui m'ont permis de découvrir ce roman ainsi que son auteur.
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Berlin des années vingt,
Quel est le devin
Qui aurait prédit
Ce que tu devins ?
Putain frigide
Couleur suicide
Tu faisais ton lit
Sur un manteau vert-de-gris
Berlin des années vingt (Marie-Paule Belle)
Si Bernie Gunther est orphelin de son papa, je me sens moi-même privée trop tôt de Philip Kerr que j'avais découvert il y a peu grâce à Babelio et pour qui ce fut le coup de foudre avec « Les ombres de Katyn ».
Dans Metropolis, Berlin, son climat délétère, ses victimes de guerre, sa pègre, ses prostituées. Une ville minée par la défaite, la montée du nazisme et l'antisémitisme. Une ville sans espoir, à l'agonie partage la vedette avec Bernie.
On y découvre un être blessé moralement par la guerre, les tranchées qui s'oublie dans l'alcool mais qui va ouvrir les yeux grâce à son enquête qui le mène dans les bas-fonds.
On y découvre une sorte de poudrière où personne n'est en sécurité que ce soit pour sa race, son métier, le plus vieux du monde où parce qu'il symbolise la défaite avec membres amputés et malheureusement ces victimes de la société sont aussi les proies d'un tueur machiavélique.
Une histoire où Bernie Gunther va se retrouver associé à un chef de la pègre mais c'est un flic intègre comme il y en a peu et malgré de petites incartades, la justice sera respectée. Et voilà je viens de finir une autre aventure de ce flic, peu ordinaire, honnête, philosophe, humaniste, plein d'humour, sans illusions mais pas désespéré. Un héros comme je les aime.
Philip Kerr, de par son écriture, son immense travail de documentation, ses descriptions très détaillées et ses énigmes policières était un auteur qui avait le don de me plonger dans l'époque et le lieux, talent très rare dont je lui suis reconnaissante.
Merci aux éditions Seuil et à Babelio pour ce très beau cadeau.

Challenge à travers l'histoire 2020
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Je remercie chaleureusement les Éditions le Seuil ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance !

En mars 2018, l'auteur de roman policier historique de renommée mondiale Philip Kerr disparaissait des suites d'une longue maladie. Il nous laissait orphelin d'un personnage culte, un certain Bernie Gunther inspecteur allemand de la police de Berlin durant la République de Weimar puis sous le nazisme et même après 1945 à la fin de la Seconde guerre mondiale, jusqu'aux prémices de la guerre froide, qui allait installer une chape de plomb sur l'Europe, pour les cinquante prochaines années, jusqu'à la chute du mur de Berlin en 1989. Peu de personnages de roman policier marquent ainsi plusieurs générations de lecteurs. Philip Kerr est à rapprocher de l'autre immense auteur britannique qu'est John le Carré.

« Metropolis » paru début novembre 2020 aux éditions le Seuil est le dernier des quatorze volumes mettant en scène Bernie Gunther. Il relate les débuts de la carrière dans la police de ce personnage emblématique. Bernie Gunther était policier, en 1928, au quartier général de la police berlinoise sur Alexander Platz. Son supérieur hiérarchique est Bernhard Weiss, chef de la police criminelle de Berlin. Ce dernier est juif et subi les foudres des nazis, pas encore au pouvoir, mais faisant tout pour y accéder au prix de la violence, du mépris des droits de l'homme et de la démocratie mise en place par la fragile République de Weimar. C'est à Bernhard Weiss que l'on devait la réorganisation de la police berlinoise devenue ainsi une des plus modernes d'Europe. Gunther avait fait la guerre 1914-1918 comme engagé volontaire. En 1928, on le nomme inspecteur. Après l'inflation de 1923, presque tout le monde, dont un grand nombre de policiers, vendaient de la drogue, de l'alcool de contrebande, etc. Sous la République de Weimar, drogue et prostitution masculine ou féminine sont omniprésentes à Berlin.

Philip Kerr avait ce talent inouï pour tisser une ambiance de malaise entre montée en puissance des nazis et désordres aux multiples raisons dans la République de Weimar. L'enquête concerne des prostituées retrouvées assassinées et scalpées. C'est là encore un prétexte pour nous immerger dans cette atmosphère d'antisémitisme et de haine, de lutte pour le pouvoir entre différentes factions dont les plus virulents sont les nazis. Accusée de tous les maux, la République de Weimar vacille tandis qu'un certain Adolf Hitler jure de nettoyer l'Allemagne de ceux, coupables selon lui, du coup de poignard dans le dos ayant causé la défaite de 1918 qui accoucha du Traité de Versailles en 1919. Un Traité que les nazis veulent voir fouler aux pieds et qui est ouvertement remis en cause par eux. le célèbre réalisateur Fritz Lang décide de faire un film « Métropolis », titre du livre, sur la criminalité à Berlin. Il souhaite s'inspirer d'un certain « Winnetou », l'assassin des prostituées scalpées.. Mais bientôt la police se tourne vers une autre priorité : l'arrestation du « Dr Gnadenschuss » ou « coup de grâce » donné par ce criminel qui tue d'une balle dans la tête des victimes, toutes des anciens combattants estropiés. Gunther a des problèmes d'alcool car il est hanté par les souvenirs de ses compagnons de fortune, ces soldats morts dans les tranchées de 1914-1918.

Gunther est un personnage tourmenté, en proie à des démons intérieurs, pleins d'aspérités. C'est l'archétype du personnage complexe qui ne se laisse happer par aucun modèle, aucune case. Il doit faire des compromissions comme dans la réalité. Il y a ce qu'il veut et ce qu'il peut faire. Il n'est pas comme ces héros en marbre mais sa personnalité est lézardée par tout ce qui constitue la densité de son être. Un roman qui nous replonge dans cette période on ne peut plus tourmentée avec le plaisir toujours intact de suivre Bernie Gunther dans ces enquêtes. Une réussite et un cadeau idéal pour noël. « Metropolis » de Philip Kerr vient de paraître aux éditions le Seuil.
Lien : https://thedude524.com/2020/..
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Kerr avait mis la barre haut: pour nous narrer les premiers pas de son héros, évidemment situés en république de Weimar, il a emprunté son titre au chef d'oeuvre de Fritz Lang. le Metropolis de Fritz Lang, tourné en 1923, situe dans le futur un monde où ultra-riches et damnés de la terre s'opposent avant de se réconcilier, l'ordre national-socialiste ayant éliminé la lutte des classes.
Le film était déjà une allégorie transparente de l'Allemagne de l'entre-deux-guerres et le roman de Kerr veut lui aussi retranscrire l'atmosphère de l'éphémère république et de surcroît il multiplie les clins d'oeil au film: procès de la pègre dans les bas-fonds, amour de la jeune socialiste abandonné au profit d'une aventure avec Thea von Adlon (fervent soutien d'Hitler), personnage idéaliste cédant au crime et à la corruption... Surtout, Kerr parvient à bousculer un tableau somme toute classique de la république de Weimar en faisant de la question juive un problème central. Un Juif ne peut être un personnage comme les autres, il ne peut être ce qu'il est sans que sa religion ne fasse de chacune de ses actions un problème politique. S'il embauche un autre Juif, c'est bien sûr par communautarisme, s'il ne l'embauche pas, c'est par calcul et duplicité. Dans cette Allemagne pré-nazie, on ne peut être Juif et innocent, on ne peut même pas être coupable et juif sans que des arrière-pensées n'interfèrent et nient la banalité de la situation.
Le problème, c'est que le roman de Kerr préfère le texte au sous-texte. Entre deux actions languissantes, mais qu'est-ce que ça cause. Ça cause, ça ratiocine et ça philosophe, ça glose à tout va, ça recadre, ça explique et ça contextualise.
« Vous savez quoi, patron? poursuivit Trettin. En écoutant la lecture de cette lettre, je repensais à ce que vous avez dit à propos de ces deux médecins. Vous les avez qualifiés d'eugénistes. Et pas seulement. Ils sont partisans d'exterminer tous les individus qui ne sont pas utiles à la société.
-Hélas, dit Weiss, ces théories pseudo-scientifiques sont largement répandues de nos jours. Surtout en Allemagne. Et défendues par certaines personnes hautement respectables. Jusqu'à sa mort, il y a quelques années, Karl Binding était un des plus fervents partisans de l'euthanasie, comme il disait. Et le psychiatre Alfred Hoche prônait l'élimination des handicapés et des malades mentaux. »
Voila, c'est donc peu de dire que l'intrigue musarde du côté du cours d'histoire. Je n'ai rien contre mais, là, c'est quand même un peu lourdingue. D'ailleurs le coupable laisse trainer l'arme du crime et les scalps de ses victimes dans son coffre (Pourquoi se gêner?). L'enquête tient un peu trop du prétexte. Kerr fait dans la référence historique, il ne va pas en plus s'embêter à bâtir une intrigue policière un minimum excitante.
Bilan: je me suis poliment ennuyée et ça m'a donné envie de revoir le Cabaret de Bob Fosse: Willkommen! Bienvenue! Welcome!... Moralité: Bernie-le-jeune m'a assoupie mais Liza sur sa chaise m'affole toujours autant.
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Publié après la mort de Philip Kerr, ce roman constitue la dernière brique apportée par l'auteur britannique aux aventures du commissaire Bernard Günther. Un personnage littéraire qui s'est imposé dans une trilogie, avant que l'auteur ne consente à lui apporter toute une vie, de la montée du nazisme durant la république de Weimar jusqu'aux exils d'après guerre. Bernard était devenu à jamais Bernie pour les lecteurs fascinés par ce policier excessif, ironique, à contre-courant, qui parvient malgré tout – et malgré ses opinions politiques – à survivre à la seconde guerre mondiale. Sans gloire. Et avec conscience des crimes que le régime nazi avait pu commettre… Et pour cause : il y était.

Metropolis ne pouvait être que l'apothéose d'une réussite littéraire pour tous ceux qui attendaient cet ultime tome. Ce n'est pas tout à fait le cas.

Une grande part de cette (demie) déception provient de Bernie lui-même. En cette toute fin des années vingt, dans un Berlin où la pègre et la liberté sexuelle s'en donnent à coeur joie, Bernard Günther n'est qu'un sergent de police que Bernard Weiss, le chef de la Kripo, la police judiciaire, exfiltre du service des moeurs pour intégrer le fourgon des investigations criminelles. Bernard Günther s'y montre l'élève appliqué du plus célèbre enquêteur du service, Ernst Gennat, dit le Bouddha. Sa vie personnelle navigue entre les cauchemars suscités par ses souvenirs de la grande guerre et ses maigres relations avec ses voisins et voisines de pension. Ce Günther là boit beaucoup, obéit à ses supérieurs (si, si, on parle bien du même), et semble même timide avec les dames (bon, il va changer au fil des pages…).

D'une certaine façon Kerr est logique avec son personnage. On ne devient pas d'un coup quelqu'un d'aussi sûr de soi, philosophe face à la violence des hommes, et caustique. le Bernard Günther que l'on retrouve plus tard – c'est à dire dans les romans précédents -, a du vécu, de l'expérience. Metropolis est quelque part le récit de ces années d'expérience. C'est aussi le début d'un fonctionnement individuel – fonctionnement qui deviendra individualiste par la suite.

Comme d'habitude Kerr est parfaitement documenté – d'ailleurs pour une fois, il se permet dans une annexe finale de resituer certains personnages et certains lieux dans leur réalité historique. le roman sent donc la saucisse vendue au coin de la rue par le vendeur ambulant, les effluves des clubs mal famés du Berlin de l'époque, et le schnaps que boivent les mutilés de guerre faisant la manche autour des gares.

Ce Metropolis ne respire pas le bonheur, même si le peuple allemand vit, sans le savoir, ses dernières années en République. La liberté ne va pas tarder à disparaître – et certaines des illusions de Bernie aussi.

Arrivé au terme de l'intrigue, après un dernier tiers d'ouvrage assez rythmé, le lecteur qui a côtoyé durant des années le Kommissar Günther reste un peu médusé : et oui, c'est fini. On en oublierait presque que c'est un écrivain qui nous a quitté, et pas son héros, tellement Kerr avait su rendre attachant son personnage.
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C'est en tournant la dernière page de ce livre que je mesure une fois de plus que je suis une lectrice super dispersée… Car comment expliquer autrement que ce livre, qui devrait être pour ma part le dernier de l'auteur malheureusement récemment décédé que je lis, n'est en réalité que le quatrième ?
J'avais lu il y a une dizaine d'années la « Trilogie berlinoise » que j'avais adorée. J'avais enchainé très vite avec la suite, » La mort, entre autres » et puis…. Et puis, tout à coup, des années se sont passées…et là je réalise vraiment comme je suis dispersée dans mes lectures… Bon, la, dans la foulée, j'ai déjà commandé plusieurs tomes de la série Bernie Gunther, que j'ai bien l'intention de lire entièrement cette fois ci car après tout, il n'est jamais trop tard pour redresser la barre….
Bon, assez parlé de moi, car après tout, il faut bien mettre en avant cette lecture que j'ai beaucoup aimée.
Il s'agit, même si c'est le dernier livre de l'auteur, du premier du point de vue chronologique mettant en scène le policier allemand Bernie Gunther.
Nous sommes en 1928, à Berlin et notre héros vient juste d'intégrer les rangs de la Kripo en qualité de jeune inspecteur. C'est une véritable plongée dans le Berlin de cette période juste avant l'avènement des nazis au pouvoir que nous restitue Philip Kerr. Un Berlin dont les habitants sont encore en train de se remettre des séquelles de la dernière guerre, et où l' on assiste à une lente mais certaine montée de l'antisémitisme et aussi du nazisme.
Bernie (oui, je l'appelle Bernie, car après tout, je le connais depuis longtemps), quant à lui va enquêter sur des meurtres de prostituées et il va mesurer combien ce genre de crimes laisse la population berlinoise complètement indifférente…
Bref, je ne rentrerais pas plus dans les détails de cette histoire que j'ai lue avec beaucoup de plaisir. Pour ma part, je dirais juste qu'il s'agit d'une excellent cru et qu'il m'a redonné envie de relire toute la série mettant en scène ce personnage si attachant qu'est Bernie Gunther…
Encore merci à Babelio pour son opération de Masse Critique ainsi qu'aux Editions Seuil pour l'envoi de ce livre, dont, je le dis juste en passant, j'adore la photo de couverture….

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Berlin.

Bernie Gunther est invité à la table des « grands », par Bernhard Weiss, chef de la police criminelle de Berlin. Se trouve là également Ernst Gennat, un des meilleurs inspecteurs. Pourquoi une telle invitation ? Une promotion ! Il a fait du bon boulot, et contrairement à l'inspecteur qu'il est chargé de remplacer, cela ne lui pose pas de problème d'obéir à un supérieur hiérarchique juif. Weiss est un policier remarquable qui, en plus, a su s'illustrer comme officier durant la Grande Guerre… Mais il est juif… En pleine montée du nazisme…

Critique :

Pour son dernier livre, Philip Kerr décédé en 2018, nous narre les débuts des aventures de son détective fétiche Bernie Gunther. C'est l'occasion de plonger dans ce que pouvait être le Berlin de 1928, une ville souvent comparée à la Babylone, aux moeurs corrompus, où l'on vient s'encanailler de partout : prostituées à foison, travestis en veux-tu-en-voilà, homosexuels, pédophiles, cocaïne en vente libre, surpopulation, conflits politiques, chômage, faim, misère, et montée du nazisme.
Philip Kerr, tout en avançant dans le récit, deux prostituées trouvées mortes scalpées, puis une troisième, anciens combattants envoyés ad patres, resitue le contexte de toute cette misère sociale : les conséquences désastreuses de la Grande Guerre. S'il y a autant de femmes qui se prostituent, ce n'est nullement par plaisir ou appât du gain, mais simplement parce qu'il faut survivre sans autres ressources que celles que l'on peut tirer de son corps au péril de sa vie. La haine des juifs est déjà bien installée, puisqu'il faut bien trouver des coupables pour justifier la défaite de 1918, et cette détestation ne fait que croître. Bernie a été appelé aux côtés des deux grands de la police criminelle, Weiss et Gennat, parce qu'il sait se montrer efficace, modeste et politiquement neutre, même s'il n'a aucune sympathie pour les nazis, loin de là. de plus, il n'éprouve aucun ressentiment à l'égard des juifs.

Ce que j'ai toujours admiré chez Philip Kerr, c'est la manière dont il nous fait découvrir des lieux, des époques, des personnes bien réels en les insérant très intelligemment dans le récit policier où le personnage fictif de Bernie Gunthet mène la danse (enfin, pas toujours car il lui arrive tout le temps des petites bricoles qui pourraient nous laisser croire que ce garçon est foncièrement masochiste).
C'est ainsi que, comme le précise Philip Kerr à la fin du livre, les personnages de Bernard Weiss, Ernst Gennat, le ministre Albert Grzesinski, sa maîtresse Daisy Torrens, l'assassin Bruno Gerth, le peintre George Grosz, la scénariste Thea von Harbou, épouse de Fritz Lang, et bien d'autres, ont bel et bien existé et ont été placés dans un contexte parfaitement crédible. de même, des lieux aussi improbables que le Sing Sing Club et sa chaise électrique, la morgue de Berlin ouverte au public qui venait contempler les cadavres et le Cabaret des Sans-Noms étaient des lieux tels que décrits par l'auteur.
Philip Kerr manquera énormément à la littérature policière par son apport considérable au niveau historique. Adieu Bernie Gunther. Adieu Philip Kerr.

Un immense merci aux Editions du Seuil et à Babelio Masse critique pour l'envoi de ce magnifique roman.
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Berlin, 1928. Dernier roman de l'auteur décédé en 2018, mais antépisode de la série Bernie Gunther.

Berlin, ville de débauche, où des mutilés de la Première Guerre mondiale quêtent au coin des rues et des femmes honnêtes se prostituent car c'est le seul moyen qu'elles ont pour boucler les fins de mois.

Bernie Gunther enquête sur le meurtre de jeunes femmes. Comme il s'agit sans doute de prostituées, on ne va pas y mettre trop d'efforts, car bien des gens seraient contents qu'on débarrasse les rues de cette vermine… La suite, c'est d'autres meurtres, des méthodes d'enquêtes innovantes et les dilemmes d'un policier qui cherche la justice.

J'aime beaucoup les polars de Philip Kerr, qui permettent de comprendre l'Histoire en nous faisant percevoir l'atmosphère d'une époque. Ici, le décor d'une Allemagne exsangue, dont la situation économique ne s'améliorera pas avec la crise économique et qui glissera tranquillement vers le nazisme.

Un polar intelligent, à la hauteur de la réputation de l'écrivain.
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"Je ne suis pas un nazi. Je suis un Allemand. Ce n'est pas la même chose. Un Allemand est un homme qui arrive à surmonter ses pires préjugés. Un nazi, quelqu'un qui les change en lois" On m'a viré de la Kripo en 1934, et comme il faut bien vivre, je me suis retrouvé déguisé en privé dans l'établissement le plus select de Berlin :

Hôtel Savoy
Hôtel Berlin
Hôtel Regent
Hôtel Adlon
Hôtel Otto

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